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« Dire oui », anthologie proposée par Florence Saint-Roch

vendredi 15 janvier 2021, par Florence Saint Roch

DIRE OUI

En novembre dernier, afin de résister à une forme de morosité ambiante (et on sait le faisceau de découragements, de chagrins, de colères et de frustrations que l’actualité générait et génère encore), j’envoyais à une trentaine de poètes l’appel à contribution suivant :

Je me suis toujours émerveillée de ce qu’au Moyen Âge, on ait eu l’idée de distinguer les langues selon la manière de dire oui, oïl et oc signifiant tous deux, selon que l’on se trouvait au nord ou au sud, une réponse positive, un accord, une approbation. Aujourd’hui, je m’interroge : si en poésie, tous autant que nous sommes, nous mettons en œuvre un usage particulier de la langue, dans la fabrique du poème, quels chemins de pensées et de mots inventons-nous, chacun dans son idiome, pour dire oui ? À quoi disons-nous oui, d’abord – et de quoi répondons-nous ? Accepter, adhérer, confirmer, s’accorder – autant de modes d’expression qui requièrent un certain degré de conviction, une présence lucide et engagée, une confiance en la vérité de l’affirmation.

Cet appel a été généralement entendu pour ce qu’il proposait : non pas tenter une esquive lénifiante ou opérer un confortable pas de côté, mais, pour contrarier les temps contraires, prendre le contre-pied ou pratiquer le contrepoint – et ainsi, possiblement, nous « composer une santé du malheur », comme l’écrivait René Char, et nous rétablir en poésie : « L’acte poignant et si grave d’écrire quand l’angoisse se soulève sur un coude pour observer, et que notre bonheur s’engage nu dans le vent du chemin » (À une sérénité crispée).

S’engager « nu dans le vent du chemin » (ou dans le chemin du vent), telle semble une des déclinaisons du « dire oui » dont cette anthologie explore les fondements et les ressources. Adossé au non parfois, très vite il s’en écarte, fait surgir de l’autre, se déploie : refus, révoltes et réfutations n’ont d’avenir que s’ils se transforment en oui - désirs, espoirs, projets et propositions sur lesquels construire, rencontrer, partager. « Dire oui », parole engageante, acte ou geste dont l’actualité se charge, s’enrichit de potentialités : « De tous les mots/C’est lui le soleil//Mais alors les bras sont assez grands/Ouverts » écrit Ariane Dreyfus dans La terre voudrait recommencer. Lumineux, éclairant, le oui apprend à connaître et à reconnaître, grandit, s’étoffe, s’épanouit, accueille, adopte, inclut : « Un mot suffit//Dire/je te sais présent.e/je t’ai entendu.e/je sais ton corps présent/ton corps agissant/projeté te projetant/et je sais/que tu étais là bien avant/ce moindre mot/Dire//et nous semons des lumières sous nos pas », écrit Raphaël Monticelli pour cette anthologie. Au creux du « dire oui », donc, l’affirmation d’une présence, mais aussi la place accordée à l’altérité, l’audace, l’aventure en conscience, le risque du changement, les aléas de la transformation.
Vous avez été nombreux, très nombreux à vous mettre au travail, en amitié et en poésie, pour sonder, chacun avec ses mots, l’immensité du « dire oui ». Le format énorme de cette anthologie atteste l’élan contagieux que cette proposition a suscité. D’ordinaire, j’ai coutume d’organiser l’anthologie en rassemblant les poèmes selon des orientations communes, des familiarités thématiques ou formelles, mais cette fois, pour être fidèle à l’esprit du « dire oui », je préfère laisser agir chaque poème afin que sa consonance particulière, sa force de suggestion puissent librement se diffuser. Aussi, j’ai adopté une présentation que nous affectionnons sur Terre à ciel : par ce commencement de nous-mêmes qu’est notre prénom…
Mes vifs et chaleureux remerciements à toutes et à tous.
Belle découverte,
Florence Saint-Roch

Adeline YZAC

e aicí lo òc
que se balha
coma n’òm balha
a la boca atalendada
lo ponhat de letras
que las desira
e lo lanç
e la sal
mai que lo cred
mai que lo cròs
que li venguesson ne’n trempar lo cial
en pan de jòia

e la boca
de l’estrenar
emb quun n’a fame
son òc

ici le òc
qui s’offre
comme on offre
à la bouche affamée
la poignée de lettres
qu’elle désire
et l’allant
et le sel
au-delà du cri
au-delà du creux
qu’elles viennent lui mouiller le palais
en pain de joie

et la bouche
de le partager
avec qui l’appelle
son òc

Alain FREIXE,
Quand l’automne dit non, c’est un oui que j’entends
« Rien de plus cher que la chanson grise
Où l’Indécis au Précis se joint

Paul Verlaine

J’écris dans un temps qui va finir. Ce temps qui n’en finit pas de finir est mon temps d’écriture. Les pages y sont à l’automne comme le jardin sur lequel ouvre la porte de derrière.
*
J’aime l’automne. Peut-être à cause des muscats noirs et de la ramasseuse de sarments au fichu noir qui passe entre deux brumes dans les vignes où les miens d’un autre temps allaient grappiller à la dérobée ce qui restait de la vendange pour faire ce « vi de lluna » - vin de lune, vin de nuit, vin des pauvres. Peut-être à cause des sous-bois avec leurs odeurs de terre noire et la musique des trompettes de la mort sous la lumière orange des chanterelles. Peut-être à cause des pluies, du ciel dans les flaques, des buées sur les vitres.
*
Peut-être à cause de ces calmes où semble s’endormir la saison.
Le temps ne coupe plus l’air. Il peint le jour d’ombre et d’attente et regarde le ciel s’ouvrir à tous ses gris. En éventail, sous le vent faible d’un fond de ravin. Et dans l’air, des brindilles de silence. Leurs tendres remous. Leurs retours dans la détresse soleilleuse des herbes jaunies.
*
Tremblements obscurs, passages d’ombres, brumes, sombres parages, j’aime cette façon navrée de porter le temps. Cette manière qu’a l’air de laisser venir sur le monde la pénombre, de laisser descendre les ombres du soir, demi-jour où le décor se floute, où le silence prend possession des lieux. Les contours nets et ceux déjà estompés palpitent ensemble, l’obscur ne dissout pas les formes, il les rêve plutôt. Ce n’est pas le plein jour que l’on sait régner aux palais de mémoire mais une lumière de labyrinthe qui ouvre sur des ruines, des restes, des décombres, autant de vagues sombres autour d’une absence. Lumière pour qui s’aventure en des pensées peu assurées d’elles-mêmes, disjointes comme autant de dédales.
J’aime de l’automne son « serré » et dans sa grisaille, cette agudeza, cette pointe, sa manière d’arriver en bordure de rêves comme s’ils allaient toucher au silence.
*
Des brouillards miséricordieux paressent entre les troncs nus des arbres du Bois Noir en contrebas de la route en leur ajoutant cette distance qui les doue de ce lointain où les choses du monde se gardent. Quelque chose s’abandonne non à une présence vive mais au contraire à quelque chose qui s’est déjà absenté. Et, on le sait, le consentement ne prend pas mais il donne, c’est pourquoi s’abandonner à un abandon affirmatif, c’est comme entendre résonner un oui.
C’est là une réponse à ce qu’il y a d’accéléré et de saccadé dans ce monde, comme il va mal. C’est elle qui fait mentir les horloges. Aussi même si les jours raccourcissent, le temps se dilate, la durée s’allonge. Le regard décélère, les perceptions ralentissent. La lumière, amie des brumes, semble s’étirer et durer plus longtemps.
*
Le non de l’automne aux fleurs, aux herbes, aux oiseaux n’est pas l’expression d’une fatigue, d’une colère tournée en désespérance mais un non tranquille assuré de lui-même, un non qui se dresse, un refus affirmatif et qui tient devant et se retient face à l’attendu qui tarde. C’est un non qui dure dans la suite des jours, un non de non, qui tourne et retourne toutes choses si bien qu’à force de non, le non fait la tourne, il rend son dû à un dernier tournant et c’est comme s’il finissait par se défaire dans la bouche du monde pour que ce soit un sourire qui entrouvre ses lèvres sur la vie et sur son sol mouvant qui maintenant se dérobe toujours plus sous nos pieds et c’est la saveur mortelle de ce qui est qui nous est redonnée. C’est un oui, l’automne, un oui qui acquiesce à ce qui ne va pas manquer d’arriver, la neige et ses silenciaires, ses froids. Parodiant et inversant les mots de René Char, j’oserai dire que si c’est un non qui donne ses beautés à l’automne, c’est son oui qui l’éclaire.
S’il arrive que je me penche, c’est sur l’humidité de la nuit qui givre et blanchit le front rouge des dernières roses. Alors sur la route hasardeuse, la tendresse brasse l’air. Et déliée la main peut se risquer à tracer.
*
J’aime l’automne peut-être finalement pour la peur, compagne de toutes les rentrées, école, scène, attaque d’un poème…pour ce moment du oui, celui de tous les départs, entre un ça va commencer et un ça y est, c’est commencé !

Alexandre BILLON

Oui ?

L’aube se barbouille dans les chants freux
d’oiseaux fond de teint qui bave au bleu
des becs l’espoir sent l’herbe à l’eau
et la vie des passés la crasse se poile
dans les rigoles
(rosées)

On croit que les choses se décrivent comme pour s’annoncer
que le quartz du caillou dit je suis blanc carré et transparent
l’herbe dit, « herbe » « humide »
et cet oiseau qui part, « oiseau » « part »
mais il y a des bobines qui sont des questions
— avez vous vu l’orange des yeux d’un seul pigeon ?
Il y a des lumières qui sont des ordres
Des odeurs des promesses et des joies triples des mariages

Et chaque chose dit « oui »
(en plus)
des oui d’oiseau d’aube herbe d’eau
— quartz à caillou
— rigole et poil
chaque chose dit « oui » ce matin gris

Et toi, tu confirmes
en les zyeutant,
bouche bée fromage maître corbeau :
« on est d’accord, oui ».

Ariane DREYFUS

D’une part la mer boit la pensée.
D’autre part la mer mange le ciel.

     Voici mon corps et ne voici plus mon corps.
     Mais des kilomètres de naissance.

     On nage et se tourne sur la langue de géante qui a tout dit.
     Qui suce le noyau.
     Et l’a même ramassé.

     La mer est si haute qu’elle vient debout.

     Qu’en enjambant on frappe le bonjour.

     Et les mouettes montent.

     Un dernier regard pourtant sur le château
     d’entrailles qu’on laisse.

     C’est ainsi qu’il n’y a ni prince ni larmes utiles.
     Seulement le grand geste.

     Marche, dis-le.

Extrait de Les miettes de décembre, éditions Le dé bleu, 1997

Balval EKEL

« J’entends les arbres pousser dans les rêves de mes voisins »

J’entends les arbres pousser dans les rêves de mes voisins
Il y a des collectionneurs parmi eux
Dans le modèle réduit de leur forêt jardinière
se nichent toutes sortes de gales aux formes sculpturales

La demeure bourgeoise au plus près de la mairie
exhibe un araucaria des pentes andines et des palmiers
Elle change constamment de propriétaire
Peine-t-elle à satisfaire des rêves qui la dépassent ?

Le bois ne suffit pas au vieil homme qui habite sa lisière
Il a sacrifié son jardin à une hêtraie où il ne va jamais
Il la contemple derrière les rideaux crochetés par sa femme
Au printemps, le vert tendre des feuillages lui fait lever les yeux vers le ciel

Le plus riche veuf du village entretient un terrain paysager
avec des ciseaux de couturière
Passionné de haies vives où une multitude d’oiseaux
viennent à l’année rompre le silence

Le docteur préfère les rosiers anciens aux rosiers anglais
Chaque soir il rentre tard et dîne seul en compagnie de ses catalogues
rêvant du week-end où il pourra…
s’il n’est pas de garde

L’employé communal inlassablement fait des tours
longeant les massifs de l’église ou du monument aux morts
Grand, mince, casqué, un Quichotte muni d’un dresse-bordures ou d’un coupe-fil
Le dimanche, il part s’égarer en forêt avec ses chiens ou son cheval

G., réfugié des confins de l’Europe dans le jardin clos au bas de la pente,
a ressuscité le verger à l’abandon utilisant chaque mètre carré obstinément
Pommiers et poiriers protègent les fleurs qui veillent sur les tomates
La récolte déborde des vieux murs jusque dans nos cuisines

Béatrice MACHET

1 ) Être contre — tout contre (c’est pour mieux écrire)

Intransigeance au scalpel                  Je ouiche
rigueur pointilleuse                         Tu yessss
exploration minutieuse                    Il ou elle claro que si
questionnement systématique          Nous tatsächlich
attrait pour l’ailleurs                         Vous tóng yì
habiter tout entier                             Ils ou elles kivok

envisager les possibles
     comme on sent au-dedans
     comme on marche comme on pense comme
     on regarde comme on respire comme
     on partage
          Je ndio
          Tu hau
          Il ou elle naam
          Nous evet
          Vous yebo
          ils ou elles tak

transgresser          s’engager de tout son être
                         intense dense
                    et de pleurer jusqu’à rire
                         approve
                              aproba
                                   genehmig
                                        ch’ik’eh le’

                                             car offrir ce geste vocal
                                             est poésie
                                                  par choix
                                                  par goût de l’émerveillement qui libère
pour l’amour de vivre

2 ) Dis-toi bien ….

ce poème
qui prend vie sous tes yeux
n’a pas de mère
pas de certificat de naissance
pas de biographie
          personne d’autre ne l’ayant engendré
          que toi …

Tu peux le dresser debout ici même ou derrière des murs
au milieu d’une frontière ou d’un pont
tu peux le laisser dormir sur la page ou bien
le faire danser dans ta voix
et le chanter comme une berceuse
          que ce soit à ton propre enfant ou non
          n’est pas la question …

Ce poème hors d’un livre serait un enfant
que tu aurais pu porter
et chaque enfant est un livre à feuilleter
chaque poème un fruit mûr
tombé de l’arbre de l’espoir
          celui qui secrètement toujours
                    dit oui à la vie

suffit de le ramasser

Bernard FOURNIER

l’homme a pressenti
qu’en ce lieu une pierre pourrait se dresser
pour faire signe au soleil, aux étoiles
pour constituer, continuer une ligne entre l’arbre et son regard

pour dire qu’ici un homme,
l’homme
dans toute la force de son humilité
a levé, lui aussi, les bras au ciel,
tenu ses pieds sur la terre

pour signifier qu’il était pareil aux pierres
qu’il faisait partie de ce monde, de cette vallée
de cette rivière qui creuse la terre depuis longtemps
dont les eaux changent à chaque instant comme les nuages, comme le vent

qu’il était relié, lui aussi, aux verticales
aux horizons
[…]
*
l’homme a-t-il senti une secousse tellurique,
une onde de choc,
un tremblement de l’air ?

