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Chevalier / Montre-moi tes seins ! Bruno Normand (Juin 2022)

lundi 2 mai 2022, par Cécile Guivarch

J’ai vu Sisyphe heureux. Katerina Apostolopoulou. Éditions Bruno Doucey. 2020

Une nuit courte, réveillé très tôt, levé tôt déjà ai médité là c’est café, fenêtre grande ouverte sur les marauwwwe d’un mâle et ckraAauuum woouhiiihawauwiiilll d’une femelle opérée, / Comme il fait bon être en vie certains matins, là 07h24 c‘est encore la nuit, nous sommes en février, c’est un lundi / ce qui m’attend… une liste de choses à[…] déclarations de sinistre, compte de l’un, de l’autre, recommandé / passer dans cave prendre meuble, laver fourgon etc. / et à commencer par cet impayé, devoir me mettre en paperasse je le sais… voilà, c’est ainsi mais ce jour m’offre signe, le monde a une couleur de mandarine : la couverture de

J’ai vu Sisyphe heureux de Katerina Apostolopoulou, ai lu la première nouvelle et j’adore / c’est une leçon de vie, simplement formulée / […] après l’aube / L’heure de sa mort n’a pu être précisée / Noyé par les dettes / Noyé par les remords / Les enfants ne suffisaient pas / Sa femme ne suffisait plus / Trop grandes les dettes / Trop grands les remords / [...]
le premier poème (le livre en contient trois) scande les jours, les mois d’une famille, une mère et ses enfants ne baissant pas les bras, ne baissant pas les rames après qu’un père ne soit plus là physiquement pour leur servir de repère. Tout d’abord La famille décapitée / A tressailli / A trébuché / […] Quarante jours / Et quarante nuits / Sur la table de la cuisine / Dans un verre transparent / Un peu / Un peu d’huile / Et une mèche allumée // Pour que ton âme vienne boire / […] puis la mère a pris la mer, avec les enfants (le mari était pêcheur) [….] Amour et rage dans les yeux / Les lèvres bien serrées […] Elle se répétait / Comme si lui[...]Pouvait encore l’entendre « Tu n’étais pas un fardeau ! J’aimais notre poids à quatre » / […] Les gens les regardaient / Avec admiration / Et pitié

Puis La Mer a pris la Mère avec ses enfants, sous sa coupe la barque Jour après jour / Ils retournaient à la mer / […] Et ils pêchaient / Ils pêchaient[…] Et la mer était généreuse / Et les mois passaient […] et jaillissant des flots et jaillissant du Temps d’un Sous le ciel : les Présents furent nombreux / en forme de poissons, l’eau au contact de l’air / les enrichirent /

Personne dans la ville ne les regardait plus / Comme on regarde les veuves et les orphelins

je vous livrerai peu de ce qui couve encore dans ce petit livre, / juste vous dire qu’il borde et longe les déesses et les dieux qu’elles et ils en ces lieux sont des prénoms d’hommes et de femmes et que / leurs sons sur des bouches sont des bouches sur leurs sons / qu’il en est ainsi dans ces lieux le ciel et le Ciel tout s’entend et s’éprend le / avec les corps et sans les corps la Lumière est en eux / est chair et Souffle / tout comme elle l’est dans les sols,

in Comme une grande journée d’été, in Le centaure de notre enfance c’est cette grécité qu’elle tient à nous restituer Katerina Apostolopoulou et elle y parvient c’est un parfum (de) d’(l)’Être, c’est un parfum de Ciel qu’on retient / la Lumière là est autant corps qu’efforts d’être, / c’est du / AIDE-TOI alors peut-être du silence et des mots viendront, une musique, celle d’une Blancheur, d’une simplicité / par l’écriture Cela :

Ils partageaient trois choses qui unissent les gens depuis des siècles / Ils étaient pauvres / Ils étaient fiers / ils aimaient le travail // ils l’ont trouvé le bonheur où ils ont pu / Et ils l’ont pris /
/ des mots viendront plus tard le raconter / des corps et un pays pour Corps / des corps, comme celui (ceux) d’un Fotis et de sa belle Ils s’aimaient comme des fous / Elle [...]morte subitement Fotis […] / A disparu / […] Il s’est transformé en vague /
des mots viendront plus tard le raconter cet homme / Où est ta maison Fotis ? / / / Ici / Et là-bas / Je tourne avec la terre et les étoiles / Je dors dans vos sourires
/ […] puis à un moment le Monde est devenu fou et alors L’esprit de Fotis a pris feu
/ Il est devenu fou […] Il traversait la ville / Criant oracles et prophéties[…]
et / Un soir d’avril
je vous laisse lectrices, lecteurs en suspens avec ces sons, prendre pouls de ce soir d’ avril...
C’est / dans l’exil que Katerina Apostolopoulou trempe son regard et ses lèvres / retrouve l’atmosphère de sa terre natale un livre écrit avec son âme : Au cas où / Il serait vrai / Que les âmes se retrouvent un livre écrit avec son sol : dans sa langue elle voit / dans notre langue elle nous dit ce qu’elle voit / dans sa chair elle unit ce qui lui est cher / Un bel héritage,
le sien. Dans un interview franceinfo culture elle le traduit de cette façon : Le bonheur est caché à l’intérieur de cet effort permanent de vivre. / Katerina Apostolopoulou le mérite, son livre a reçu le prix Pépite fiction ados du Salon du livre et de la presse jeunesse - France Télévisions. Une parution Doucey dans sa collection « Jeunes plumes », c’est un premier livre, Murielle Szac nous présente l’auteure : « née à Volos en Grèce, en 1981 [...] études à Athènes puis à Paris où elle vit encore » et par ses textes « sur les pentes du mont Pélion » qui l’habitent, qu’elle habite « l’air y est pur et la lumière intense… » / Des mots sont venus / « il faut imaginer Sisyphe heureux » Camus lui aura soufflé ce titre, Katerina Apostolopoulou a su l’entendre et nous le transmettre à son tour / pour ma part la lecture terminée, j’ai regardé le ciel blanc / que des anges côte à côte, ai commencé la journée ainsi

