Auteur d’une trentaine d’ouvrages (poésie, essai, prose), critique littéraire, par ailleurs membre du conseil de rédaction des Editions Encres Vives et directrice du comité de rédaction de la revue Décision, Chantal Danjou vit et travaille aujourd’hui dans le Var. Docteur ès lettres (La femme seule à travers Colette et Katherine Mansfield, Paris-Sorbonne IV), professeur durant de nombreuses années, elle intervient à présent dans des instituts universitaires de formation d’enseignants et dans des Universités (direction de mémoires, cours sur la poésie contemporaine et conceptions de projets concernant la lecture, la traduction et l’expérience poétiques comprenant la pratique d’ateliers d’écriture). Son intérêt pour la psychanalyse lui permet de développer son travail pédagogique. Enfin, depuis 1989, elle est présidente de La Roue Traversière, l’association qu’elle a cofondée, autour de la poésie contemporaine et de l’interdisciplinarité artistique.
Ses derniers titres en poésie sont L’ancêtre sans visage, Ed, Collodion, 2016 (livre d’artistes) et 2017 (pour l’exemplaire de librairie) ; Inutilité de voir venir, 2016 et La concomitante, 2017, les deux chez Ed. Encres Vives ; un livre d’artistes, Nuit à habiter, leporello avec Maria Desmée, 2017.
Ses titres les plus récents en prose sont Les Jardins d’Essais et Journal de la main, les deux titres aux Ed. Orizons, 2017 ; chez le même éditeur, Le souffle du noir, essai et La jumelle qui dansait au milieu du jour, roman, 2019 ; L’ombre et le ciel Le ciel et l’ombre, roman, 2021.
Extrait de FEMME QUI TEND LA TORCHE, mise en regard avec Henri Yéru, Ed. Mémoire Vivante, Paris, 2014
Swan
Couple de cygnes
blancs longs sauvages
sur loch deux adjectifs
qui se prolongent
chuintement des plumes
puis grincent puis s’étouffent
dans les brumes
émotion intense
de se retrouver
pour faire le Beau
entre les branches
entre les souvenirs
et de l’amour que cette étendue
aux vagues jetées comme
des nappes et le vin rouge
des adjectifs à l’extrémité
de leur col tranche
rouge blanc et l’assiette
du laid renversée et la cruauté
dans cinq verrines au moins
et la tête des cygnes à déguster
chaude et un nouveau couple
s’abat incapable de ne pas
refaire le Beau
entre les branches nues
et les souvenirs
et du chant ce grincement
Extrait de POÈTES, CHENILLES, LES CHÊNES SONT RONGÉS, mise en regard avec Françoise Rohmer, Ed. Tipaza, Cannes, 2008
Qu’est-ce que le temps ?
Je vais aussi loin que possible dans cette jouissance illusoire.
Les pas, les traces, les ombres,
les traits, les langues, les brumes,
les papillons, les bruits, les papiers flottent.*
C’est le désordre sur l’arbre
et qu’il faut brûler pour que tout redevienne noir.
Il faut quitter cette vie folle et trop blanche.
Rompre avec ce « rien » fulgurant.*
Lézarder la fiction ou descendre dans la fissure,
dans le corps,
dans l’organe rouge comme le long d’une pente neigeuse.
Extraire le conte dont la transmission orale s’est tarie.
Ne reste qu’à me loger sous le chêne convexe.
J’écoute ses borborygmes.*
Il fait bon s’allonger dans les feuilles
et les entendre craquer dans son dos.
Mes os sont lobés.
La mort pourrait être ce grand fuseau bleu
écartant les branches.
L’impact de l’infini est sans doute un peu douloureux.
Extrait de L’ANCÊTRE SANS VISAGE, mise en regard avec Ena Lindenbaur, Ed, Collodion, 2016
Le rêve l’ont-ils assez retourné
Caressé puisque te caresser efface
Pas complètement
Ruisseau esquivé
Bords argentés en recevant le ruisseau qui se vide
Tu trembles comme l’onde quand
L’onde en se craquelant produit l’ondée
Et l’ il n’existe pas martelé des noix tombant sur le chemin
Et la neige la première neige qui te laisse
Flatter son échine profonde comme vole une crinière
A laquelle tu t’agrippes dans la descente vers le village
Tout est revenu à l’absurde du courant aux pas noirs de suie
Jusqu’à sentir la pelletée froide de la neige jetée sur la neige
Extrait de LA CONCOMITANTE, Ed. Encres Vives, Colomiers, 2017
La mer s’arrête-t-elle ici ? Sa force colossale bute. Un commencement de terre. La serre du pin d’Alep tient le peu. Des cris lancent. Les mots tombent sur l’eau, sur le rivage.
*
Petites foulées sur le sol brisé. Immobilité de pierre à laquelle condamne la vague. Elle encercle et fonce le paysage. Le jour danse et s’éteint. C’est théâtre ou fusion : c’est là que l’Homme pleure. Que l’Arbre ruisselle. Que Rochers détachent. Après, vient le clapotis des choses indéfinissables. Il dure au-delà de durer et de battre. L’entendre comme un crissement de pneus, le Rien des mers et des terres qui gicle. Clic-clac !, fait le soir qui se coupe du monde. Froutch !, fait le Rien de la mort dans le brun et le blanc. Aimer s’arrête-t-il ? Eh ! L’interpelle l’Amour.
LES CORPS ROUGES, inédit
des hommes femmes
des toujours des oh ! ah !
des parcelles d’infini
film des retours
balcon sur lac
forêt rouge sur nuit
un homme une femme
détachés de l’immense
pellicule stagnation d’or
Page établie avec la complicité de Florence Saint-Roch