à coup sûr
il y eut un signe du ciel
un acquiescement de la terre
un remuement dans les arbres
le pépiement des oiseaux

et les renards ont feulé

la colline même a haussé son épaule
pour aider à l’épreuve

le vent aussi s’est fait doux et puissant
et le soleil a ressuyé la terre
Extraits de Statues menhirs

Bruno NORMAND

[...]des étreintes / de l’Étreint j’apprends (je) ne dis pas Océan / Océan se dit, ne le prononce pas oui Om est voie est corps encore ne l’écris pas cela / cela s’écrit le / s’habille ainsi de la nuit     de la belle de l’ombre

il entend son(s) de Lui Ciel et autour ce qui fait Ciel     Sens par cela Souffle     vies / Vie               ce qui s’efface, ce qui avance effacé, l’effacé d’elle /     les heures force m’est donnée     d’être elles en elles     comme elles sont ailes comme elles ne sont plus     comme elles sont devenues Parole, paroles me respirent, sons d’elles il faut le croire, la croire

la Muette Parole     le Silence ainsi en forme de texte, d’un texte soufflé par Amour de la Blancheur               écrivons cela[...] pour le dire le cœur pareil à corps, le corps pareil à cœur invisible, à formes invisibles     (à femmes venues et non-venues) et là qu’en chacune d’elles, je me révèle corps, m’accepte nu / me trouve assagi presque d’être ainsi corps venu et non venu / corps par le souffle d’un texte / par Soleil et Merci(s) dans la forme d’un /     je suis L’Âme et la Fleur celle-là même d’une étreinte et     celle-là même d’une étreinte

/ je me trouve là fier en elle(s) d’être là en lieu     / en étreinte en ce lieu et en cet autre là /     indifférent désormais je marche, j’écris corps dévoilé,     je consens, j‘apprends rien toujours avec seins d’elle, de l’une d’elles / je les enrobe, m’enrobe me dénude par le texte / j’ai ce plaisir-là les dérober au feu, quelques heures

lentement j’apprends le Vide avec le corps     j’apprends le corps avec le vide j’apprends le oui / le partage avec chaque présence j’apprends le silence, sa langue

c’est / je me cache et je me montre, c’est un Jeu là avec vous les parties d’un corps en partie là     en partie où seulement vu par quoi en vous

c’est / un Je avec Vous, une histoire de corps s’incluant s’inclinant l’un devant l’autre, une politesse entre corps les vivants et ceux qui ne sont plus     les vus et les invisibles vus     entre un jour / j’ai fait le vœu d’entretenir quelques âmes /     les petites flammes qui restent d’eux, d’elles     les corps, les âmes

et en retour / (je) reçois un aller vers     une Parole qui installe Présence, lentement une Présence entre les choses, les lieux, les ruines, les absences / un Cela / un état des Corps comme ils sont avec ceux (celles) qui ne sont plus

c’est ainsi et c’est ainsi que dure ce qui ne dure / qu’ une éternité se source par les sangs et les souffles les étreintes avec les heures, c’est          vers un rien que je m’achemine, mais ce sera un rien     sans doute je l’aurai approché de mes propres mains, de mes mots, de mes douleurs et de mes joies / c’est vers un corps sans corps que je conte pas, marche vers     que lentement je réunis parties de / d’un quoi     en cette chair, que je réponds à ce qui m’assemble     que j’écris, je m’absente

Camille LOIVIER

Les autres enfants ont répondu oui sans hésiter

On la connaît par cœur cette histoire, son caractère tranché. À chaque fois que l’on coupe verticalement, la strate supérieure s’effondre sur la strate inférieure qui elle-même perce ce qui la recouvre. On ne peut pas les séparer. À chaque fois que l’on prend une décision, partir ou rester, oui ou non, la tranche ne sépare pas, elle ne fait que multiplier le nombre des morceaux et en réduire la taille

il s’agit d’une hésitation. La décision est prise mais il faut la reprendre à chaque instant. Tous les enfants partent excepté ceux dont les parents n’ont pas les moyens d’acheter des vêtements de neige. Je ne peux pas partir. Je prête mon pantalon de ski à une élève qui n’en a pas. Elle me le rendra au retour. J’aurais oublié lui avoir prêté. Les autres enfants on répondu oui sans hésiter

il semble qu’il faille choisir et que l’on ne sache pas. Entre deux lignes, mais aucune des deux ne nous convient. On aimerait plutôt qu’elles s’entortillent l’une à l’autre, se croisent et se décroisent comme font les lianes, les liseronnes quand elles veulent grimper à la lumière. Mais cette forme-là, de décision, on nous dit qu’elle n’existe pas. Elle n’a pas été conçue, si bien que l’on se met soi aussi à ne plus exister, ou pour être plus précise, à ne plus savoir si l’on existe

on a huit ans. On est toute fraîche, toute neuve. On ne sait pas ce qui nous arrive mais on l’éprouve. On ne peut pas narrer. On ne peut pas dire : je vais vous raconter comment cela s’est passé. Les mots analysent, dissèquent, mais ce qu’il y a là leur échappe. On a taillé dans le oui et il y avait du non. On a enfoncé la lame dans le non et il y avait du oui. Penser est redevenu un objet en trois dimensions (ce qu’il n’a pas cessé d’être) avec plusieurs côtés, avec de la profondeur, penser a pris corps, est devenu un corps dans lequel on est et qu’on ne peut couper. Le bloc de penser s’est mis au travers. Il s’est mis à peser, à s’étendre, depuis les mâchoires serrées jusqu’à la cage thoracique. La chose pensante et la chose étendue, comment en est-on venu à les séparer, alors que ce qui les noue, les tresse, les lie, est là même où passe la pensée

on ne peut pas parler puisque parler aurait été trancher verticalement. Les mots coupent, on se retrouve avec un mélange. C’est juste, c’est égal. Ne prendre que le dessus, laisser le dessous, choisir ce que l’on préfère, commencer par le moins bon et finir par le meilleur, cela ne se fait pas

le seul choix possible, fabriquer de nouveau la pâte de pensée, étaler soi-même les différentes couches, faire que le oui et le non se mêlent et que l’on ne puisse plus les différencier. Dans cette genèse-là, on pourrait accomplir une réponse adéquate faite de oui et de non

l’hésitation se résorbe le jour où il faut rendre la décision, mais c’est une fausse décision, prise sous contrainte, sous le regard pressé des adultes. Convoquée chez le directeur telle une malotrue, une friponne. Me retrouvant de l’autre côté, là où l’on ne comprend pas, là où tous les éléments sont brutalisés, disjoints, et je vais y rester. C’est oui et c’est non. Non dans le oui et oui dans le non. On vous force à dire non, à crier non car on ne vous a pas entendue, à haute et intelligible voix. Par défaut donc ce sera non, car dire oui ne se peut

hésitation
doute, embarras, flottement, irrésolution,
désorientée,
chancelante,
tergiverser, atermoyer,
résistance, retenue, scrupule
balancer, être en ballon, vaciller
bégayer, balbutier
valse-hésitation

     徘徊

tel est mon nom ; la clef de la marche 彳 , le piétinement de l’indécision, la valse des allers-retours, qu’on la retire, il reste 非回 sans retour, irréversibilité, le retour impossible vers ce que l’on a quitté et qui est dans sa double fermeture, son double enclos, sa double enceinte 回 que l’on ne pénètre pas ; tandis que la négation est une sorte d’échelle 非 coupée en deux, à laquelle on ne peut pas grimper, barres transversales qui s’opposent, se tournent le dos, celle qui hésite ne retournera pas, tourne en rond dans l’improbable

je ne savais pas que cette ligne de fuite serait celle que, jusqu’au bout, je suivrai, — même si j’avais pressentie plusieurs fois que tel était mon lot

Carole MESROBIAN

Tu irrigues les matins
de l’écoulement des rêves dans les interstices de tes nuits
tu te protèges des histoires qui traversent le temps dans le fond des images
comme on s’envole sous les digues
d’une amnésie presque fertile
et quand perlent des rires aux éclats de ta bouche
c’est que s’égrènent tes illusions comme un collier de chaines creuses
assoiffées de paroles
ramassées au calice du désert vertigineux des mots
Désormais sur ta peau
tu aimes le dessin de tes égarements
comme un néant dans le néant
et ton nom dans ton nom
enfin dit de ta source
sonore et rayonnante
comme une pluie d’aura sur le flanc des lucioles

*

Sous la plaie des étraves
aux lèvres j’ai la manne
des substrats magnétiques
d’hier
ce champ de l’éphémère noyé
par l’onde éclose dans un amas de bruines
disparu comme une ombre
sous le sable noirci des passages
palimpseste est ma peau
ligne à ligne aux sillons s’épouse mon visage
au faisceau de ma nuit
sur la craie des paroles encore dissimulées
dans l’intense lueur des soleils à ma bouche
sous l’herbe haute persistante
des étés rémanents

Cécile GUIVARCH

Je regarde la lumière d’une autre façon Ses nuances ses percées Elle embellit J’apprends à l’accueillir non seulement l’effleurer Vous êtes beau parce que vous savez accueillir la lumière Entre elle et vous il y a peu de différence Vous en avez la chaleur Je le ressens à vos mains aux ondes que vous distribuez Vous êtes beau quand vous aimez les gens simplement les aimer Vous êtes beau quand vous dormez Quand vous riez Quand vous marchez

« Embrasser applaudir le vivant en eux
le mourant en eux le vivant en eux
le mouvement en eux »

Nous devons aimer chacun pour qui nous sommes pour qui nous devenons De notre présence sur terre vivre autant que possible dans ce qui est juste vivre

Pour quelques heures il n’y aura pas d’âge
ni même de marque de temps entre nous

*

Trouble Une sorte de cœur qui bat Une légère chaleur se diffuse monte aux joues et au cœur Accueillir un silence sans savoir que dire
Frémissements     ronds d’eau     chaleur     frissons
Trouble encore     Monte un peu plus fort
Libérer le souffle    fleurir

Mots sons effleurements de langue Les doigts fleurissent deviennent fleurs parmi les fleurs    deviennent début de ciel
Mots viennent me cueillir    Déjà il me semble avoir tourné le dos à l’ombre et accueillir la lumière    Je sens votre présence Elle me réconforte

Comme un nœud dénoué
j’ai un lacet défait

Cécile OUMHANI

Music to hear, why hear’st thou music sadly ?
Toi dont la voix est une musique, pourquoi écoutes-tu si mélancoliquement la musique ?
Shakespeare, Sonnet 8, traduction de Victor Hugo

Patience de ton regard assombri
de terres et de brumes elles glissent vers la nuit
un souffle se lève s’offre au silence
et à la cime du bois nu rejoint
ta mémoire endormie des images et des pays
que tu croyais perdus

Attente vissée au cœur
d’un solstice dont tu ignores la date il survient
cercle argenté aux confins des arbres
et toute buée dispersée rejoint le soleil
ouvert au creux de tes paumes
en l’absence de l’océan

Le vertige te saisit là où tu ne l’espérais plus
étrange calligraphie d’un vol d’oies en plein ciel
démenti à l’immobilité des choses
il se dérobe inconnu dans l’avant comme l’après
sa clameur t’étourdit de récits et de lumière
vifs comme cendres dans un jour ébloui

Chantal DANJOU, « Oui des ombres »

1.      Cri du milan
ce miroir de la douleur
cruelle vision d’éternité
ciel se voile
douleur du poisson
sous la glace
rouge qui ondoie.
Plongée du rapace
en soi répercuté

2.      décor lunaire juste
quelques fleurs ou quelques
jaunes ou mauves
cairn construisant l’absurde
ou l’éternité. Qui ne sait plus.
Savent les fantômes –
lune glycine femme
en rouge
– air plus rare
couleurs plus vives

3.      col des Bomettes
pas à pas dans l’altitude
où nous ondulons
fosse marine tremble
dans nos gènes
tombelles petits os
joyeux névés si brillants
morts profonds
à quel envers du sommet ?

4.      Le rien de la beauté
pierrier gris scintille
au soleil troupeau
des « peu » sabots levés
vers la lumière.
Bruit lancinant du désir.
Air dur vole pénètre nos joues
nos narines nos yeux creuse
jusqu’à l’ovin expectatif

5.      jusqu’à l’ombre qui nous fait suite
penchés au-dessus
de la rambarde
tache humide au sol
nuage laineux là-haut
miroir brun nous renvoie
à quelle mémoire d’avant
d’après ? Fore jusqu’à
la cécité. L’éboulis poursuit

6.      sur le chemin du retour
sifflement des marmottes
centaurée bleue
urne qu’une femme
verse au-dessus du vide
capitules de cendres
et sa sœur cruche d’eau
au-dessus du même vide.
Odeur âcre des marguerites

Christian DEGOUTTE, Pour apprendre à s’en aller

(deuxième poème)

Elle creuse la montagne avec sa cuiller de pique-nique.

Elle veut des colchiques – pas paupières bleues
dans l’herbe filasse – leurs petits bulbes de lait oui

en costumes de velours hanneton
ça chatouille le creux de la main –
leurs doux yeux voyageurs tout poussiéreux
encore de la traversée des temps –

Brièvement ses yeux à elle viennent liquide frais
à la fenêtre du ciel en bleu grand déplié –
autour d’elle le temps respire
avec les bruits des kimonos qui s’ouvrent

Colchiques,
petits yeux de lait roulant au creux de sa paume
quand vous lèverez vos paupières chatouilleuses
elle reverra tout – c‘est sûr – du voyage qu’elle a fait
en costume de velours hanneton
à travers les épaisseurs sales du temps
pour venir jusqu’ici
mettre ses yeux à la fenêtre de la vie

Sous le ciel la montagne est un lion d’herbes assoupi.