19 février / 12h57 là j’écoute Mozart, concerto n23 c’est beau / j’entends des fleurs qui ne sont pas,
je vois des fleurs qui ne sont pas        suis ému / sous ses doigts à elle Hélène Grimaud c’est sang d’elle,
c’est avec ce qui ne sera plus d’elle qu’elle        à ce moment        joue nue elle / de ce nu là pareil à
ces fleurs qui n’en sont pas /        ô chair(s) ainsi vous me troublez / savante(s)s chair(s) vous m’offrez
d’avancer nu et j’avance nu

ce 22 février 12h37 franceinfo / un bandeau Europe : quelles sanctions pour la Russie / d’autres [...] / Ukraine, un pas de plus vers la guerre ? / LCI un bandeau DONBASS : DEUX TERRITOIR[…] / 12h47 QUI A LE PLUS A PERDRE DANS UNE GUERRE DU GAZ ? / […] TF1 13h03 […] QUE PEUT FAIRE L’OCCIDENT ? […] 15h47CNEWS / DERNIÈRE MINUTE : RUSSIE-UKRAINE : L’ESCALADE ? / / alors qu’il est tendance d’applaudir une disparition des frontières, une libre circulation offerte à chacun, là au-delà des utopies sympathiques, là au sein de l’Europe quelque chose se crispe, et des tensions donnent à ce moment je crois la vraie température du Monde et de ses habitants quand il s’agit de territoire(s), quand il s’agit de regagner du terrain, du pouvoir. Alors défenses d’un, de sol(s) / ou plus forts que n’importe quel accord amenant n’importe quel tracé (et bien qu’ont ait voulu les séparer) / sursauts de sensibilités qui à nouveau s’aimantent, se retrouvent. / Des frontières... admettons… et Régis Debray nous en a fait assez récemment l’Éloge, encore faut-il qu’elles reflètent et respectent au plus près la nature et les volontés des gens, des peuples qui la dessinent… Du respirable donc … Des frontières comme des écluses, des sas permettant à des pays, des nations de se côtoyer sans heurts, au mieux de s’écouter et d’accepter au-delà de leurs différences, à la fois cent et une seule manière d’être vivant, d’être Terrien, d’être en Souffle…Nous n’en sommes pas tout à fait là… / Alors que se préoccuper de la Terre devrait être une priorité / les nationalismes semblent pour beaucoup les réponse(s) à des peurs légitimes parfois et trop souvent.à d’autres infondées[…] Là échange téléphonique avec l’ami Dany [...]je ne sais pas, de quelle manière en sommes-nous arrivés là, maintenant lui fais part de ma notion de frontières souples et lui féru d’histoire m’apprend que déjà cela a existé : « des zones ainsi, cela s’appelait Les Marches (1) et qu‘elles étaient situées aux confins du duché de Bretagne et du comté de Poitou[…] même un peu l’Anjou » il ajoute « tu vois, du Marais Breton, Légé… jusqu’à Aigrefeuille-sur-Maine /[...]on disait Les Marches Avantagères, une sorte de zone franche accordant quelques avantages dans un rapprochement entre deux Pays » / l’ami maîtrise son sujet, cela me parle beaucoup, je dis : tu vois comme le passé est plein de ressources, cela aurait pu être une voie à envisager entre L’Ukraine et la Russi[…]un statut à adopter ...

26 février […] / là 04H37 et près de deux heures à gamberger[...] ne retrouve pas sommeil / est-ce cette actualité terrible, sont-ce ces images qui nous arrivent / je mesure là ce que c’est être et vivre en paix, en espace / là, je relis le message d‘une amie qui me confie manquer de Temps, de Mots à partager, elle dit cela        et cela me touche /        cela bombarde quelque part et cela me touche
/
27 février/ sommes un dimanche matin / j‘ouvre volets et c’est romarin et ce sont moineaux entre ses branches, en ses brins et c’est envolée de moineaux et ce sont cris d’oiseaux marins / là, signal d’un nouveau sms « La vitre de la porte milieu du hall a été cassé suite à un courant d’air il y a de cela plus d’une semaine et elle n’est toujours pas changée…Pouvez-vous me dire quand sera-t’elle chang[...] » / 8h36 / CNEWS DERNIÈRE MINUTE /L’ARMÉE RUSSE PROGRESSE EN UKRAINE / 8h39 / [...]L’EXODE MASSIF SE POURSUIT / OUMAM BFM AU CŒUR D’ UNE VILLE BOMBARDÉE […] / 8h48 LCI / DES SANCTIONS INÉDITES CONTRE LA RUSSIE […] oligarques [...] confiscations de leurs maisons, yachts… « recensements de leurs biens et les mettre sous scellés[...] » / 15h41 en bas d’écran sur ce bandeau : V. POUTINE MET EN ALERTE SES « FORCES DE DISSUASION » et tatati allez cela suffit me dis-je / silence sur la ville, pas une seule voiture ah ai parlé trop vite si ! une suivi d’une seconde / à nouveau cris d’oiseaux marins, il y a une belle Lumière c’est juste ça / vivre en paix. / [...]

