Extrait de Seulement la vie, tu sais, de Brigitte Giraud paru aux éditions Rafaël de Surtis
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Le corps tout entier gémit
dans la bouche.
Inondé d’un tremblement des lèvres,
du gémissement des lèvres.
Une image fixe dans le mouvement
du désir.
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Tu veux croire à des lignes,
à des raccords possibles,
une corde à linge tendue d’un corps à l’autre.
Tu ouvrirais des armoires,
te souviendrais de tout ce que tu n’as jamais vu,
C’est si simple d’ouvrir une porte !
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Vider ses mains comme on renverse un sac de clous
sur une table.
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Les peaux mortes des façades ravalent une salive
pleine de cailloux,
des pelures d’oignons noires.
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Nos corps sont défaits.
On ne sait pas la frontière
du flux du reflux.
On ne la voit pas.
On se tient dedans.
On se tient.
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Dans la chambre,
veux la justesse du sang, une lente infiltration
des mots
dans l’épiderme.
Des traces sur la peau.
Un tatouage indélébile de l’humanité
circonscrit à des hasards,
l’aiguillage d’un train et d’un tram ajusté à nos
visages,
des peupliers penchés de fils, des arcs mous,
des corps qui tètent.
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Un songe pendu doucement à la couleur
des pierres,
une carrière de câlineries,
de baisers,
des souffles,
ton souffle comme baisers,
ou des étreintes à ne pas penser…
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Je ne sais pas pourquoi
tu caresses mon visage.
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Purger tes mains, tu dis, les serrer à mort
jusqu’à l’os,
des bleus sous la peau bleue.
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Ici et là.
Ailleurs.
Dedans.
Dehors.
Des séparations indistinctes à l’intérieur de soi.
Penser.
Tu penses.
Tu te replies, déplies.
Te recroquevilles sur ton bloc de chair posé sur une banquette de velours.
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Dans le tram, les têtes se renversent
et sourient.
Frissons gigognes sous de grandes voiles
blanches.
Vent sec.
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L’amour à tout va !
A tout va !
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Un délire divisé dans une robe de voile grise.
Dessous, une poupée molle.
Une mousse dans du coton.
Les membres épuisent leur fatigue.
Les mains pendent au bout des bras.
Réclament plus grand.
Veulent. Veulent encore.
« Des grands bras ! je te dis,
et le sang dessous ! »
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Et je…
Chasse de la main le défilé des trams.
Des hommes et des femmes assis sur leur cou.
Vitres panoramiques. L’avenir incertain à
disposition de l’œil.
Casquettes à l’endroit, à l’envers, bonnets de
laine, turbans à franges et capuches.
Des cheveux dessous.
Des paysages humains aux rebords des quais,
place des Quinconces aux trois Grâces,
une fontaine au milieu et cette eau aussi
indélébile qu’une encre.
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Il pleut des canaux, des bocages.
Ca verse à torrents.
Essore des chiffons sales.
Le ciel n’a pas d’alibi.
Pleut. Re-pleut.
Pleut.
Pleut.
Pleut la pluie qui pleut.
Corps alourdit des bras.
Pleut.
Les grands bras
Et la pluie pleut.
La terre déployée
Et tes bras,
Grands,
Pluie,
Pleut.
Dans nous, pleut.
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« Pour toi, tant pis, le sang des veines, tu coules »
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Clic, clac. Ouverture et fermeture des portes,
obturateur et diaphragme. Essoufflement du cœur.
Clic ! clac !
Les visages se mélangent dans la morsure de face
et de profil.
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Je tourne en rond, je me casse en deux,
Je me fractionne en toi mille morceaux à terre.
Que tombe en toi, une branche
et le rire du sable !
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Une nuit, j’emporterai nos nuits.
Faudra prendre le tram.
Se déplacer.
Attendre un train.
Grimper sur le carrousel.
Réparer le cheval. Remplacer le crin de la tête.
Galoper dans des flaques de lumière.
Voir la mer.
Le bout du voyage aussi sûr que la mort.
Une existence inventée,
Avec mes bras et mes mains nus,
des champs de fraise,
des semences pour toujours,
du vent
et des baisers à corps donnés/perdus/pardonnés/confondus,
mon amour !
« Une nuit, j’emporterai nos nuits… »
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J’entends claquer une porte
Sur une autre porte.
Dans une glissière.
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Puis vient ce silence laqué par-dessus un peuplier,
des regards incognito plein l’écorce qui coule,
des bouches collées sur d’autres bouches,
ouvertes, des langues dedans,
des raccords possibles,
nos baisers qui écorchent le vide.
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- Regarde-moi ! Rien,
rien, je te dis, ne divise cette fureur
déplacée entre les épaules,
entre les dents,
entre les cuisses.
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Et je …
dis qu’il suffirait d’une écluse pour retenir le mouvement du monde,
ne pas mourir.
Et marcher.
Marcher.
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