(huitième poème)

Nu des pieds – tu voudras bien – un bras glissé
sous mon bras invisible – rêver pour moi
l’eau qui dévale – suivre toute une heure
sur le ruisseau le regard de l’eau qui s’éternise

entre la terre et la lampe diffuse de l’air

Elle fait des terrils de miettes entre son verre
et son assiette – elle se démélange du monde –
quand à ma place il n’y aura plus que de l’air
tu aimeras l’air que je serai devenue ?

Sans chaussures – tu voudras bien – parler le sable
pour moi – crier les graviers, chuchoter les fourmis
et dans la vase des berges être moi boueuse

toucher ma vie – à travers l’épaisseur aveugle du sol
caresser – en passant – mon corps mêlé aux corps
de toutes sortes qui portent tes pas –

sur l’eau qui s’en va toucher ses seins
c’est quel nuage

Christine Durif-Bruckert, Cédric Laplace, « L’équinoxe du oui »

L’automne est le moment terrible de l’extrême cohérence.
C’est l’équinoxe, le destin s’ouvre
Vivaldi : le printemps est travaillé par une mélancolie– centre et essence.
- et l’automne : il faut dire oui.
L’automne, celui de Vivaldi et d’Apollinaire
Toutes les larmes feuille à feuille
L’homme dit : le soleil se lève.
Le philosophe dit : c’est la clarté de quelque nouvelle aurore.
Le poète dit : le Ciel se lève.
Non : rien n’est parfait.
Mais, oui, tout est cohérent.
L’automne, déjà. Mais nous serons, nous aussi, loin de ceux qui meurent sur les saisons disait Rimbaud.
L’automne… Tout revient : souffrance, angoisses… - Extase que cela !
- et le OUI
Hé ! Quoi ?, C’est bientôt Noël sur la terre. Ma valise est bouclée. Je partirai cet automne. Je laisserai des cœurs brisés. Oui, mais qu’y puis-je ? Je partirai.
Car ce n’est qu’ailleurs qu’on peut dire oui. Je me ravise : On ne part pas.

Nous croiserons les saisons. Nous libèrerons les chefs. Ha !, Encore ! Nôtre prison ! Et il faut dire oui , accepter… Accepter en dépit de la souffrance. Que non pas ! Car le Grand OUI est l’affirmation même de la souffrance !
Vivaldi, encore. La volonté se meut dans la musique, louanges ineffables.
Avec ce oui, nous nous libèrerons même de ceci : la liberté.
Présence infinie, soleil nocturne. Nous trainons sur le lit, enchâssés depuis la fin de l’étreinte, l’eucharistie des corps.
L’homme dit : le soir tombe.
Le philosophe : c’est l’avènement, au jour, d’un nouveau crépuscule.
Le poète dit : le Ciel se couche.
LE POETE DIT OUI

Le Ouï-dire du désir

Ainsi c’est toi qui me parle.
C’est déjà tard dans la pénombre obscure de la vallée
Je t’entends à peine
Il fallait que je te dise
Il y eut un événement
Mais ce n’est pas tellement ça
Je ne voulais pas en parler
Je pourrai même l’oublier
Qu’aurait dit le poète en pareille circonstance ?
Le monde rempli à ras bord
Plein de trous, des tâches lumineuses où s’effondrent les matins et la matière
Prêt à éclairer leur chute, à mettre la lumière en mouvement.
Je ne sais plus rien de ce que je voulais te dire
L’absence peut-être
Ce qui a disparu, reflué dans l’équinoxe d’automne.
Je parlerai
Mais je ne sais que dire.
Que dirait le poète de ce silence.
D’un seul coup l’hiver arrive.
Brume lourde opaque
Où poser les mots ?
Oui je parlerai, ne crains rien.
La mort me souffle à l’oreille, elle parle trop bas.
J’entends des bruissements de terre
Je parlerai, oui !
Que dira le poète face aux éboulis du temps, aux mémoires chantées sur le bord des rives, sur les margelles des puits ?
C’est toi qui me parle ?
Les sons de ta voix se heurtent contre les parois de mes visions
Je voulais te dire
Ah oui finissons-en !
Immobilité d’un souvenir
Trou noir des mots, des oui et des non
Les oui avalent les non
Il n’y a plus entre eux l’espace même d’un souffle
Les oui s’isolent, s’énoncent, s’adressent
Est-ce vraiment à toi que je parlais ?
Qu’importe !
L’homme dit : dis moi oui ou non
Un philosophe dit : oui tu es libre
L’autre philosophe dit : non tu n’as pas le choix
Un poète dit : le oui est la chute du non
Désincarcéré de son non
le ouï-dire du désir

Christophe ESNAULT

La fille et toi marchiez ensemble
Le long de la rivière
Vous parliez longuement
De musique et d’autres choses
Vous vous donniez des rendez-vous
Posiez des regards doux l’un sur l’autre
Sans oser vraiment vous regarder
Tu étais bien en sa présence
Tu vivais dans le désir de sa présence
Tu repoussais toujours le moment
Le moment de l’embrasser

Extrait de L’enfant poisson-chat, publie.net, 2020

Claire KRAEHENBUHL

Ah !
Ce souffle encore
ce mouvement qui monte et soulève
le torse
souffle suspendu      presque apnée
Quelqu’un est entré dans la chambre
une chatte ?      un enfant ?
un être de regard
La colonne d’air monte
et s’arrête avant de redescendre
en soupir            point d’orgue
C’est un oiseau sans ailes
qui palpite en cage dans ton corps
et tu ne le savais pas
Quelque chose monte de la gorge
aux larmes       s’ouvre
l’oiseau se déploie

*
« La tombe de Pâ »

À chaque fois que je descends au jardin
pour cueillir des fleurs ou étendre le linge, je la vois,
la petite tombe de Pâ.
Et je m’étonne que le chrysanthème blanc planté entre les pierres
me soit à chaque fois comme une joie : cette fleur qui étincelle.
Je sais pourtant qu’on a mis Pâ tout enroulé dessous,
ça devrait m’attrister.
Mais.
C’est la première fois que j’ai une tombe à fleurir.
De toute ma vie, jamais je n’ai eu de tombe à soigner,
un rosier à arroser, des plantes flétries à jeter.
C’est pourquoi je m’étonne de cette petite joie,
ce quelque chose d’étincelant qui me console.
Mais.
C’est qu’il y a aussi ce tombeau intérieur de mots,
d’images, de mémoire tendre.
Une amande que je sens s’adoucir en moi.
Une mandorle ? Je lis que c’est un passage, une porte.
Elle s’ouvrira.
Je sais bien qu’il y a tout autour de l’amande un noyau,
une enveloppe de chagrin qui me blesse encore.
Mais.
Autour du noyau il y a la pulpe d’un fruit, sa chair,
sa peau et son écorce chaude.
Elle me guérira.

Claudine BOHI, « Recommencer »

1
Longtemps que ce temps-là
longtemps que tu es là

dedans

dans ce dedans sans dehors

quand le dehors est rouge
quand le dehors est noir

quand tout y devient peur
et promesse de peur

quand tout y devient mort
et promesse de mort

quand tout se rabat sur toi
sur ton inépuisable indéchiffrable liberté

qui n’est plus qu’un sac vide
que tu remplis tout seul

et tu le rempliras

quand chacun se rencontre soi-même
et se rêve en pleurant

puis quand chacun se rencontre soi-même
et se remet debout

2
C’est l’aube
la petite lumière dans les yeux
est bleue

on arrive

on a longtemps bougé dans le noir
la nuit avec sa porte ouverte
la tête a remué partout

on rêva amoureusement avant

aujourd’hui seulement habiller
le bleu avec les mains

très doucement
recommencer

3
L’enfant jouait à la marelle
le ciel n’était pas loin

plus tard il recula
plus tard fut difficile

plus tard
on n’inventera pas du ciel avec des mots
tu le sais bien

mais là où les mots se fabriquent
le ciel est dedans
tu le sais aussi

il est dedans

C’est l’heure
parfois c’est le moment

il faut descendre sur la rive

et demander
ce qui n’a pas encore de mot
qui vient

au fond de nos paroles
cet invisible intrus

et cet étonnement magique
reclus caché

dormant dans tout le bleu du monde  

4
Pour recommencer
ne pas s’effacer

ne pas se dissoudre
ne pas se découdre

pour ne pas finir

pour redémarrer
pour se revenir

pour tout rallumer
se redécouvrir

pour redevenir

ne pas oublier
ne pas s’oublier

pour se rapprocher
pour se raccrocher

pour se souvenir

pour se retrouver
se renouveler

pour ne pas s’aigrir
ne pas s’égarer

pour ne pas s’enfuir

pour tout réparer
ne pas se rayer

ne pas se craquer
ne pas s’épuiser
pour ne pas détruire

pour redemander
ne pas remballer

ne pas se rater
ne pas s’embrumer

pour ne pas tarir

pour ne pas salir
pour ne pas noircir

ne pas s’ensabler
ne pas replier

pour se ressouder
pour ne pas mourir

je crie que je vous aime

tous ensemble
et un par un

même ceux que je n’aime pas
ceux qui ne m’aiment pas

je crie que je vous aime
quand même

je vous le crie
et tout ça devient vrai

on va recommencer encore
on va recommencer encore une fois

Coralie AKIYAMA, « Dirais-je oui »

Dirais-je « oui » au refus.
Lèvres, coulez de source
Je suis au bord de l’écriture
Si je pouvais dire « oui », oui serait radin, zombres moins qu’artistiques
Un oui si fermé qu’on le croirait noir, pas océan
Oui clair mécanique dur à la cueillette

O-u-i, déjà l’excès de voyelles me... et puis oui.
- Montre-moi une autre photo de ton beau visage
- Oui, j’ai dit.
J’ai envoyé un bleu que j’avais sous la main

Il attendait un soleil. Ce visage-là, non ! Ce n’était pas possible ! Ça c’était non ! Il ne fallait pas accepter ! Si ça continuait, demain c’était la mort ! Il fallait savoir dire « non » ! D’accord ? Non !
- Oui, j’ai dit

Corinne LAGENÈBRE, « Un matin de pommes rouges »

Tu les as donnés sans compter,
épuisés de guerre lasse
les nons, les refus,
les marches forcées contre le vent, les marées
les envies d’enjamber le manège
de tout stopper
quand le gel faisait éclater les ongles
et les rochers.

Tu oscillais sur le fil du rivage
et devant toi les vagues
reculaient.

Il t’en a fallu des matins peu glorieux
des lendemains de fêtes
éteintes avant la joie
balayées par le vent
mégots incandescents
noyés.

Tu ne voulais pas qu’il te porte
et devant toi le vent
fuyait.

Devant tes ruades, tes rébellions,
le vent partait chercher des âmes volontaires
avec qui s’enlacer, avec qui s’alléger,
avec qui explorer d’autres contrées.

Tu as découragé tant d’amants
qui s’emboitaient mal à ta peine
des amants frivoles
des amants déçus
sur tes oreillers dévastés
à l’aurore.

Tu ne voulais pas être aimée
et devant toi l’amour
s’envolait.

Combien encore de pas perdus
de quêtes vaines
de portes sourdes à tes appels
de projets enflammés
toujours repoussés
à demain.

Tes pieds nus sur le sol refusaient de danser
et sans toi le monde
valsait.

Tu allais croisant des fantômes
tes compagnons de route et de déroutes
aux veines constellées
toutes ces nuits enroulées
comme des diamants noirs
autour des poignets.

Tu trouvais fades les jours sans fard
et devant toi la joie
se défilait.

Tant d’années
avant qu’un jour enfin
tu te rendes, tu capitules,
que tu t’inclines
bras ouverts,
à genoux,
ta chevelure solaire posée
sur le sable brillant
face à l’immensité lente
d’un tour de planète,
au choc des océans

reconnaissante aux étoiles
de faire semblant
de vivre
de faire semblant
de luire.

Et qu’un matin de pommes rouges dans la corbeille,
de nature vivante
au creux de ton désir aveuglé de soleil,
enfin de tout ton corps tu dises
OUI.

Danièle FAUGERAS, « La cuirasse de l’ombre »

                     dépouille
aux chuchotements d’écaille gémissements
d’escarbilles
a cédé.

Le monde déjà grelotte
comme un grand écorché

                     suppure
aux matins blancs des givrures
malsonnantes.

Tandis que la lumière quête en vain
un appui
où poser ses aplats

                sans pouvoir se résoudre
à inventer
du jour
          mentir la vie...