/ Il y a quelques jours ai interrompu ces comptes-rendus de lecture / me suis demandé si[…] la Littérature, les écrivains / les petites recensions, les notes sur des livres qui viennent de sortir, est-ce bien le moment, est-ce bien utile... dans tout ce bourbier, se pencher sur des petites vies… est-ce bien le moment, est-ce bien utile... cela peut interroger / et bien si je crois… c’est une nécessité de peser de toutes ces voix / voies, je reste persuadé que nos lectures portent en elles une sorte de force qu’il ne faut pas sous-estimer / elles assemblent des attentions, elles unissent des solitudes / Des poètes trouvent de l’infini dans des quotidiens / trouvent de l’Autre en eux-mêmes / du Même en l’autre. / Certes ces avancées ne transforment pas toutes les existences, toutes les chairs / mais s’il faut encore des frontières, si le monde en a besoin / alors l’envie de vous en souffler quelques unes en quelques vies habitées / de vous faire entendre sons de quelques contours sensibles, de corps solidaires, leurs espaces. / Soit, ils logent des nationalités différentes pour autant ils n’en sont pas les murs, ils en sont les portes. Ces auteur(e)s sont des pays à eux tous seuls souvent, elles, ils en sont l’Âme et s’ils portent des singularités ce n’est que pour mieux la représenter la mosaïque des présences, en une seule Conscience[….] Apportent-ils des réponses au questionnement de leurs vies… parfois oui il me semble bien. D’aucuns même, de leur vivant découvrant, s’accrochant à la crinière d’un Tigre invisible en eux, l’épousent le Geste d’Être et d’Aller / Cela, Mouvement, Ciel et Énergie, y consentent, trouvent Corps et tranquillité. Hélas ce n’est pas toujours le cas, il arrive qu’un balancier manque à l’appel, qu‘il y ait alors perte d’équilibre, cela arrive : Gary, Celan, Cioran, d’autres… beaucoup comme Anne Sexton dont je découvre l‘ouvrage

Tu vis ou tu meurs, Œuvres poétiques (1960-1969). Anne Sexton Préface de Patricia Godi. Éditions des femmes Antoinette Fouque. 2021

Grâce la traduction de Sabine Huynh* qui a œuvré afin que les écrits de cette poète reconnue outre-Atlantique soient désormais accessibles à un public francophone. Une parution aux Éditions des femmes Antoinette Fouque / une maison avec de belles fondations car déjà en 1978 elle fit paraître le célèbre Ariel de Sylvia Plath. / La belle et longue préface de Patricia Godi nous renseigne bien sur ce que furent les motivations qui amenèrent après plusieurs tentatives de suicide, cette américaine d’un bon milieu, à tenter de trouver de l’apaisement par l’écrit en tenant une sorte de journal de bord…

Outre être « […] l’une des icônes de la poésie féminine contemporaine aux États-Unis » j‘apprends qu’elle fût aussi une figure majeure d’un courant d’écriture dans cette seconde moitié du XXe siècle, la poésie dite : « confessionnelle » en ce qu’elle « pousse le lecteur à s’intéresser à ce que les humains ont le plus en partage : la difficulté de vivre[…] la perte, le deuil, ou la mélancolie, la pathologie. » Patricia Godi souligne encore une Anne Sexton qui se présente elle-même comme une primitive, / une capacité et volonté de « s’inscrire, par l’écriture dans la résistance au malheur et l’art de survivre, de célébrer les forces vives de l’être et des liens avec les êtres, tout en oscillant entre le particulier et l’universel » et que « Lorsqu’elle atteint l’âge de vingt-sept ans, elle est mère de deux petites filles ». A ce sujet / les lecteurs de Terre à ciel pourront trouver sur ce site le bel article (trad. S.H ) de l’une de ses filles, Linda Gray Sexton écrivaine et également l’exécutrice de l’œuvre de sa génitrice. / Elle dit de sa mère : / « Lorsque j’ai eu treize ans, elle a remporté le Prix Pulitzer [...] et ses poèmes candides parlant d’amour et de perte, de maladie mentale, de suicide et de ses vérités intimes sont tombés entre les mains de milliers de personnes qui s’y sont identifiées. »

