Terre à ciel
Poésie d’aujourd’hui

Accueil > L’arbre à parole > Amandine Monin, Lauréate du premier prix Bernard Vargaftig

Amandine Monin, Lauréate du premier prix Bernard Vargaftig

dimanche 8 avril 2018, par Cécile Guivarch

Lauréate du premier prix Bernard Vargaftig, le manuscrit d’Amandine Monin sera publié aux éditions Jacques Brémond en 2018. Le jury s’est déclaré enthousiaste. Le prix lui a été décerné par un jury de neuf personnes composé de poètes, libraire, éditrice, lectrice. Il lui a été remis à la Médiathèque de Bagnols sur Cèze le 9 décembre 2017. Ce prix récompense le manuscrit inédit d’un poète jamais publié. Une association a été créé pour remédier à la disparition du prix Voronca. La présidente est Claire Poulain-Cuenot, poète, plasticienne et éditrice (éditions Collodion).

J’écris depuis longtemps. J’ai fait du slam beaucoup mais ça ne m’intéresse plus depuis un certain temps, j’ai fait de la poésie action à Toulouse jusqu’à une certaine limite, j’ai publié dans quelques revues, je suis assez lente même si je travaille beaucoup, à chaque nouveau projet d’écriture j’ai l’impression que ce qui sera gardé est derrière ce que j’écris et que pour l’atteindre je vais devoir beaucoup pleurer… en tout cas creuser. Ce que je fais avec joie néanmoins.

Pour le texte lauréat du concours Bernard Vargaftig (dont le titre n’est pas encore validé), c’est un travail effectué sur deux années. Il est inspiré de la géopoésie. Tente de trouver un chemin entre l’expérience de la marche, du lieu, des autres ou de la solitude et les connaissances extérieures, géographiques, historiques ou linguistiques. Et j’essaie aussi de chahuter quelque chose du regard pour déplacer la tendance contemplative. J’écris à voix haute souvent. Des fois c’est comme un torrent des fois c’est des flocons qui rebondissent.

(…)Amandine Monin

Le feuillage commence.
Quelque chose dans le bruit
me ramène
        une nuit, près du poêle
        au bout de la table
        c’est le tilleul
        c’est la camomille, qu’importe
        c’est sa main
        sa douce main parente qui me tend le bol
J’avance sur le sentier de terre
je refais son mouvement
j’ai peur d’être triste
        Dans la cuisine là bas
        derrière les volets
        la lune
        remplit de bleu
        son jardin et ses gestes
lentement dans les feuilles
Je ne peux pas les retenir
j’avance
devant moi la garrigue est à quatre pattes
et s’ouvre.

Tout à l’heure, quand je me serai bien perdue, que ma tente sera plantée
mal plantée, que j’aurai
toute la nuit sur moi, dessus dessous
je ne dormirai pas
comme si les muscles étaient devenus trop durs pour dormir dessus
les moustiques trop durs, les étoiles, le sommeil, les gens
comme si j’étais trop dure
j’aurai jamais dû partir dans une région avec autant de cailloux
j’aurai jamais dû partir avec autant de cailloux
j’aurai jamais

Près des eaux massives de l’Hérault, je ramasse le galet très chaud que tu avais mis sur mon ventre avant de prendre le bateau, un brin d’herbe incliné au bout d’une perle et cette voix aussi qui salue à l’intérieur des mots pour ne pas faire de bruit.
Je les pose les uns sur les autres, maintenant, à la pointe du sel au cas où tu me cherches.

Des souvenirs oubliés
se mêlent aux fenêtres d’un restaurant
dont l’armature pilotis au milieu des sapins sombres
me fait penser au canada.

Les lueurs étouffées à la pointe des champs
ne circulent pas le long des vitres
Elles battent
sans couleur avec le mouvement
comme sur le dos du bousier d’Ankara
près de ta chaussure
Comme sur les feuilles d’Asturie
que la pluie avait changées en amulettes
dans la clairière.

Il y a des lueurs
dans les souvenirs
des souvenirs de lueurs
à la surface
De l’autre côté cela ne se voit pas
ce n’est qu’un pointillé de plus dans la nuque
sur le chemin aux milles empreintes
Je ne m’arrête pas j’avance
Dans la prairie je rencontre un homme seul
et une punaise rayée en haut d’une tige
L’un tient, en laisse, un chien gros comme un veau
l’autre l’équilibre.

Saint Guilhem le désert

Médiéval
L’esprit des lieux
L’imagination fait courir des odeurs de poissons, les charriots filent
à la verticale
Une femme sur broche
cuit, un sanglier couche à l’étage
On demande un maréchal ferrant un empailleur un luthier

En été ici parait qu’il y a un sens de circulation pour les touristes

J’ai peur des humains, qu’on se le dise, j’active ma fonction innocence, je souris, c’est bien petite, ouvre la bouche
qu’on y fourre
Un maréchal ferrant un empailleur, un luthier !

Ai atteint le gîte
Dormi comme un objet
Au fond d’un puits

Rêvé d’une mère peinte en rouge
Et d’enfants à sa suite

Ils disaient : « Ton corps ton corps
n’a qu’une peau
Tes seins tes mains sont des fruits »

La peinture tache moins que les mots
Elle va quitter le ranch

Les enfants sont nus
Les chevaux sont nus

J’ai pensé à toi tout l’après midi
Je suis épuisée
Couchée dans la prairie, j’attends que les insectes et les pensées finissent de me bouffer.


Bookmark and Share


Réagir | Commenter

spip 3 inside | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0 Terre à ciel 2005-2013 | Textes & photos © Tous droits réservés