                     (Par ces temps
                     où vision n’a plus cours
                     qu’en croyance

                     ou ruse
                     d’intelligence

                     – pour détourner l’effroi

D’autant plus forte
raison :
          il faut
serrer les mots

frotter les mots entre eux

à susciter le feu
intérieur
qui couvera

réchauffera encore la vieille terre impotente

l’empêchera
           – qui sait ? –
de courir
à sa perte…

Extraits de Leçons de choses (1985-1988)

Danielle TERRIEN, D’abord sa voix (première partie)

1.
Entendre l’écho
d’un commencement
dans l’obscurité
éclairée
par sa voix.

2.
Jaillir la tête
en bas
larron pendu
sur la troisième croix.

3.
Renaître
au long des secondes
ver luisant dans l’allée.

4.
Contempler
l’ovale brisé
de la lune.

5.
Aux yeux plissés.

6.
La bouche
mordant
la pensée.

7.
Sortir du puits
cerclé de pierres.

8.
Aux arêtes tranchantes
infiniment aiguës.

9.
Semblables
aux griffes de la bête
surgie
du plus profond.

10.
Inatteignable
invisible.

11.
En cercles concentriques.
Spirale
échelle
selon.

12.
Audace
énergie.

13.
Juste assez
pour attraper
le dernier barreau.

14.
Ver luisant
dans l’allée
de sable.

15.
Accroché
au grain
glissant
dans la courbe.

Denise MÜTZENBERG, « Cinq poèmes pour D. »

Il n’y a pas d’ailleurs
c’est ici partout
si tu me hèles d’un point du rivage
si quelque part
      ton pied touche la terre
(1978)

*
Il me suffit d’une mouette
aux ailes ouvertes
d’une lettre
d’un peu de soleil rouge
sur la porte de l’armoire
et je dis oui
                          (1979)

*
Comme Dieu
dans le Livre de Job
dit à l’orgueil de la mer
« Tu n’iras pas plus loin »
la voix a dit :
« Vous ne descendrez pas du deuxième étage »
puis, plus tard :
« Vous ne sortirez pas de la maison »
enfin, longtemps après :
« Vous demeurerez dans le parc, vous n’irez pas encore au village »
Et j’ai vu que la limite était bonne :
Tu n‘iras pas au delà de la fenêtre
scellée
Tu ne franchiras pas la frontière qui sépare la vie de la mort
Au fond de moi j’ai dit          oui
(Hôpital de Prangins, 1998)

*
Il y a le merle de l’aube
les plans successifs qui descendent jusqu’au lac
le bois-de-rose de la petite forêt
qui s’embrase au couchant
les morts du cimetière
les vivants qui m’ont précédée ici :
le miracle de ces retrouvailles avec vous
                          (Idem)

*
Ma dernière lettre
je l’ai écrite pour les mains
la bouche et le cœur
puisque vous ne pouviez plus lire
Ma dernière lettre
je l’ai écrite
avec un marron
des douceurs
de la lavande dans un petit sac de toile
et un cœur de papier rouge
sur lequel j’avais écrit
ce que vous m’avez appris
de plus beau :
le mot Oui
                               (Ile de Noirmoutier, 2013)

Diane RÉGIMBALD, « Dire oui »

Vouloir dire oui à la peur. Imaginer là l’histoire qui traverse l’horizon. Pour conquérir pour la nième fois ce qui ne se passe pas en réalité. Dire oui à la peur. Avoir peur de tomber et tomber. Croire que la jouissance anéantira à jamais le fantasme de vivre. Dire oui à la peur. Vivre la mort dans le sexe. La mort dans le sexe et dans la gorge. La mort qui signe la disparition. La mort qui passe sans cesse, qui s’arrête, qui dit non. Dire oui à la peur. Vouloir ouvrir l’horizon. Je t’imagine apparaître dans ma chambre. Je ne te connais pas. Tu es inconnu. Tu arrives de nulle part. Tu t’arrêtes chez moi en passant. Je te désire, tu me désires. Il y a la descente des corps. Nos mains se touchent. Ma main tourne sur ton ventre. Nos jambes se lèvent. Nos lèvres s’ouvrent. II n’y a pas de silence. Nos chuchotements font fondre les craintes. Mon dos se cambre. Nos fesses se mouillent. Il y a matière aux soupirs. Les gémissements s’éreintent. Tu disparais.
Dire oui à la peur. Marcher, marcher dans le désert et ne rien voir que l’ombre des pas. Le sable et le ciel sont blancs. Il n’y a pas encore de mirage. On entend la cadence des pas et le souffle du vent sur le sable.
Dire oui à la peur. Imaginer une montagne en plein désert et se voir 1’escalader. Dire oui à la peur. Ne plus se voir mais penser au sommet à atteindre. Il fera nuit au milieu du parcours. Avant qu’il ne fasse nuit, entendre le croassement du corbeau. Frémir. Dire oui à la peur. La nuit. Le hululement de la chouette et son froissement d’ailes. L’immobilité terrifiante de la nuit. La forêt. En pleine forêt, dire oui à la peur. Seule. Se figer au pied d’un arbre et se prouver à soi que la respiration calme. Penser à Rose et chanter. Avoir le vertige des rondeurs. Ne pas avoir de chaise comme Rose mais toucher une clé dans le fond de sa poche et se dire qu’elle sera déposée au sommet. La clé est blanche. Je suis noire. Fermer les yeux dans la nuit pour ne plus voir la nuit. Ne laisser passer qu’un filtre d’étoiles.
Dire oui à la peur. Vouloir posséder un infime grain de sable mais n’avoir rien en toute conscience. N’avoir rien et s’imaginer dans une maison de rêve sur le bord d’un lac. Dire oui à la peur. Errer dans la ville comme une seule femme, les mains dans les poches et n’avoir rien d’autre que soi. Avoir peur. Se dire oui. Monter au quinzième étage d’un édifice et demander du travail. Dire que l’argent mettra du beurre sur du pain. Penser aussi au fromage. Sourire et dire je travaille ici. Dire oui à la peur et retourner à la rue. Les larmes roulent comme défilent les voitures. Dire oui. S’étendre dans un parc de Montréal et se faire bercer à l’endroit même de douleur. Croire que l’avenir sera son horizon. Imaginer que cela se passe ailleurs. Voir comment divague la pensée du poème et rire un bon coup de la réalité. Fantasmes fatigués de la fantomatique réalité. Revenir à son lit. Dire oui. S’endormir les poings fermés.

Élise TOURTE, « Annonce »

Suffit ! On a assez vanté le pouvoir de dire non. On a assez dit oui au non. Maintenant il est temps de dire oui au oui oh oui et de s’y coucher sans oublier de se poser la très grande question :
De quoi le oui est-il le non ?
Parce que dire oui ce n’est pas seulement ce que vous croyez non non c’est aussi dire non au non
Non oh non parce qu’à s’opposer ne risque-t-on pas de ne plus rien poser ?
Non parce qu’à rejeter ne va-t-on pas jeter de l’oui sur le feu et tout faire flamber ?
Non parce qu’à refouler ne deviendra-t-on pas cheminée ?

Croyez-moi enfin si je dis oui ce n’est pas pour taire les non
je porte dans mon ventre des non intarissables.
(C’est inouï ce que j’ai de non)

Non c’est parce qu’oui est devenu leur silence, leur paix, leur repos
C’est parce qu’oui est cuit
C’est je conclus parce qu’il faut le retrouver cru saignant oui ce oui celui où l’on plante ses crocs

Fabrice FARRE, « Sans suite »

Non, c’est un ouï-dire, c’est certain !

Voici la ruine, le mur d’une autre vie
où les épaules se sont appuyées, après
le travail. Un chemin la traverse maintenant,
chemin aux vaches dit-on,
l’herbe résiste par endroits – comme l’a fait
longtemps la pierre. La fibre tendue
entre les pouces sifflait verte dans l’air
en le coupant.
On bâtira encore dans cette sauvage
campagne, les lieux perdus porteront
des noms de rues, des plaques numérotées
au cou des maisons. Puis reviendront
les épaules contre celles des enfants, dans
un pays minime surpris dans un soubresaut.
Rien ne dure, tout ressuscite, etc. Le oui dit
non, mais le non est faible, croit-on, le oui
moins. Peut-être.
Et qui perd, qui gagne. Tout gagne.
**
Plus tu gardes le secret, plus mon ignorance grandit.
Le sourire sur un visage est une grimace,
par temps d’incertitude, mais
le plus frêle radeau repousse le naufrage.
Ce miracle de vie commune inventée
réside dans le jour maintenu par la réponse
que suspend l’impatience.
**
Il sait lire un atlas, il sera le guide
jusqu’au terme du voyage. L’expression
des trous de roche, la couleur des petits lacs
sont identiques et là-haut, la corniche
qui court ne sait pas d’où elle vient.
Adieu aux chevaux nains de laine ou
de roseau. La langue du vent change,
il semble en colère. La neige craque
sous les chaussures ficelées, le vêtement
sur la peau sera un rempart, le gel alourdit
le corps, les yeux de verre sur les cils
perdent de vue la montagne. Adieu aux visages
entretenus. Des centaines de pas ont été faits mille fois
avant de quitter le monde bas,
dans la crainte silencieuse, la prière répétée.
Le guide s’éloigne, plus ordinaire que
quiconque, sans se retourner, le chemin hasardeux
qui redescend est un remède à la mémoire.
La terre brusque retient les pas
et la joie d’un oubli adressé
aux Alpes.
**
INTERDICTION D’ENTRER, même de se glisser
tout entier par le trou de serrure, jusqu’à l’autre
côté. Un inconnu empêche le passage : il porte
en lui la désobéissance et cède à l’obstination
du passant le désir de ne plus revenir indemne.
**
Commencer par la fin
entendre la forêt avant l’oiseau
marcher enfin, après la chute,
ne renoncer que dans la certitude d’avoir
souhaité, une vie entière,
la bienvenue à qui passe
alors qu’il n’aurait jamais songé être là.
À la fin, ne trouver le début
que dans la patience non attendue.
**
Il faudrait beaucoup de certitudes
pour dire oui, une pudeur nue, une audace
indéfectible. L’acte accompli a fait l’impasse sur
ces prétentions et bien avant que la parole
ne soit parvenue à son but, il l’a
poussée à consentir par le silence.

Florence SAINT-ROCH, « Ce qui vient devant ».

1.
Le ciel n’est que le ciel
Et pourtant

Son tumulte gris son parfum de cendres
Ramènent un autre temps
En amont des évaporations océanes
L’ère des volcans actifs
Des hauts cratères en éruption

Aujourd’hui comme alors
L’immensité a reflué
L’ensemble du monde fini
S’émeut ou se résigne
Sous un nuage de plomb

2.
Scories en suspension masse flottante
L’énorme cumulus fait notre horizon

Les questions s’y épaississent

En de curieux assemblages
Il condense nos ombres
Brasse nos plus diffuses expressions

Des rêves aussi prennent forme
Peut-être qu’il est une lampe sous le boisseau
Et si l’envers de toute chose
Était plus coloré que l’endroit ?

3.
Le nuage insiste
Lourdement empile ses lauzes

Sans doute il manque de mesure
Car voici qu’il s’affaisse
Sous son propre poids

L’ardoise se fend
Dans la percée un rai de soleil s’engouffre
Sans ménagements ramène l’ombre
Au bout de nos pieds

4.
L’infini nous est rendu

Traversant l’étain
La lumière accède
L’évidence s’éclaire autrement

Il n’est rien derrière
Qui ne veuille
Venir devant

Françoise COULMIN, « Amen litanies pour que vienne … »

Pâleur des noël-hellébores
      ajoncs en perles jaunes
      balancement des chatons coudriers
      perce-neiges et jonquilles
      nivéoles et crocus
      jasmins d’hiver et forsythias
      ficaires et primevères
      mimosa daphné-bois joli camélia
      muscaris et narcisse
      Amen Amen Amen

Amen
Amen
Amen
Amen
Amen
Amen
Amen
Amen
Amen

Dès novembre l’illusion des prunus roses
pourrait soulager ces angoisses

Fébrilité

Attente d’un renouveau
guetté dans l’éclosion des premières floraisons

À toutes ces promesses en litanies
Je dis oui !

Françoise DELORME, « Pour un oui et pour un non »

Je dédie ce poème à « Reprise » de Hervé le Roux. Dans ce film de 1998 sur la remise au travail des ouvriers des usines Wonder après les grèves de1968, je dédie ce poème à la jeune fille têtue et introuvable qui répète sans faiblir :« j’rentrerai pas, j’foutrai plus les pieds dans cette taule ».

Non fait peur

Bien avant qu’on le désire
dès la naissance de la naissance

Dans la naissance du cri

Dès la tête dans le jour

En venant au monde
un non commence
une peau se ferme
un oui commence

Au moment où mon nom sonne
où ton nom me le donne
oui et non se lèvent
se harcèlent et nous écartèlent

Le jour et la nuit

À vif entre tout et rien
à hue et à dia entre
surgir et se dissoudre
entre dire et contredire

Oui pulvérise les parois
c’est de pollens que je parle
dire non de même s’il explose

Oui recolle les morceaux
raccommode les porcelaines
dire non de même s’il résiste

Dire oui fait croire
dire oui c’est croire
dire oui croit que non
s’annule dans une joie claire

Dire oui sans non
qui dise non sans oui
se perd parmi les algorithmes
pousse une porte sans gonds

sans formes sans fonds sans fin

oui sans noms
non sans ouïes
c’est vivre sans mourir
comme mourir sans vivre

Soudain « non » vérité
de la langue comme seule
une humanité s’invite
brèche au cœur de « oui »

Le mot « non » s’obstine
oppose un appui
« oui » prend corps avec
ou le contraire suivant
l’imprévisible météo

Comment savoir risque
un peut-être décidé
et prononce à l’estime

Un non protège la volonté
d’un oui qu’il entoure
de sa pulpe
ou bien coquille
le non contient la confiance
d’un oui il est le noyau

Incassable

Il nous extirpe de la glu
des oui sans mais
des bénis oui-oui

Île fragile et close
si non se fêle en libérant les voix
je parle tu parles il parle
nous continue

C’est nécessité que je chante
la faim nous l’appelons amour

Se dégage le oui terrible du oui
le oui d’avant la naissance
milan déchirant sa proie

En se fendant
fraîche amande

Une entame fleurs
d’amandier

Exister peut
être

Ici

Françoise ORIOT, « Ronde »

Arrondir les lèvres
poser un baiser
souffler sur un flocon de pissenlit
distraire l’or du temps
à sa course entêtée

Arrondir les mains
protéger sa flamme
contre le vent
contre le temps et ses vagues
qui nous feront écume

Arrondir les yeux
de stupeur d’effroi
le temps qu’on rangeait de notre côté
s’est retourné
creuse des trous sous nos pas

Arrondir le dos
sous le temps crevé au couteau
fixer la terre
qui guette nos atomes
pour en faire tout autre chose

Mais arrondir la nuque
où pose ses lèvres
l’amour que le temps
nous a accordé
flocon de pissenlit dansant

Arrondir les bras
serrer contre soi
dans le temps suspendu
ce qui n’est jamais suffisant
toute la tendresse d’un vivant

Arrondir les lèvres
quand le temps sera venu
retenir son souffle
se forcer un peu
dire oui

Frédérique DE CARVHALO

que la peau se froisse
que l’image
disparaisse qu’un
nuage
emplisse
le ciel
que le cri du chat
huant la nuit qu’un ami
fasse signe ou bien
pas
qu’une fleur
une anémone un
lilas qu’une
promesse
mal tenue le
boomerang
toujours
blesse
le miroir
toujours

un enfant de longue
date fait face à
la glace
un enfant
ébouriffé
l’ange
tombé
simplement
dans
l’oubli

que la peau
se froisse
jusqu’à

cela

de dire

oui

que la peau se froisse que
se lèvent
(maintenant)
l’image
le poème et
l’enfant

que l’image le poème et
l’enfant tiennent d’un seul
tenant

il était une fois et la barque
en allée

le sillage de la
langue
éparpille les
voyelles

alors

oui

dire

oui

Gabrielle ALTHEN, « Elle ou la décision antérieure »

Souveraine et blessée
Mains lentes et connivences
La bergère méconnue aux agneaux invisibles
Une à une écartant les parois de la nuit
Femme et étale
Devant la mer de la nécessité
Et le moutonnement des actes répétés
Entre les pieux mal équarris de la brutalité
Et la voici qui se lève :
Parole dévidée entre questions et maux
Reine pourtant du silence où s’abîme le cœur
Le corps immense derrière les poignets frêles
- Et le oui antérieur à son geste de vivre

Soleil patient, Arfuyen, 2015.