Et c‘est précisément à cette époque où l’Amérique se remet de quelques années de maccarthysme et qu’en Californie, une manière plus respirable d’être au monde s’invente / la beat generation / qu‘elle entre en dépression, elle étouffe et elle l’écrit :

jusqu’à l’âge de vingt huit ans, mon être profond comme enseveli et je ne savais pas que je pouvais faire autre chose que la sauce blanche et mettre des couches. L’ Américaine-modèle, elle a donné et elle souhaite en elle sentir d’autres vibrations « l’asile sera, dans sa dimension de refuge, le moyen de retour sur soi et de la reconstruction[…] » (P.D) /

Ses digues sont heurtées et léchées sous les assauts d’une énergie en elle qui ne demande qu’à élargir ses rives, ses contours) / Éros et Thanatos ne lui laissent aucun répit, n’attendent d’elle qu’un cri et il sera récit de sa vie, poème après poème, un état des lieux de sa psyché, d’un paysage mental : / in
SA PAREILLE
Je suis sortie, sorcière possédée, / hantant l’air noir, plus hardie la nuit ; / rêvant de faire le mal au dessus des banals / pavillons de banlieue, de lumière en lumière ; l créature solitaire [...]Ce genre de femme n’est pas tout a fait femme / /
J’ai trouvé des grottes chaudes dans les bois, / les ai garnies de poêles, de sculptures, d’étagères / d’armoires, de soies ,de biens innombrables : / j‘ai préparé le bouillon des asticots, des lutins ; / me lamentant, j’ai remis de l’ordre dans le fouillis, / Ce genre de femme est incompris, / J‘ai été sa pareille / J‘ai roulé dans ton diable […] / salué de mes bras nus les villages traversés /[…] survivante / là où tes flammes mordent encore ma cuisse / et mes côtes craquent sous la force de tes roues. / Ce genre de femme n’a pas peur de mourir. / J’ai été sa pareille.

Aucun doute en lisant ces lignes, qu’à cette période la rigidité qui dresse les codes, les mœurs autour d’elle, la rend folle… elle, éprise d’être, d’être vraie, d’une vie totale… d’une Vie qu’elle ressent tronquée de l’essentiel / de sens, d’un Sens / de sensualité peut-être. / Pulsions de mort ou soif de vivre… dans tous les cas c’est battement(s) / rythme, musique des mots, de l’écriture cela advient, cela devient / cela, se dresse tel une kundalini retrouvée en son corps        une nature en elle la renouant avec La Nature en elle Une santé retrouvée s’indignant là au quotidien de la cruauté de présences insensibles,
aussi elle y réagit et un jour, change le sort de chiots promus à la noyade, elle les sauve / les sauvant, elle se sauve…

Alors je dis Tu vis / et je tourne trois fois mon ombre / pour nourrir nos chiots quand ils arrivent / les huit dalmatiens que nous n’avons pas noyés, / malgré l’avertissement : Avortez ! Anéantissez ! / Malgré les seaux d’eau qui attendaient […] / / car en dépit de la cruauté / et des wagons bondés en direction des fours / je ne suis pas celle que je croyais. Pas une Eichmann. / Le Poison n’a pas agi. / […] / Je dis Tu vis, à cause du soleil, / du rêve, du cadeau excitant.

Elle l’écrit l’Acte de sauver, se faisant / elle s’échappe,

elle échappe à « la folie contagieuse du monde » le croit-elle… pas sur que ces actes minimes aient un poids / pèsent lourd sur des siècles et des siècles de crimes et sur les charniers et les cheminées a peine refroidies de l’holocauste récent. / C’est une fêlure qui l’habite. Par l’écriture elle va l’élever, durant sa vie, n’a eu de cesse de l’élever à la hauteur de sa bouche, là encore muette / de sa bouche pour le souffler le silence de sa douleur. / Je mesure en la lisant combien (c’est toujours un bénéfice de le répéter) la littérature, la poésie nous renseigne sur l’invisible, l’invisible de, en l’autre… cette force non
négligeable qui nous mène parfois à l’incompréhension d’une situation et à y être mêlé…
/ il est 17H47 ce jeudi 03 mars 2022, cette note je l’écris lentement comme freiné par ce qui se passe en Ukraine[...]
l’inconscient d’Anne Sexton je crois là m’est trame pour lui rendre hommage au plus près de ce qu’elle a été, vraie et
surtout souhaité devenir, Être-là … cela demeure par elle, son projet

et aussi longtemps qu’il sera nécessaire, cela sera transmis, se transmettra son utopie / si vivre en vérité, en paix avec soi et Le Monde / en solidarité avec ce qui souffre, en est une. C’est une écriture blanche, dépouillée celle d’Anne Sexton, elle est une chaleur / […] / il est maintenant 18h32 et je reçois signe d’elle à ce moment alors que j’ouvre son livre page 135 sur ce poème qui s’amorce avec cette ligne en majuscule : LA VÉRITÉ QUE CONNAISSENT LES MORTS / en hommage à ses parents décédés à quelques mois d’intervalles
Partis, je dis et je quitte l’église / rejetant le cortège rigide se dirigeant vers le caveau, / laissant seuls les morts […] / Être brave m’épuise.

Nous nous rendons au Cap en voiture. Je m’émule / là où le soleil goutte du ciel, où la mer sort de ses gonds / [...]nous nous touchons. / Dans un autre pays, dans la mort des gens basculent. Mon chéri, le vent s’abat sur nous [...]jaillissant de l’eau blanche et quand nous nous touchons, / personne n’est seul[…] /

là, en tenue de pas grand-chose, comme lorsqu’il y a perte, Anne Sexton me fait signe, / me brandit à la fin de son poème : des hommes sont prêts à tuer / et là c’est le cas

Dans un autre pays, des hommes brandissent des armes, du / ce qui n’est point Vie / On l’a vu cela avec ses chiots, elle le sait Anne Sexton la mince frontière qu’il y a entre / encourager la vie et donner la mort / c’est dans la femme, dans l’homme, cela se côtoie.

Dans Tous mes chers petits / des phrases touchantes, magnifiques célébrant feu son père : Maintenant je vous referme, mon ivrogne mon marin, / mon premier protecteur perdu,a aimer ou a regarder / demain / […] je suis plus vieille que vous , que vous soyez ou pas / mon cher petit, / j’incline mon visage étrange vers le votre et je vous / amnistie

Probablement là elle lui dit / je, un JE vous parle, je vous écris Père je m’apaise ainsi / à vous relier avec la vie, avec ma vie, ma mère je vous écris Père ce qu’ont été mes jours, mes nuits / in CES TEMPS-LA… ces lignes : […] Je parlerai des petites cruautés de l’enfance, / étant la troisième enfant, la dernière apportée / […] de la vie diurne, enfermée dans ma chambre - / étant la non-voulue, l’erreur / dont Mère s’est servie pour empêcher Père / de mener à bien le divorce . / Le divorce ! /

là c’est du Temps de l’année de ses six ans qu’elle nous transmet / dans d’autres pages c’est du Temps en elle, par elle
qu’elle nous conte ce sont Odes, ces manquements et empêchements, ils témoignent d’une époque / de l’air du, d’un Temps
elle parle, à la lisière d’un Tu vis ou tu meurs elle rend visite à ses pairs, à ses, des sœurs / là à Sylvia Plath, / in
LA MORT DE SYLVIA (daté du 17 février1963)

Ô Sylvia, Sylvia, /[…] où es-tu partie / après m’avoir écrit / du Devonshire / sur la culture des patates /et l’élevage des
abeilles ? / / […] Voleuse ! - / comment as-tu pu ramper, / y ramper seule / jusqu’à la mort que je désirais tant depuis des
lustres, / la mort que nous avions dit avoir surmonté toutes les deux, / celle que nous portions sur nos seins maigres /
celle dont nous parlions si souvent après / avoir bu trois vermouths de trop à Boston […] la mort à laquelle
nous trinquions[…] Ô ma chose blonde
/ cela veut dire :
la vie à laquelle nous trinquions / un trop plein de Vie dans deux petits corps maigres, oh chère Anne Sexton est-ce /
pour la rejoindre votre petite chose blonde,
qu’un jour d’automne, dans votre garage vous vous êtes échappée dans les gaz d’échappement de votre Ford Cougar rouge /
ou pour cette critique assassine concernant votre écriture et qu’on a retrouvée sur vous ce triste jour.

Voyez / c’est plein d’amour / de sororité et plus encore dans ces lignes, c’est une quête qui ne dit pas son nom, c’est de l’Absolu en panne, en chemin c’est de l’Absolu quand même. Aimer parce que… personne ne vous aime à la hauteur que vous le souhaiteriez / alors l’ (les) Aimer elle(s), Sylvia Plath ou Anne Sexton / les aimer c’est ne pas faire mentir leur mort, leur vie / les aimer, c’est les prendre comme elles sont
/ dans ces poèmes rassemblés, il y a la couleur d’une époque, d’un quotidien vécu et interrogé.

Là je vous prononce, j’y entends SEX TON(ne) et cela m’éclaire, même vous m’apparaissez / Surprenante vous l’êtes / dans
MONSIEUR MIEN, dans CHANT POUR UNE DAME,        CHANT DU GENOU, dans DIX HUIT JOURS SANS TOI
vos strophes érotiques :
[...]Regarde-moi me cambrer. / Je suis excitée. / […] Embrasse l’ensemble, Mr Lien ! / […] / Chéri, apporte avec une heure d’ondulations, car / c’est la musique pour laquelle, je suis née.

Elle est une amoureuse, Anne Sexton / je la reçois la saine sensualité qui teinte LE TOUCHER, LE BAISER, LE SEIN et beaucoup d’autres titres... Tendre et claire vous l’êtes. La disparition ne vous a rien enlevé / elle vous a juste un peu élevée, vous y teniez, n’est-ce pas, à ce vous plus vaste, / C’est une large tranche de vie, ce livre et en restituer l’étendue de ses thèmes demanderait encore bien des commentaires tant il couvre tous les aspects de la féminité et du vivant :
de la procréation à la sexualité / de la création (et par elle une libération possible) à une vision du monde propre à la fêlure
qui la caractérise, Anne Sexton.