Georges CHICH

Un mot prononcé
direz-vous
un mot prononcé
n’est qu’un mot
un simple petit mot
simplement fait d’air vibré
d’impression d’oreille
de quelque chose qui a caressé
dans le cerveau
dans la pensée
un petit espace de temps
qu’on a même pas vu se glisser hors de la bouche
mais qui est là
encore tout résonant
comme un paquet d’ondes
qui n’en finissent plus
d’agiter l’air
et dont la déflagration retentit
désormais
dans toute la tête
creuse
bouscule
refait le tour
s’installe comme en son orbite
gravitant à la vitesse du soleil
et brûle sous son incandescence
détruit peut-être déjà
un monde entier
un univers

Dans l’abondance
nul n’a pris garde
à ces quelques syllabes à peine prononcées
venues de la bouche qui ne crie pas
lentement elles ont fait le seul chemin possible
vers les seules oreilles capables de distinguer
dans la forêt des sons ces lumineuses notes
dont la douceur est apparue comme un bouquet sauvage
à la lisière dans l’épaisseur inextricable
il n’y a qu’une pensée
qui a cueilli ces fleurs jetées
si négligemment glissées
qu’un miracle a suffi pour que leur beauté
rayonne
au milieu de l’obscur
du brouhaha
et des rires

illumine un regard qui désormais se tait
et
sourit

Germain ROESZ, « Oui, lame aiguisée »

Cerner matière
saisir éclats       mouvements
Prononcer les cris
tous
Scinder le feu
noblesse       pauvreté
Modeler la parole perdue
sur son propre corps et
faire une boue sacrificielle
la mettre en marche
en abyme dans l’abyme
Gravir la montagne
incommensurable
inconsolable
Détourner époques guerrières
Dénouer frontières
nouer rives
élever les chemins par-dessous les routes
marcher à petits pas
dans les ruisseaux de paroles
marcher à grande enjambées
dans la mare originelle
dans la source des palinodies
Epeler la première lettre
la répéter et la répéter encore et encore
jusqu’à la dernière
chaque lettre a la même origine
le même passé et le même avenir
que le sens nourrit
encore et encore
Consentir à cette étendue
volume peut-être      où
nos âmes sont contenues
Serrer la pierre pour en capter la pluie
Rincer l’eau pour en extraire le souffle de l’air
Un oiseau coupe l’espace en tous sens
strie les profondeurs du ciel      et
mon visage entrelace ce qui regarde
comme un corps qui se superpose au vol
L’infini du désir coule
dans l’aride du déclin
la crainte s’enfouit
dans la joie tombée des comètes
va vite
va loin
va cocasse
va riant
va vivant
vaille que vaille
va bien
va hors
va tout

Un berceau t’attend chaque matin
qui berce ton silence
ta voix rauque et tes yeux écarquillés
Un anneau se glisse à ton doigt
chaque matin qui délace les origines
bouleverse ton avenir
la confusion s’éloigne
les passions font fusions
dans le langoureux creuset
du feu

Un regard sourit
au-delà de ton visage
acquiesce à ta hardiesse
inocule sa présence magnétique
Des masques tombent
font des pétales d’espoir au sol remémoré

Je baise la terre chaude
comme un printemps
je baise la terre humide
comme un automne
je baise la terre brûlante
comme un été
je baise la terre gelée
comme un hiver
en désordre
dans le même instant
dans la brièveté
de l’azur
que je caresse dans mes paumes
Je chuchote la caresse
qui accueille le monde
je murmure le monde
qui m’accueille
Je blottis la mémoire
dans le premier soleil
Oui est une lame aiguisée
qui transperce la banalité du non

Hélène LACOSTE

Dis-moi oui
Sans faire de bruit
Sans me blesser
Quand je jouis le soir
Dis-moi oui
Quand je veux plus grand
Plus dangereux plus fou
Le monde
Dis-moi oui
Quand je sauvage ailleurs
Quand je reviens entre tes pattes
Alourdie et ravie
Dis-moi oui
Quand je me perds
Quand je te quitte pendant des heures
Quand je courbe l’échine
Dis-moi oui
Quand je n’entends plus rien
Quand j’abandonne puis me rêve
Flottante sur le lac
Dis-moi oui
Quand je le dis aussi
Quand je t’aime
Quand je connais ma joie
Dis-moi oui une fois de plus
Ce n’est pas de trop
C’est plus ténu qu’un fil
Que tu respires encore
Attends
Attends
Oui oui
Oui.

Hélène SANGUINETTI, « Oui a frappé au carreau »  

        .

Oui a frappé au carreau
Il avait si bien ciré ses chaussures,
et tombe des trombes,
feuilles collent au talon de caoutchouc,
et papillons glissent chienne noire ressort blanche du canal
j’ai oublié mes clefs ! Non
ne répond rien, il
attend sous la couverture

        .
                .

Non juge Oui dépassé, trop poli,
presque MALHONNÊTE
- Qui a dit malhonnête ici ?
à force de victoires, trophées, époumonage réussi, et
toute la smala endimanchée qui ne le quitte pas,
pas une seconde pour hasard, incertitude, rêverie

Bible-Oui ouverte à :
///Oui Madame//////////////////////oui mon petit /////////
/////////////////////////////////////////ah oui, c’est honteux ///////////////
et tralala de tralala

                        .
                .
                    .

                    Oui frappe violemment à la porte des
                    toilettes, Oui tu sors maintenant !
                    hurle-t-il à sa petite sœur
                    enfermée depuis trop longtemps là-dedans
                    à lire

.
            .
                        .

            .
La peau de l’eau est grise sur la
photo dans la vie oui, pareil
Lapo est un monstre caché en chacun ?
(Lo aussi ?)
Non, il ne dévore que la beauté
au printemps, oui, vit de ça,
Et du sel sur les lèvres des vaches
derrière les barbelés, Oui à Odeur
des bouses,
Oui à l’eau qui passe sous le pont
de son amour tes bras me manquent
affreusement veux mourir
oui au long baiser me réveillant
c’est fini
et cependant détestable oui quand

                              tout dit non en moi
                                             depuis toujours

Moi est un monstre alléchant une
peinture, un nœud matrimonial
en haut du cadre
Mordoré

.
                              NON à ta mort
                                   Crachée en oui sur le
                                   parvis

Flocons descendent

Oui des fleurs déposées une par une
Pas une larme accompagnant

Oui, me dit-elle c’est l’heure
vous l’ignoriez ?
.
                                   NON, idiote
                                   et je l’envoie
                              son cul de scoute par la porte de la rue
                         il fait nuit c’est vidé

À tes yeux encore plus simples
d’amour désespérément posés
Oui, mourir peut entrer dans une assiette
jaune d’œuf dans poumons,
lit pliant, draps s’étouffent

et bêtement ceci :
Oui s’est perdu dans la montagne,
a peur de, noir froid bête en dessous ça craque

                    .

                .
.
    .

                                   Neige dans bouche
                                   prend trop de place
                                   Non dit la mort qui est là.

Ian MONK, Pour dire oui

Pour dire oui à quoi ou à qui ? à toi par exemple ?
En tant qu’épouse de mes pensées noires ?
Franchement, je n’en sais rien, tu sais
Je brasse assez d’air comme ça tout seul

En tant qu’épouse de mes pensées noires
Saurais-tu transformer ce non en oui ?
Je brasse assez d’air comme ça tout seul
Ne soyons pas seuls ensemble comme disait l’autre.

Saurais-tu transformer ce non en oui ?
Il faudrait combien de glissements de lettres ?
Ne soyons pas seuls ensemble comme disait l’autre
À ce moment précis dans le monde

Il faudrait combien de glissements de lettres
Pour passer étape par étape de non à oui
À ce moment précis dans le monde
Il faudrait savoir calculer mieux que moi

Pour passer étape par étape de non à oui
Franchement, je n’en sais rien, tu sais
Il faudrait savoir calculer mieux que moi
Pour dire oui à quoi ou à qui ? à toi par exemple ?

Ile ENIGER

Tais-toi mes mots, ne te perds pas aux chemins balisés. Prends la traverse, la tangente, la belle. Ne te pends pas aux ramilles d’hiver quand le regain t’invite au printemps d’à côté. Tes akènes trépignent, suis-les. L’unique de toi est affranchi depuis longtemps. Ignore les lacis, les modes. Souviens-toi le sillage des outardes, les feux de feuilles aux jardins, la joie au passage de l’ange. Tais-toi mes mots. Si les ombres t’emmuraillent, si tu casses comme du petit bois, si ta voix s’alourdit, ne garde qu’un vocable, trois voyelles étourdissantes, éblouissantes. L’acquiescement de vie. Ce cri de l’aile haute, garde-le au plus de toi, soleil dans tes paumes. Embrasé et vivant. Liberté au poignet, écris-le comme chante l’oiseau. Clair, juste, confiant. Le reste est sans importance.

Extrait de Les mains frêles –Éd. Chemins de Plume

Irène DUBOEUF

Le jour éclot sur l’herbe.

C’est l’heure diaphane des rêves fous
une invitation à faire le tour du monde

ou de soi-même.

Dire oui
au renouveau qui irrigue nos veines

dire oui
à la provocation effrontée des miroirs
aux mots désavoués
au destin jeu de dés

dire oui
à l’improbable innocence de l’aube.

Extrait de Triptyque de l’aube, Voix d’encre 2013

Isabelle LÉVESQUE

Ta main s’est ouverte,
le mot « nuit » réduit
calque sa dernière lettre,
voyelle au point zéro
du sommet.

Le jour,
oui, le jour venu a dissous
la membrane du cercle
(je te cherche)
et le nombre infini de points serrés
sur la ligne infinie
nous éloigne.

Jacqueline PERSINI, « Oui à la bonté des arbres »

Oui à l’audace du oui, à l’audace de vivre
Oui écrire au plus près de soi
Oui à l’infinie richesse de l’humain
Oui à la mémoire de nos histoires singulières inscrites dans la grande Histoire
Oui à la grâce du présent
Oui à l’acceptation de notre finitude, de notre fragilité, de notre solitude
Oui au souffle qui entonne le chant de la révolte
Oui à la non-violence, arme puissante
Oui à la désobéissance quand les lois sont injustes
Oui à une fraternité militante
Oui à la sororité
Oui à la retenue de nos griffes et de nos dents
Oui au pardon qui soigne
Oui à l’élan vital qui nous tire vers l’avant
Oui à l’espace vide
Oui au devenir de soi
Oui à Don Quichotte qui requalifie le monde
Oui à la construction, déconstruction de notre identité
Oui au passage de moi à nous
Oui à la paix du monde
Oui aux différences qui nous prolongent
Oui à l’éveil des consciences
Oui à la liberté dans les liens
Oui à l’imagination qui nous ouvre le futur et le rêve
Oui à ce qui dépend de nous
Oui à l’allégement de la peur
Oui à l’espoir qui invente sa langue
Oui aux bâtisseurs de maisons ouvertes
Oui à la saveur du don
Oui à l’énigme du vivre et du mourir
Oui à la naissance d’un enfant, d’une fleur, d’un poème
Oui à l’étonnement d’exister
Oui à l’attention aux petites choses comme aux plus grandes
Oui à la compassion, à la consolation
Oui à la chorégraphie de sentiments
Oui aux larmes et aux rires
Oui aux partages de douleurs et de joies
Oui à la sagesse en mouvement
Oui à Montaigne aimant la vie, souhaitant que la mort le trouve en train de planter ses choux
Oui à la certitude qu’il n’y a aucune certitude
Oui aux ponts entre différentes disciplines
Oui à la vérité qu’il n’y a aucune vérité
Oui aux non donneurs de leçons
Oui aux exercices de lucidité
Oui à l’erreur qui nous apprend l’humain et l’humour
Oui à la prise de risques, à la navigation au milieu des périls
Oui aux questionnements
Oui à la solitude dans une reliance aux autres
Oui à la visibilité des invisibles
Oui aux oreilles vides de bruit et de fureur
Oui à la lenteur
Oui à nos sens aux aguets
Oui à l’accueil de l’inconnu, source de rencontres inouïes
Oui aux merveilles des émotions, des vibrations
Oui à notre part d’enfance
Oui aux mystères de la création
Oui à la fenêtre qui happe la lumière
Oui au silence où éclot une voix
Oui à l’assaut des mots, à l’avènement de la parole
Oui aux phrases qui habillent les racines dans l’obscur de la terre
Oui à toutes les voix du poème
Oui à la musique des sens et du sens
Oui aux mystères de la création
Oui à la culture, aux arts, socles de l’humanité
Oui à la beauté sous toutes ses formes
Oui aux remerciements à tous ceux qui nous agrandissent
Oui aux paroles des vivants et des morts
Oui au temps qui déploie l’infini
Oui aux saveurs et aux couleurs du monde
Oui à l’émerveillement devant ce qui pousse, ce qui naît
Oui au filet d’eau ignorant sa source, ne sachant où il va
Oui aux couleurs de l’arc-en-ciel
Oui à l’étang qui regarde le ciel et mendie un rayon de soleil
Oui à la glycine qui penche mais résiste
Oui à l’eau vive du torrent
Oui aux vagues qui disparaissent et renaissent
Oui à la pluie qui donne verdeur au jardin
Oui au soleil qui chasse la buée de nos yeu
Oui à la lumière, source de prodige
Oui au parfum des tilleuls
Oui à la bonté des arbres, à leurs rumeurs
Oui à l’envol de l’oiseau comme à celui du poème
Oui aux poissons rouges et aux bêtes aussi féroces
Oui aux grands buissonnements, aux feuilles rajeunies
Oui à tout ce qui respire sans contrainte
Oui aux grands espaces, à la marche
Oui au langage des minéraux, des plantes, des animaux
Oui à la tendresse qui veille aux caresses
Oui à la montée du désir
Oui aux fruits défendus
Oui au feu des regards et des baisers
Oui au goût du sel et du miel
Oui à l’entrelacement des corps et des âmes
Oui à la célébration de l’amour et à sa mise en acte
Oui aux amants qui trouvent l’éternité dans l’extase
Oui à la spiritualité, à ce qui nous dépasse
Oui à ceux qui savent qu’on ne sait pas.
Oui à l’enfant qui parle en nous
Oui à l’arbre de Noël
Oui à la neige

Jacques MOULIN, « Oïl ou Aile »

entends l’oiseau
qui dit
qu’oui qu’oui
l’entends-tu
oui ou non
qui fait
qu’oui
depuis l’aile
disons l’oïl
jusqu’au cercle
oc-
ulaire
et son bec qui toque
au vivant
bec si
oui que si
c’est la vie
l’a pas dit
c’est nenni
et tant pis
si son croupion
fait non

vois le corbeau qui passe
comme un oui nuancé
le corbeau est lustré
pas noir
ô que non
pas de non
sans le voir
d’un coup d’aile
disons d’oïl
pour faire oui
qui oscille
entre roc et faille

héron crie non
cherchera tard
un oui rauque
dans la nuit
sa gorge évoque un oui
que l’on traîne par les mots
équivoques
dis pas non

dis pas non
dis pas oui
ne sont pas noms d’oiseaux
pinson ou pie
oui que si
c’est leur nom

que faut-il ouïr
de la question du oui
que l’on dit
qu’on écrit
sur le dos de l’oiseau
dis pas non

l’oiseau vit
étendu ou au nid
pour un oui
pour un non
un coup d’aile
et repart
pas de langue
oïl ou oc
dans son bec
son dialecte
est un chant
qu’on écrit
sous nos plumes
comme un qu’oui
qu’on entend
nord ou sud
c’est qu’oui qu’oui

Jany LEFLOT, « à toi »

Tendre un sourire fugace
À ton image de gel.
Râper l’attente tenace,
Mater le manque charnel.