Ligne après ligne, c’est quelqu’un qui apprend à (s’) aimer car on ne lui a pas appris. Je ne sais pas grand-chose, sauf cela / parfois je crois reconnaître ce qu’est un chant et d’où il nous vient, / celui-ci accorde aux mots et aux lecteurs une confiance totale, il porte sur la femme et pas seulement, sur notre condition, un regard éclairé et tendre.
* Un grand Merci à elle
/

ce 05 mars, 08h14, / hier il a fait une superbe Lumière aussi je suis allé pêcher dans la baie, ce jour déjà elle est là / la Lumière, fidèle… / dans la pièce à côté comme dans la chanson d’ Eischer « les nouvelles sont mauvaises d’où qu’elles viennent » j’entends[...] centrale nucléaire, il faut savoir que… littéralement… vous êtes un représentant de l’Otan / […] faudrait-il que les Russes acceptent etc.. / les mêmes phrases bourdonnent autour de la ruche « société du spectacle » / 08h26 / [...]le silence maintenant / la fenêtre grande ouverte, / la gare a beau être à deux kilomètres environ à vol d’oiseaux… certains jours cela s’entend / l’avertisseur deux tons d’une locomotive, suivi du son métal contre métal des roues des wagons sur les rails, cela dure… longtemps cela dure / au sol le livre Tu vis ou tu meurs et c’est à vous je crois que je parle, en regardant votre photo chère Anne Sexton / […] je vous trouve belle Anne Sexton, je vous parle au présent car vous êtes présente à ce moment où j’écris ces lignes, étrangement / me sens un peu comme vous (elle) aujourd’hui, et ne sais dans quel sens aller tant l’immobilité me sied et le mouvement me va / je souris en vous énonçant cette grâce et pourtant ces ondes mauvaises qui nous accompagnent ces jours pourraient bien arriver à nous faire douter d’une Beauté qui existe malgré tout cela. […] / à nous de le rappeler cela / dans Le Trésor du Zen, il est dit / Tout est une Perle Brillante le Cela Étincelant, l’insolent éclat de Cela / l’ ignorance est une Perle Brillante… ce n’est pas très brillant là-bas / Ce même 05 mars, il est 18h33 / sur Arte, cela : […] on met tout notre amour pour eux dans ces raviolis[…] / là, épouses et mères ukrainiennes s’activant pour un envoi sur le front[…]

07 mars, début d’après-midi / j’y suis à cet endroit où, ce lieu autre où l’Imaginaire se vit où le Réel s’imagine, où / les choses sont où les choses deviennent et cela leur donne une densité rare / |…] un rayonnement. […] j’y suis à cet endroit où le Temps parfois est une rivière, une rivière où le Temps parfois se montre ainsi / une fois je l’ai vu il était un arbre
au milieu d’un labour / là j’y suis. / C‘est une petite maison de pays quelque part dans le Cosmos où parfois un / Je vois,
un / Je rêve d’un vaporetto qui le déposerait à Fondamente Nove à Venise où un / Je irait mordre crue d’un corps,
au cœur d’une chambre banale où parfois un / Nous en est revenu de la Sérénissime pour y effleurer petit corps sous le ciel,
à l’étage de cette petite maison de pays en bordure d’un chemin de terre qui mène à une Eau Dressée  Tout ici est vrai
le Vide est très présent le Temps là c’est difficile de le dissocier de ce qui se vit, se voit, il est des choses, il est Matière,
il est Or blanc, Argent, Herbe, Chair Ciel et cela Lumière le temps d’un éclair l’infini se voit le temps d un éclair d’ un autre

08 mars, Unis pour l’Ukraine sommes le soir / là pour cet hommage, ils sont venus les / Florent Pagny, Pradi, Zazie chanter avec d’autres / des fonds vont être récoltés pour la Croix Rouge / 5 euros c’ est une couverture, 30 c’est un kit de nourriture pour quelques jours, [...]la marraine est belle, Katia / Katia Buniatishvili elle est Géorgienne / au-delà de ses origines, elle aussi le connaît ce lieu où / on l’habite en l’écoutant le M / monde là elle joue Mozart, ce concerto n° 23 et cela peut s’entendre où que l’on soit sur la planète… parfois l’Utopie nous va si bien /

Des frontières... projetons les souples et sensibles / lisières amies d’une même grande Âme, d’un même grand Cœur se reflétant en cent lieux et plus encore… pourvu que ceux-ci les chantent les Mille et les Mille corps et âmes de ces peuples là où ils sont / Pourrons-nous longtemps encore en témoigner, de cette, ces marche(s) vers toujours plus de conscience, de Ciel en nous / frontières qui seront des œuvres, des mots, des installations, des performances publiques ou intimes / de l’intensité du juste cela avec la Nature parfois lorsqu’elle se montre nue et que nous sommes à la hauteur de ce qu’elle nous donne à voir, à vivre / des caresses le long d’un, des corps / Cela pour frontières : de l’Aimanté pour Voie, une Voie pour corps, pour souples frontières / des ondes, les plus lumineuses / des vies les unes à côté des autres […]En ces temps troubles, sans doute ne pas trop verser dans le discours… pourtant cela arrivera… cela / Vivre c’est une conversation avec le nous /