Retour du temps sans lisière
Où je cesse de nous chercher.
Je laisse l’Esprit en jachère,
Mes doutes s’effilocher.

Ne pas aller m’égarer
Dans la mémoire d’argile.
Ne pas au deuil m’amarrer.
Non, poursuivre, tranquille.

M’offrir sans ombre aucune
A chaque aube qui renaît.
Manier la pâte commune,
A la vie m’abandonner.

Réveil du sens, ah capter
Ton indomptable présence,
Et mes mots de s’effriter
Dedans ta divine prescience.

Tu es là, tu es là, oui
M’irradiant jusqu’à la moelle.
Le présent s’évanouit
Dans la magie de l’étoile.

Se déplie le cerf-volant
Des complices de mon âme
Qui attendent bienveillants
Que je trouve le sésame.

Jean-Baptiste PARA

Ys et Kitèje où trois filles aux yeux gris
Vont dans les sables en espoir d’un mari
Et comme des boutons de nacre qu’on écrase
Serrent le oui dans le non, musique d’ombre sous la pluie

Jean-Claude MARTIN, « Oui dire »

Oui
Oui oui oui
Oui partout
Pas seulement dans l’inouï le réjoui l’épanoui
(Sans oublier le ouistiti…)
Que de portes s’ouvrent si l’on met bien la clé dans l’houis !
Je t’attends aujourd’houi
Les taxis sont gratouits
Vers moi on te condouit
Mais n’oublie pas ton paraplouie
En entrant pas de brouit
O ma Belle de nouit
Viens aimer ton Louis…
On a joui
Mangé ensuite des biscouits
Les Amours d’Ovide tu m’as tradouit
Sur ton sein ma tête avait pris appoui
En ton cœur j’entendais la vouie…
Que de bonheur si l’on sait être TOUT OUI !

Jeanine SALESSE, « Le marcheur »

          Les chemins
N’étaient là que pour emmêler
Les pas et perdre le marcheur
Franchir la haie
L’espace pourrait en rire avec la vanesse
Fusant de la scabieuse

Poursuivre, écarter les buissons, les roseaux
Les nuages et les sueurs
Ebranler terres et fourmilières

                    Si peu !
Car il n’échappe pas à la chambre intérieure
Ses images, ses livres, ses calmes entours
L’histoire finirait mal s’il s’égarait
Dans les traces et les gués submergés

Mais le voilà
Comme le sabot du cheval à renâcler
À gratter, à meurtrir
               Dans une fissure
Quelque chose tressaille     invisible
Il persiste et s’entête
               Il est dans ses pas

Jean-Michel SANANES, « Je dis Oui »

Entre le pouvoir Être et la Question
Je suis cette matière agitée
qui dit Oui
Oui à la vie.

Je suis la multitude de l’Être qui court après son nombre
et s’éparpille dans la cacophonie des désirs.

Je suis cet essaim de cellules
qui affronte le pourquoi et l’insondable
je suis le oui, le non
à la recherche du sens.

Dans la clameur des solitudes
je suis cet écho de l’énigme
qui court après son ombre
ce cri en quête de son centre
cet œil ouvert dans l’attente
d’une nuit sans frontière
et du jour où il dira oui.

Seigneur des folies
je suis celui qui n’a rien demandé
mais s’interroge :
As-tu inventé l’homme,
le calcul, la rancune, la haine,
la jalousie, le désir
sans inventer l’amour ?
Du non au oui je cherche une clef
Je suis une ombre qui cherche son nombre
un écho parmi les échos
du rire et de la tendresse
je suis celui qui côtoie le vouloir et la compassion.

Seigneur des folies
je regarde l’enfant d’ici ou d’ailleurs
et la vie spoliée de l’avenir
sans comprendre le sens du voyage
je suis la conscience éclatée
qui s’éparpille dans la cacophonie des désirs
un nom qui oscille
entre les grimaces de la justification
et le oui à la conscience.

Seigneur des folies
dans la fureur des jours
je suis l’homme de raison et de doute
perdu dans les banlieues de l’incertain
une solitude qui affronte le pourquoi et la question
la raison à la recherche de sens
celui qui n’a rien demandé.
Mais je suis
celui qui dira Oui
Quand à l’appel de l’Absence, on dira mon nom.

Je suis celui qui cherche sa maison.

À paraître prochainement aux Éd. Chemins de Plume

Jeanne BASTIDE, « Acquiescement à l’arbre »

l’arbre poursuit son chemin
maintenant - toujours
pas après pas
un vers la terre
un vers le ciel
un autre vers lui-même

un air neuf commence à naître
on balaye sa vie comme l’arbre ses feuilles
rituellement
l’arbre nous tient en laisse et nous traîne derrière lui
on va à sa suite

quand le vent a tout balayé
seule demeure la lumière
l’attente se blottit entre l’arbre et son écorce
sans impatience
le cœur se met au rythme du feuillage
c’est le vert qui décide du temps à venir

Jean PALOMBA

0/ Introuït

Hey Muihr, qu’ois-tu ?
- ce sont trois plutôt petits poèmes que j’ai ouis

1/ Inouï

Oui, dis oui !
- non.
-Mais si, dis oui, stp, dis !
-Stp.
-Mais heu ! Oui, allez quoi, dis-le nous...
-Nous.
-Non mais noue-nous, dis-nous oui !
-Noui.

2/ Ouïr

Ui, Oui. En Alsace, ils disaient oil mais aujourd’hui, ils prononcent ui  ;
tandis qu’aux Belges, le ui leur vient oui.
Ui, Oui : 4 et 4 font houit. (En langue d’oc, c’est de l’inuit.
C’est donc charmant.
Ui. Oui. Pareil que si tu mets du jour dans de la nuit ;
ça donne genre l’aube : plutôt joli.)
Et ouïr, c’est oui rrr,
avec ce léger acouphène que perçoit l’ouïe avant d’approuver.
rrr, la moulinette de la comprenette.

Oil, oc, ui, oui rrr,
au nord, au sud, c’est entendu,
ouïr,
c’est écouter le déjà perçu,
oui dire à la feuille instinctuelle,
s’accorder à l’oreille, à l’ouïe dire oui,
sinon,
ce s’rait... inouï.

3/ Ouïmes

Depuis l’intérieur d’elle, ma mère et moi, nous nous ouïmes.
On écoutille, nous en tendrons, à perce-voir, comme ça,
on finissait par prendre avec soi les mots tendus dans son ventre.
Et c’était déjà s’accorder aux sons extérieurs par les ouïes.
Sept mois après, mon père environ et moi, nous fûmes.
Prématurés.
Finalement complices.
Malgré cette époque intra-utérine où ouïr passait par ma mère.
Je le sentais très attentif, penché qu’il était au-dessus de sa femme violoncelle,
à tenter de communiquer avec moi par les ouïes sur sa peau de santal.
Et c’est pourquoi, je sus un jour, au vent d’autan,
aller seulâbre,
clopin-clopant.
Mon père et moi finalement fûmes.

Laurence BREYSSE-CHANET

Écoute la parole des ronces :
si la nuit recouvre le jour,
le jour restera dans la nuit.

C’est la réponse
des veines
sur le souffle ténu du temps.

Au matin,
l’allée des peupliers.

Extrait de Cendres, un nom (à paraître chez Rougerie)

Laurent CENAMMO, « L’orpailleur »

Comme l’orpailleur
rejette dans le fleuve trouble sa
récolte de cailloux ternes et de boue.
Mais c’est comme si rien, jamais,
dans la vie, n’était entièrement à jeter,
ou à négliger, comme s’il y avait toujours
quelque chose à conserver, ou à apprendre,
dans ce limon une pierre, même petite,
qui est la fenêtre grande ouverte
qui éclaire l’avenir

Il suffit parfois
de ces légers décalages, ou déraillements, que le wagon
du regard se couche doucement sur le côté,
l’herbe du talus plus brillante soudain de tout
ce charbon

Léon BRALDA

1-
À la fillette assise sur un banc, il a dit « oui ». Il tend sa main ouverte comme un nid, lui sourit doucement et siffle un air d’oiseau levant sous l’aile claire de la récréation. Sa main-bonheur est grande ouverte, couve des billes de verre bleu tressées d’ambre, de corail et d’opale… sa main vaguant au ciel, comme lampyre épris de poussières d’étoiles. Sa main-secret qui garde prudemment le trésor d’une enfance amoureuse. Il a tendu la main et prononcé le ciel à l’écluse de son cœur. Il a tendu la main et les mots éblouis ont surgi d’un seul coup : pitance de soleil et de brise légère

Œil de chat
              Voix lactée
              Tornade        et bille flamme

                        Chinoise et ouragan
                                    Pépite

        Agathe
et loupe

Sourire d’ange à la trainée des mots, on jouerait à la Tic, à la Gagne, à l’Enclos… On bâtirait les heures denses et joliettes d’une école publique sous l’ambre irisée d’un calot conquérant.

2-
Des mots. Des mots qui ne disent pas ce qu’ils savent du jour naissant, ne disent pas ce qu’ils cachent du soir éteint au large des saisons. Les mots-silences, les mots ouverts dans l’âtre froid d’un souvenir de classe… Le ciel a traversé les mots. Enterré le secret dans le terreau du temps ! Effondré ce souffle obscur qui saille en fin de phrase : j’ai dit oui.

Un point qui tombe mal sous la graphie du songe… À peine révélé, ce peu de ciel incandescent

Brûlure,
                                Écho    regard
                    Une pierre équarrie
Une herbe
    Une araignée
                        Lycose    Nuit velue
Allumettes
                    Incendie
            Jeux d’enfant et graillons

    Brûlure            sous le ciel

Le silence éperonne les possibles paroles qui montent lentement au seuil de la lumière. Je dis « oui ». J’ai dit « oui »… Je porte ma voix jusqu’au mutisme d’un signe noir écrit pour l’ombre, et pour l’épave, et pour le grain mauvais des champs de la jeunesse.

Luce GUILBAUD

Aux colères du temps à la terre dévastée
aux mensonges aux décors factices
à l’abondance délétère à la terreur masquée
à la sombre traversée du doute
                     je dis NON
aux pétales de chrysanthème aux oiseaux migrateurs
aux signes dans la pierre aux cœurs croisés sur l’écorce
aux regards partagés à la voix qui rassure
à la transparence depuis la rosée jusqu’aux larmes
                     je dis OUI
à ma barque sans rames sur des flots contradictoires
à la vérité à la main tendue à l’amande même amère
au port incertain éclairé par la lune
aux choses qui s’en vont puisqu’elles ont vécu un jour
                     je dis OUI
si je dis encore NON et NON à ce qui méprise et désespère
    je dis OUI pour le meilleur et pour le pire
    et OUI à toi sur la photo pour le sourire…

Luminitza C. TIGIRLAS, Halée par Rimbaud

I.
Ton cri touille la brume
jusqu’à faire bouillonner le poudrin

Mon l’œil brille à ce départ en trombes
Est-ce le soupir
qui s’agenouille dans ma gorge ?

Suis-je encore ivre ?
Disi que ò  :
par les vertus de l’eau occitane je dis oui

Par cet air cette errance ce flair
mon corps s’accorde aux haleurs
à la débauche par le souffle

Au tréfonds du Lez
mon regard se promet aux platanes

II.
Dis da dis da dis da*
Tu étais l’oiseau de Crimée
Tu n’avais pas encore voix de plomb
Tu veux qu’on te rende l’antique Tauride

Le temps joue à douille creuse
Tu es l’enfant qui siffle par terre
Dis da dis da dis da
Même Dieu a perdu sa langue

*DA = Oui en roumain - ma langue maternelle, ainsi qu’en russe.
Dada est une onomatopée enfantine signifiant cheval
que Rimbaud utilise dans le poème L’Éclatante victoire de Sarrebrück
avant que le mouvement dadaïste ne s’en empare.

III.
Signe strié d’une exclamation autre
    C’est un tronc sans branches
que novembre a déplanté
Il sommeille ici sous ma fenêtre
je l’entends    il s’écrie
d’une voix halée dans le ciel-poète

    Tous ces mots feuillus
s’offriront au printemps
des bras que mon érable
    aura ouvert aux suffrages
de sa Mandchourie d’amour
Avec l’air ébloui par les verts bavards
et les rouges de lumière
    que je nommerai samares

Lydia PADELLEC, « La course »

La nuit dernière
j’ai fait ce rêve étrange
non pas d’une femme
brune, blonde ou rousse
ni d’un homme inconnu
aux yeux de braise,
non : j’ai rêvé d’une course.
Une sorte de Tour de France
mais à échelle mondiale
où chacun court
avec ses propres moyens.
De nombreux concurrents
avaient des vélos de course
rutilants de dernier cri,
d’autres de vieilles bicyclettes
rouillées qui grinçaient à mort,
d’autres encore des mobylettes
ou des quads à réaction…
Et moi, diriez-vous ?
J’étais bien installée
dans ma voiturette à pédales
de celle qu’on offre
aux bambins de quatre ans,
un peu à l’étroit
tel un escargot dans sa coquille.
Au coup de sifflet
la course démarra promptement
me laissant un peu en arrière,
le paysage défila,
passèrent les saisons,
et je restai dans la course
ni lièvre ni panthère
j’allais à mon rythme
en pédalant plus ou moins dur
selon les aléas de la vie.
L’important n’est pas de gagner,
le chemin parcouru étant
plus méritoire que l’arrivée
qui, pour chacun d’entre nous,
se termine de la même façon.
Alors oui, prenons notre temps,
prenons le temps d’un paysage
et de répondre à un sourire.

Marilyse LEROUX, « Instantané », 15/09/2020
Sur une gravure de Consuelo de Mont-Marin et Francis Rollet

À l’annonce de ce projet d’anthologie « dire oui », je repense instantanément au poème le plus court que je connaisse. Il est de Guillevic et tient en trois lettres : Oui. Ce oui résonne du parcours de toute une vie, entre rejet et inclusion.
Il faut en effet du temps pour apprendre à dire oui, c’est souvent plus facile, plus instinctif, de dire non, et il le faut aussi, dans l’ordinaire comme l’extraordinaire. Résister et adhérer sont les deux pôles de l’équilibre qui nous tient debout.
Dire ce oui d’adhésion à la vie est un long chemin. Avec ce poème écrit en instantané sur la gravure de mes deux amis Consuelo de Mont-Marin et Francis Rollet, je veux dire oui à l’art, à la poésie, à l’amitié créatrice qui ricoche de l’un.e à l’autre. C’est un oui démultiplié, en mouvement, à l’image d’un fleuve qui relie ce que nous portons en nous de meilleur : l’élan de vivre, d’aimer et de créer.

            Retiens-moi
            nous n’avons pas tout dit

            La pensée s’aventure
            où elle veut

            Se cale entre deux rivages
            une demeure autre

            Ce qui la réunit
            court à son estuaire.

Maud THIRIA , « AEOUIY »

là où s’effritent les mots
s’égosillent les gorges
trouver encore la voix de dire
ce qui sonne
dans l’enfoui
voix plurielles réunies en
voyelles
sons dans les non
sens
sons dans les non
dits
creuser la langue
en son trou
vaille que vaille
coûte que coûte
en découdre
et recoudre cette voix de dire
l’une après l’autre
- en points de coulée de croix de suture -
les voyelles sonnantes
et trébuchantes
le O qui fait la bouche aimante
le U qui fait les lèvres frémissantes
et le I comme un cri dans la nuit
déchirant l’étoffe des silences
le tissu des mensonges
les bruits des rails
le OUI qui dérange comme un non dans l’absurde
le OUI qui démange qui défraie l’habitude
de se taire
avant même de l’ouvrir
bien grande cette bouche
masquée mais
vivante
plissée mais
espérante

hurler la vie à la mort
OUI
parce que toute voix vaut mieux que
rien
parce que toute voyelle résonne
même emmurée
même cloisonnée hors consonnes
aujourd’hui je suis
Antigone du OUI
dans l’espace clos des
maisons métros mitrailles
masquée non muselée
martelée non tue
abasourdie non sourde
je nous suis
Antigone du OUI
dans un monde vidé
non vide
aplani
non planifié
affadi mais vibrant encore de désir
le O pour une bouche ouverte
le U pour des lèvres offertes
le I toujours pour le cri
je nous
malades sauvés d’imaginaires
tendant nos bouches
tordant nos muscles
pour retourner le gant du non
pour commencer l’affirmation
malgré questions
et négation
prononcer l’imprononçable
OUI qui déforme le conforme
et nous redéfinit
avant d’en avoir
définitivement
fini

Michel DIAZ, « Offrandes »

offrande
en attendant
qu’une main la recueille
et que l’aube la renouvelle

offrande
à tout ce blanc
qui a bu aux fontaines
des doutes et des amertumes
jusqu’à la lie de son silence

offrande
en touffe d’immortelles
et en éclosion de pavots
ou en forme d’épaule obscure
mais si douce de lait nocturne

offrande
à la paume nue des margelles
à leurs lèvres torrides qui saignent
sous le soc de midi

offrande
à la laie noire
dans l’ombre des essarts
à la pierre jamais équarrie
qui propage le chant de sa sérénité

offrande
aux soifs inapaisées
à l’étincellement de la rosée
à ce qui brille d’eau lustrale
aux fentes des rochers

offrande
aux voiles noires du matin
qu’emportent les lumières
vers des horizons où s’effacent
les rides de nos peurs

offrande
pour ne plus attendre demain
mais pour ouvrir son nom à un pays
qu’on ne saura jamais

qu’on devine là-bas
au bout de la parole
et ce qui germera des yeux

enfoui
là-bas comme un berceau
dans la mémoire lisse de la neige

Michèle FINCK, « Être vivant »

Pour écrire un poème
Il faut être vivant
De tous ses vocables
Infinitésimaux
Et pour être vivant
Avoir regardé longuement la mer
Jusqu’à ce que les yeux soient couleur mer
Avec des oiseaux de mer peints sur le ciel de l’iris
Avoir respiré longtemps les bouffées du large
Troublantes pénétrantes mêlées d’algue et d’iode
Jusqu’à ce que les parfums de mer
Migrent au profond des pores
Avoir écouté toute une vie le rythme de la mer
Pouls cosmique de l’univers
Jusqu’à ce que les flots battent aux tréfonds de soi
Pour écrire un poème
Il faut renaître sans cesse
Enfanter en soi les morts
Bercer les noyés devenus varech
Nager en avant et à rebours
De siècles en siècles
De générations en générations
Jusqu’à retrouver en soi
Le oui central
Rayonnant et dansant
Sur la chair du monde
Passé présent
Et futur

Odile FIX, « Terreau de l’irréparé »

toute la nuée
le vaste mouvement
du ciel
tombant vers    la terre

des cendres claires
ont empli
toutes les fissures

les écorchures des lèvres

ce qui tranchait un sourire de verre

soi
un corps une branche
est le bâton de la marche
noueux usé

celui qui ancre son ombre :

    3 rondes d’ombres aux pieds liés
    3 jours 3 nuits de dormance d’être

ce qui sévit dans une voix matinale :

    « relève-toi… »

on suspend le linge et les lambeaux
sur un fil tendu
dont on ne voit les
extrémités

il y avait des larmes
en forme de cristaux de sel

en étangs desséchés sous les yeux

en nuit interrompue

un pauvre visage de masque battu

     joie soit le vent soudain
    qui soulève l’emplâtre
    déchiquette la peau lisse
    de la figure
    alimente les sources de rosée :

        langue et
        pleurements

soi    tu

regarder vers le tas
les débris gravats amoncelés

l’eau les mots et le temps
les ont liés en    doux humus en
récit nourri de décomposition

puis    ce qui éclôt :
    la fleur
    noire
    et les pétales
    d’objet fermenté

à la surface du
terreau de l’irréparé
ce qui éclôt :

    une croissance hâve
    ombre parlante
    sa matière de germe irrémédiable

– un peu d’encre suinte –

soi toi
ta fleur fragile

sur ton cou le collier d’elle
maintenant étiolée

écrire

modeler la matière de l’air

entre les épines des yeux
voir :

    un sol aux pieds liés
    ciel en couvre-être

quelqu’un dirait :

    « un arbre debout »

    ce qui est

    sous les heurts des
    intempéries

Orianne PAPIN, « T’es qui toi ? »

J’ai longtemps boudé la vie.
Dès notre première rencontre je lui ai chuchoté,
les yeux dans les yeux mais pas trop près quand même :
T’es qui toi d’abord ?
On se connaît pas, va falloir que tu fasses tes preuves
et autant te dire que je suis pas un bébé facile à embobiner,
pas de gazouillis ni de sourire béat,
on me la fait pas à moi.

Toi vraiment t’es trop grande
et puis tu fais peur
avec toutes tes jambes incertaines qui se déplient
et qui cassent par milliers,
quand on est là, les yeux dans les yeux,
j’ai le ventre qui m’aspire comme une étoile malade
alors écoute-moi bien :
tant qu’il fera pas beau demain, je vis pas,
tant que c’est pas bientôt les vacances, je vis pas,
tant que j’ai pas mon BAC, je vis pas,
tant que tu me donnes pas un autre à aimer pour toujours, je vis pas,
tant qu’y a des méchants, je vis pas,
tant qu’on va tous mourir un jour, je vis pas,
tu fais moins ta maligne, hein ?

Aussi t’es trop belle
et ça vraiment c’est le plus louche,
quand je te regarde, avec toutes tes promesses et tes cils
longs comme ce ciel qui nous avalera,
je me dis qu’y a un piège.
Bien sûr que tu me plais,
bien sûr que quand je te vois j’ai les mains moites et des frissons partout,
bien sûr que je sens déjà que je pourrais m’attacher irrémédiablement à toi.
Y a pas un matin où je panique pas d’émerveillement quand je me souviens que t’existes.
Tu sais, c’est pas que je t’aime pas, c’est que je t’aime trop.
Alors, si tu veux bien, on va garder un peu nos distances toi et moi.

Marché conclu.
Y a eu toute une phase où on a avancé côte à côte, la vie et moi, mais pas trop près quand même.
On s’embrassait du bout des lèvres.
Derrière trois centimètres de rouge ultra résistant.
Et puis avec un gilet pare-balles et une pompe à venin dans la poche.
Au cas où.
On a mis en place tout un protocole de non-agression :
des panneaux de direction bien visibles,
des étiquettes sur les envies toxiques,
des limitations de vitesse et des sens interdits,
des échéances, du sérum de vérité, des clauses de dédit, des gadgets anti-stress, des nota bene, des canons à neige et puis des somnifères.
Pendant des années, on a été heureuses.
Heureuses du bout des rêves.

Et puis un jour, elle m’a fait perdre la tête.
Comme ça. Sans signes avant-coureurs.
Je me suis juste réveillée, un matin, et j’ai eu envie d’elle, très fort.
Envie de la toucher, de la sentir,
qu’on se roule dans l’herbe folle,
qu’on se dise des mots d’amour qu’on sait qu’on tiendra pas,
qu’elle me prenne dans ses bras et qu’elle me fasse voltiger plus haut, vraiment plus haut.
Alors j’ai enlevé le gilet pare-balles.
De toute façon, ça faisait bien longtemps que j’avais compris qu’il faudra tous mourir.
Et même qu’entre-temps on aura mieux à faire que de s’occuper des méchants.

Alors j’ai arraché tous les panneaux et toutes les étiquettes
tant pis si y a carambolage et si on se froisse le cœur
on mourra pas moins bêtes mais sans doute plus remplis
de bonheur imbécile et de souvenirs filants
puis si on se paume pour de vrai sur les chemins de traverse
si y a des jours brumeux où je perds complètement le nord,
alors quoi ?
Ça sera juste beau de prendre le pouls du sud
peut-être même qu’on s’y plaira et qu’on en reviendra pas.

Patricia COTTRON-DAUBIGNE, « Comme ses yeux »

Encore
malgré les années lourdes
dans son corps
elle reprend les gestes
du travail de la terre

son pied comme il peut
pauvre pied de douleur tout déformé
son pied appuie enfonce la bêche
elle prépare le terrain
elle plante un jour les blettes un autre les salades
protège ses fraises
les oiseaux s’en donnent
à cœur joie dit-elle
dans le silence de la ville

puis elle s’assied dans le jardin
sur une vieille chaise branlante
et repose son corps voûté tellement

elle regarde
elle prend le temps de regarder
et pleure

c’est très tôt dans la journée
avant les chaleurs
elle pleure dans la beauté du jour qui nait
elle pleure
elle dit qu’elle ne sait pas pourquoi
tant de beauté qui dure
peut-être
qu’elle voit
encore
elle s’émerveille et pleure

ce n’est pas grand chose pourtant dit-elle
le ciel bleu si bleu
comme ses yeux
les treilles qui poussent leurs feuilles
depuis tant d’années chaque année
les anémones les renoncules
leurs couleurs fortes
elle en cueillera
et toute leur élégance fine
elle la donnera aux bouquets

depuis toujours la maison est fleurie
est une fleur d’elle

elle pleure dit-elle
du recommencement
du ciel trop bleu
des roses incroyables
de tant de beauté qu’elle voit

et c’est doux sur son visage.

Pierre DHAINAUT

Vitalité, confiance, croissance…
non n’a jamais ouvert le vent.

Nier, refuser, on ne doute pas,
non est noir, non est sec, non seul étouffe.

On dirait non à la fin d’un poème,
il n’aurait servi qu’à serrer le poing,
à refermer le cercle, cela n’est pas possible.

Unique, le sens du non, les mots
le débordent, emportés par l’essor.

Aucune affirmation, aucune certitude,
oui invente où il va.

Il oscille, il jubile, il passe,
épanouissant le passage entre les lèvres,
un souffle, un souffle nu,
un souffle sans mesure.

Oui aime tant l’éphémère
qu’il le renouvelle : au lieu des traces
il choisit les échos, les ondes,
et l’horizon par-delà l’horizon.

La flûte, un roseau, lui convient,
l’air s’y déchire, l’air nous soulève.

Oui ne doit pas se dire,
la poésie dit toujours plus que nous,
accord, offrande, exigence inconnue.

Pierre-Julien BRUNET, « Dire oui »

Et pas
un mot
de plus.

OUI

D’une
seule
voix…

OUI

En long,
en large
et en soi.