Le passager des bancs publics. Daniel Giraud. Les Éditions Libertaires. 2021

L‘expérience poétique est un poème sans poésie qui s’inscrit dans le corps[...]comme une conscience entre les possibles […] /
Témoigner c‘est ce qu’il fait Daniel Giraud, au gré de ses pérégrinations et méditations. / Avec son dernier livre Le passager des bancs publics , c’est une vie pas toujours facile qu’il nous donne à partager. Une vie avec des hauts et des bas
puisque cette période racontée est celle où il lui faut parfois descendre dans la vallée afin de pouvoir s’approvisionner quand cela se révèle nécessaire puis remonter dans son petit coin de montagne dans les Pyrénées. / Car il a un toit Daniel Giraud, une ancienne bergerie avec plein de livres, un lieu dans les hauteurs de St-Girons, c’est là qu’il traduit les poètes chinois et sages taoïstes, les Han Shan, Li Po, Hi k’ang, c’est là en Couserans qu’il culmine et trouve l’air respirable et en ville c’est sur des bancs, les bancs publics qu’il occupe certains jours le coco libertaire, qu’il se recharge

En sortant de Saint-Girons vers le sud se trouvent quatre bancs qui se succèdent le long du Salat […] où l’eau circule entre les rochers L’un de ceux-là ou d’autres, peu importe le banc pour le coucou libertaire c’est juste par pur plaisir, pour le plaisir d’être là en contemplation, en observation de ses contemporains / d’ailleurs il ne s’en cache guère, il y a des heures, oui ce monde l’agace, alors il devient un peu grognon le vieux grognard, il maugrée après lui, il tempête certes / quelques pages en font les frais, j’avoue, ce ne sont pas celles que je préfère / mais je crois que c’est aimer autrement, parfois demander plus de justesse là où elle manque. A ce sujet il cite Cocteau : « Je me reproche d’avoir dit trop de choses à dire et pas assez de choses à ne pas dire » / Là il y va, dans ce bouquin il se lâche, se livre :

Souvent je ne suis qu’une fatigue vivante. Mais à l’écoute des conversations de bar, j’entends des cut-ups à la Burroughs, tandis que j’écris des poèmes-balises circulant entre divers récifs Il chemine ainsi / [...]au bout d’un moment, il les l’oublie ses ruminations, il y parvient à Cela, au rien / et il le goûte alors ce cadeau du Ciel, être présent c’est donc possible ça. Être en Soi : arriver à se satisfaire d’être là immobile dans ce mouvement-là / être dans ce paradoxe et sentir en soi un sourire. Sans doute à le voir les passants pourraient le confondre avec ses voisins d’infortune avec qui parfois il les partage ces bancs publics, ces bancs où parfois on pleure un amour, / un amour qu’on voit toujours comme s’il était toujours un cerisier en fleurs… / ces bancs où, solidaire le copain jusqu’alors inconnu le pleure avec vous / ce cerisier perdu / la partage avec vous / cette solitude / car

des périodes ainsi il en a parcourues, traversées / des épreuves il en a surmontées, / il en porte quelques stigmates : de la femme qui trahit un nous / de l’agonie de sa petite chatte Ponponette, en passant par l’irresponsabilité de quelques-uns, (des écobueurs incendiaires ) qui l’amenèrent armé d’une seule batte, à devoir combattre les flammes arrivées à trois mètres de sa baraque. Je pense aussi à ces chevaux errants, à ce poulain juste né dévalant une pente qui n’a dû sa survie qu’au courage de l’auteur et au sang-froid de son amie… / Là, racontée l’âpreté d’un quotidien, une présence sensible au contact d’une nature sauvage /

Il y a des roads movies sans voiture. Après avoir vu l’Eldorado belge à l’ Utopia de Toulouse, j’avais pris un train de nuit pour Marseille […] La Voie est sous mes pieds, et la rue aussi.[...]De bancs en bancs, de rues en Ruades / Cadence de la marche et de l’écriture d’un écrivant baladant...

Daniel Giraud en a vécu des choses belles et des moins belles, maintenant il s’en fout un peu, / il en a vécu des marches, il en a noirci de blancs espoirs, il en a éclairé quelques désespoirs avec sa guitare électrique, avec son harmonica il en a rencontré du monde, des lieux / avec Willie Dixon, le blues et les bas-fonds de Chicago et à Houston il se lia d’amitié avec Mickey Backer. Tout cela il l’a bien vécu et aujourd’hui encore il se laisse faire si on le sollicite à la fête de la musique et tout
ça souvent pour des couillons qui ne paient pas à boire /
ah les déboires, les déceptions, le Manifesté, tout cela ce sont les faces d’un même dé / d’un même né et non-né /
il la connaît la musique Daniel Giraud / il faut de tout pour faire un monde et il faut du Rien, il le sait / ni

tomber dans le chagrin tout à fait, ni tomber dans une joie toute faite / vivre entre deux eaux en saudade / un peu ça… vivre dans le Tao ainsi les écrire les mémoires du rien / l’écrire également le Vide lorsqu’il porte beau / qu’il en a du Divin peut-être / l’écrire en VOIE le rien, en possible le Vide /

s’il la connaît la musique il le connaît aussi le silence après la musique Daniel Giraud, l’Absurdité, cet inconvénient d’être né / chez lui cela ne dure pas trop, cela ne peut pas, il a en lui des trésors, ses souvenirs, entre autres cette correspondance avec Anaïs Nin, / Sur un bout de banc lorsqu’il s’assied, cela ne se voit pas ce qu’il abrite d’histoire(s) de vie / cet avantage d’être né, il le porte haut également / Que serait le Tao te king sans son efficace traduction / pour ma part elle est une véritable nourriture capable de vous faire aimer le Vide. / Il la traverse la vie autant qu elle le traverse, elle aussi est monture pour lui, tout comme il est monture pour elle / tous comme les bancs le sont montures pour lui ceux de Marseille, ceux de Toulouse, d’autres. C’est dans ses pages un éloge du banc public qui rapproche des corps, des présences. C’est sa monture à lui, le banc / lui il a trouvé ça pas mal comme monture pour ses déplacements immobiles, pour l’entendre, le voir le voyage, la vacuité / les bancs publics.