Pierre ROSIN

Non je ne veux pas qu’on me dise
ce que je dois être ou penser
une chose et son contraire
parler peindre écrire
qui et quoi aimer ou haïr
je ne veux pas revivre mon enfance même si elle fut heureuse
je pense à mon père
nous nous tenons par l’épaule
il me parle
au loin
le néant dévore jusqu’au son de sa voix
je ne veux pas recommencer mes années d’apprentissage
ces heures captives sans bouger
apprendre
et attendre que les jours passent
je ne veux plus de ces reproches sur mes erreurs et les mensonges d’autrefois
je garde en moi leur goût amer
mais vous    qui êtes vous    pour affirmer
qu’il aurait mieux valu
que je me taise
que je sois plus aimable plus conciliant
que je travaille plus
que j’aurais pu mieux faire
je ne veux pas qu’on me ressasse en permanence
les dangers qui nous guettent
à qui faire la guerre
qui rejeter à la mer
qu’on me laisse vivre ma vie comme je l’entends
et si parfois c’est difficile
ne vous inquiétez pas
je m’en débrouille
invitez moi plutôt
à partager un repas
une promenade en forêt
aller au cinéma ou au théâtre
conseillez-moi un livre
un mot d’amour d’amitié
oui ma porte restera ouverte
je serai des vôtres
je me battrai s’il le faut

*
le si au cœur du désir
n’est pas un conditionnel
c’est un oui sans retenue

Raphaël MONTICELLI

Sauras-tu lui répondre oui
Comme l’on répond au mystère
Qui éclaire et métamorphose

Jean-Claude Renard, Christs

… et nous voici
ombres noyées dans l’ombre
silhouettes errantes
que des eaux silencieuses confondent

Tu
cerné.e de lointains
Je
ombre
dans l’ombre portée de ton ombre

Nous voici
dans l’angle mort des voix

Hors de portée

Un mot suffit

Dire
je te sais présent.e
je t’ai entendu.e
je sais ton corps présent
ton corps agissant
projeté te projetant
et je sais
que tu étais là bien avant
ce moindre mot

Dire

et nous semons des lumières sous nos pas

l’ombre lentement se dissout

Nous
l’un de l’autre émergeant

Autres

Romain FUSTIER

        un ver luisant
        à dix heures et demie pétantes
        ce soir même

        sous notre poirier
        elle l’aura circonscrit aura découvert
        dans la menthe

        eu sans doute
        l’impression de saisir l’intensité
        de cet instant

        elle a voulu
        que je prenne part je participe
        à sa trouvaille

        à cette pause
        que ce coléoptère brillant a imposé
        dans la chronologie

        la fuite pressée
        de tout le réel sa noirceur
        qu’il éblouit

Sabine DEWULF, « Guérir, dit-elle »

Guérir, dit-elle,
par un relâchement.

Oui à l’élan de l’herbe dans les veines.

Chaque instant, un fauteuil.
Corps installé dans l’autre corps,
le monde sans rivage.

Monter sur le dos de la nuit,
l’écrire nous élève.

Une mandorle née du cœur
déverse sur le sol
un poison longuement retenu.

Mon socle est une fleur.

L’acquiescement grandit
comme le ciel abrite
la Terre en lui laissant ses ailes.

Sabine PÉGLION

        Vers quelle singulière
        Saison s’achemine -t-on

        Les arches d’aubépines
        déposées à fleur de terre
        ne reflètent du ciel
        qu’un entrelacs d’épines

        Tu sais    lorsque les ombres
        s’enracinent    la marche
        se fait plus incertaine

        le regard se détourne
        des moissons engrangées
        et le moindre bouquet
        appartient au passé

        Mais si la fin du jour
        s’installe    pourquoi
        ressasser    ces antiennes

        Accepte    sans détour
        que la couleur du soir
        enveloppe tes jours
        C’est en elle    que le chant
        des oiseaux se révèle
        Accepte    oui    accepte

        Jamais    tu n’as pu croire
        en tous ces manifestes
        criant à l’unisson
        d’insolites victoires

        Mais il est temps    peut-être
        Simplement    d’éclaircir
        l’ espace du présent

        Pour que le feu s’installe
        Pour qu’il crépite et danse
        Pour que fleurissent les flammes

        Ne te contente pas de bois mort
        Il faut planter encore

        Labourer sans cesse
        Oter racines ronces et pierres
        qui blessent la lumière

        Apprendre à engranger
        Ce qui fut partagé

        Arracher les regrets
        Laisser courir le fil
        de nos années

        Y suspendre ce rire
        Surgi du fond des larmes

        Et regarder ensemble
        Le soleil se lever

Sabine ZUBEREK

Oui, dit-elle.
Et de sa main gantée acquiesce.

1
Saurait-elle le dire ?

d’avoir consenti
la moitié du temps
l’autre moitié
dans la résistance
s’est rongée

s’étourdit pourtant
le désaccord
comme un disque ancien
et la voix haut perchée
le son morne fait tomber

l’écho nasille
dans la déflation de
toute certitude
le drame est las

car voilà que
depuis peu s’obstine
sur le quatrième temps
d’un dénouement qui se bande
hors d’elle bien plus haut
le mot bref

n’est-il pas
à être venu le premier ?
en son aube inouïe
au seuil des lèvres ouvertes
où l’air porte la rondeur

2
Du mot simple
elle goûte
le laps d’engagement
et la taie de raison se déchire

elle ne demande pas
encore la direction
elle mesure
l’équilibre dans la gorge
la triole insensée
qui attend
l’emboîtement du souffle
où la langue vaincue
se détendrait dans l’impair

ne sent-elle pas que
la vie des choses
la traverse maintenant
qu’elle est
sans arrière-pensée ?

l’âme battait
à contre-temps
la bouche opposait
des courants d’air
des raisons
de roncier d’hiver
le doute et la question
n’élevaient plus
dans le théâtre du néant

elle se tient là
à l’endroit d’où sera
la plus grande imagination
en avant ne veut plus rien dire
le mot semé a pris
comme la terre exauce
le caillou posé au sol

Serge BONNERY, « D’eau et d’ombre »

par quel chemin le poète cherche non
une langue mais
le souvenir d’une langue
matière non matière
ton pastel
vieux rose pâle

ce que cherche le poète n’est pas une image mais
le souvenir d’une image
un lieu d’eau
une ombre dans le gel du matin

souvenir
d’avant la langue
d’une nature autre que la nature
un lieu d’eau
et d’ombre

-o-

En 1474, passant sous un pont, Bartolomeo aperçoit l’ombre d’un visage. Pas un visage. Son image. Et depuis, ce qu’il cherche, c’est conserver le souvenir de l’ombre.

Rentrant chez lui, il avale plusieurs repas, l’un à la suite de l’autre. Frôle l’indigestion. Parce qu’il a déjà acquis une longue pratique de son art, il sait ce qui l’attend. Devant son chevalet, Bartolomeo sait qu’il peut tout perdre. Il sera à la peine. C’est pourquoi il a mangé copieusement.

Pour accomplir sa tâche, Bartolomeo ne peut consentir au repos. La fatigue viendra. Elle menace. Il la repousse. Quitter son atelier, il s’y refuse. Ce serait, dit-il, comme perdre ma langue. Dans le gel du matin, Bartolomeo cherche.

Peindre est son pays. Ailleurs il ne saurait vivre.

En 1474, Bartolomeo peint l’ombre d’un visage de femme qui le dévisage. Tous, plus tard, verront dans ce visage les traits d’une vierge. Lui peint un visage de femme. Son ombre dans le miroir de l’eau.

La planche de bois sur laquelle il travaille, Bartolomeo en a gommé toutes les aspérités. Du bout de ses doigts, il la caresse. Peindre l’ombre d’un visage exige une surface douce, aimante. Aussi douce et caressante que le souvenir d’une enfant.

Chaque fois qu’il peint, Bartolomeo retourne à l’enfance.

En 1474, il peint pour l’unique raison qu’il a peur de perdre le souvenir d’un visage. Peur de perdre sa langue.

-o-

Ce visage est un pays d’eau et d’ombre
matière non matière
avant la lettre
souvenir d’une langue dans le gel du matin

Serge NUNEZ TOLIN Núñez Tolin

Présence du oui
Voir la minute que l’on est dans l’immensité ouverte. Et prétendre à l’envol.

*
Du vif à l’inerte, entre le caillou, l’animal et la plante un geste qui vient de nulle part et ne se laisse dévier : la présence.

*
Nous attachons les mots aux choses. Ça forme un fruit et, dans sa pulpe, il contient le monde.
Nous ne cherchons pas à ouvrir ce fruit. Nous parcourons l’immensité de la patience vivante qui l’entoure.

*
Tout ici se déplace, se saisit d’un élan et s’en déprend pour aller au-dehors.
Dehors, l’habitation du monde !

L’habitation du monde

Stéphanie FERRAT

oui se balance
appel d’air, corps en avant
s’engouffre le monde
une réponse

quelle est la question ?

sourire tenant lieu de langue
d’affirmation
porte ouverte de l’oeil
main tendue

par les mots
signifier
leur incapacité
à être
au centre du message

dire oui
avec la peau, le visage
l’os entier maintenu en arrière
laissant passer - l’autre
masse étrangère
sa chaleur invisible

à qui répondre ?

la langue
se retourne, dévore

plus loin
tout est si simple
là où le oui est animal
couleur proposée au silence
corps de face
lumière saisie en un seul morceau.

Sylvie DURBEC

Ciel d’étincelle sauvage délivré de tristesse où promener un livre de Peter Handke avec soi prend tout son sens. Nous marchons sur la ligne tendre où le soleil émerge en compagnie de très petits nuages vaporeux. Quelque chose s’allège dont on ne sait encore ce que c’est. Envie de saisir cet instant entre deux doigts et de le frotter contre les joues. La maison a un seul portail et naturellement il grince pour prévenir de notre départ ceux qui restent à l’intérieur. Sinon ouverte sur les champs, de toutes ses forces, elle cherche à faire entrer le ciel chez nous. Et celui de ce matin est vaste et pourrait abriter une foule de gens. Derrière l’entrepôt, se cache la mer. Celle dont on espère le souffle et redoute la couleur. Ciel à venir pour toute une journée plus longue que celle de la veille.

Ciel clair, presque un baiser, une caresse.

Thierry RADIÈRE

Parce que sa femme vient de mourir
qu’il est seul maintenant avec son chien Paco
je suis sûr qu’il dit oui au fond de lui
aux multiples visites que je lui rends :
nous refaisons ensemble un monde
qui l’a rendu bossu et il se redresse un peu
dès que nous parlons sans chichi de tout
et de rien malgré ses quatre-vingt-trois ans
et sa pleine mémoire de souvenirs pudiques
je comprends qu’un jour moi aussi je serai
peut-être à sa place à attendre la venue
de mon voisin plus jeune qui pourrait être mon fils.
Je vois encore à la franchise de son regard
dès que je m’assois à sa table
les yeux de l’enfant espiègle qu’il fut
et rien que pour cela
je continuerai à venir le saluer longuement
tous les jours de la semaine
chez lui dans sa salle à manger près de la cheminée
jusqu’à ce que je sois à mon tour
très vieux et qu’ensemble nous reconstruisions
un univers où tout est possible
où chacun a enfin la place qu’il veut
loin des discours et des prétentions.

Valérie CANAT DE CHIZY, « les petits pas deviennent grands »

je chausse mes bottes
de sept lieues

franchis la muraille
invisible

qui me sépare
de mon propre pouvoir

j’ouvre les bras
à l’appel de la forêt

il gronde en moi
animal totem

me rappelle ma puissance
ma peau tatouée

les plumes d’aigle
fichées dans mes cheveux

le moment est venu
de déployer mes ailes

je survole
les chutes du Niagara

Vera PAVLOVA

Pourquoi le mot OUI est-il si court ?
Il devrait être
plus long que les autres,
plus difficile à prononcer,
de sorte qu’il faudrait du temps
pour y penser vraiment,
pour oser le dire,
au risque de se taire
en son beau milieu.

Почему слово ДА так коротко ?
Ему бы быть
длиннее всех,
труднее всех,
чтобы не сразу решиться произнести,
чтобы, одумавшись, замолчать
на полуслове.

Traduit du russe par Jean-Baptiste Para

Yves ELLIEN

Exactement
Dire oui à l’horloge parlante
Quand tout la pousse à dire non
N’ayant pas une minute à elle
Lui redire oui après le 4ème top
Pour la rassurer
Puis sans trop la brusquer
Lui avouer qu’au fond
Il est inutile de ressasser sans cesse
La rumination est l’écho du silence
Rien ne sert de vouloir prendre le temps de court
Ni repousser ses avances
Et qu’à bien y réfléchir
Personne ne se suicide
Pour une minute à gagner
Ou à perdre

Yves-Jacques BOUIN, « Lorsque je dis »

Lorsque je dis lumière
C’est le bord de la nuit

Lorsque je dis colère
C’est le rire d’un ami

Lorsque je dis soleil
Dans l’espace un ciel gris

Lorsque je dis silence
C’est le grand train des bruits

C’est un rocher qui danse
Un orage qui prie

Lorsque je dis amour
Tous les mots sont trop courts

Lorsque j’écris la vie
Je vois tous ces contraires

Pointer leur nez de star
Sur la scène de l’espoir

Quand je dis c’est la fin
Ce n’est jamais fini

C’est un poème qui vient

Manger l’or de mes nuits
Lorsque je dis lumière

Et que la terre entière
Se met à dire oui


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1 Message

  • « Dire oui », anthologie proposée par Florence Saint-Roch Le 18 janvier 2021 à 10:24, par Baude

    Bonjour,

    DIRE OUI. Ce que j’en ai lu m’apparaît excellent, de Marie-Claire Bancquart à Michèle Finck et à beaucoup d’autres. Merci de cette ampleur vers le OUI, le oui essentiel qui ne peut venir consentant et superbe, radieux qu’après beaucoup de non (s). Y a-t-il une suite ? Où la lire ? où la trouver ?

    Par ailleurs, je me permets de vous rappeler ma publication de 2017 du recueil OUI à La Rumeur libre entièrement consacré au refus et à l’acquiescement. J’aurais aimé participer à cette anthologie, cela me paraîtrait juste. Si vous vouliez un inédit, j’aurais volontiers écrit un poème de plus sur ce sujet.

    Bien fraternellement
    Jeanine

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