Sûrement ces bancs s’ils pouvaient écrire combien de lassitude, d’intensité ils ont portées car il n’est pas le seul à les prendre pour radeaux, ces bancs… je pense à Richard Melville Hall, dit Moby, à un moment de sa vie, (pas la plus simple) où assis justement sur l’un d’entre-eux s’interrogeant sur la suite à donner à ses compositions qui ne rencontraient aucun succès, en particulier la dernière en date…(celle-là même qui deviendra Porcelain) / je disais / - là désabusé, Moby regarde la rue, des clochards qui attendent un bol de soupe, des parents et leur gosse dans leur rôle de parents et de gosse, la ville, son trafic et même une neige fondue et d’un coup / il aperçoit deux rats et c’est la joie !

/ deux rats qui filaient des toilettes publiques aux buissons / il explique qu’enfant à Harlem, là où il vivait il y avait entre autres des rats, ses parents s’engueulaient souvent et ces bestioles le rassurait aussi depuis lorsqu’il en voit c’est une sorte de signe, c’est bon signe /

Des frères de bancs, de radeaux / il y en a d’autres, souvent ils luisent d’une mème tristesse, d’une même fatigue / certains n’ont pas les mots, juste le silence pour le regarder le monde / des larmes invisibles ont brûlées leurs chairs, ils cabotent de banc en banc, ils survivent cramés et lorsqu’il le faut, la traficotent la réalité, parfois l’embellisse / tel Marc Losson in / La question de l’autre / « J’ai cherché un banc public, un devineur de la question amoureuse. [...]Et j’ai fait un rêve. [...] Dans mon rêve, c’est toi qui me rejoignais. Tu te serrais très fort contre moi. Je sortais ton sein droit de son soutien-gorge[...]Ton soutien-gorge était blanc. / [...]silencieusement la brûlure de cet instant [...] / Notre banc est un sous-marin du Christ, un trésor de guerre. [...] Le banc nous recueille [...] »

Le passager des bancs publics / C’est sans le dire / un inventaire amoureux, celui des joies et des chagrins d’un marcheur qui aime s’asseoir dans le temps qui lui reste. C’est son luxe à lui, vivre une vie qui lui ressemble, revivre en marchant, revivre sur des bancs des événements, des lieux qui l’ont fait vibrer. / Pourtant je dois avouer mon trouble en découvrant l’avant-dernier chapitre / un Daniel Giraud plus bavard (buvard) que d’habitude et cela m’étonne plutôt… / […] des bordées d’injures me montent à la gorge. D’où viennent-elles ? / Le monde blessant n‘incite pas à la révérence, sinon la dernière / Est-ce face à la menace d’un ordre hygiéniste que certains déjà pressentent comme inéluctable et qui nous éloignerait de ce que nous sommes au plus profond de nous, des hommes et des femmes reliés au Ciel, au Cosmos / il nous décrit une sorte d’orgie mentale :

/ […] quand bien même nous retournerions à nos vomissements, personne n‘avait été à pareille noce[…] Comment décrire tous ces invités qui festonnaient en se dérouillant les crochets avec des cornes d’abondances remplies de[...]tartes aux poils de chattes, des[...]suce-larbins dépouillant un greffier .. il y avait aussi : des vivres et des couverts[...]des voraces[...]insatiables[…] des figures de poulpes, rouges comm[...]doigts dans la mounine, des chomedus l‘ayant mauvaise en matant des lardus, [...]un briseur d’idoles fracassant, broyant, concassant et pulvérisant tous monuments aux dieux, aux chefs et aux morts /

une faune là / même un affranchi / même un confetti de Lumière : des champs du cygne ayant encore un peu de champ libre avant de pêcher à la ligne dans le Styx, des amoureux de la Sagesse et de la saveur[…] dégoisant sur l’ absolutus déliant ce que le religare relie avant de vivre la Cochonceté libératrice […] // […] un autre compère disloquant toutes les machines à coup de masse / […]des cerveaux en images de synthèse lançant / « Pour votre sécurité, il n’est pas interdit de tout démanteler » […] / un pur abreuveur de sillons militaires prêt à tuer pour s’abreuver du « sang impur » des adversaires

Non point là de / « deux amoureux sur un grand lit » de « Monsieur Seguin » de « talon Louis XV » , ni de « pelote de ficelle » ni « d’épingle de sûreté » / ce n’est ni un inventaire à la Prévert / ni non plus l’enfer de Bosh, pas plus celui de Picasso dans Guernica… / c’est le sien, cela l’habite, il en est le scribe / […] le taureau par les cornes des parties carrées battant la chamade face aux jolies à croquer, des fleurs de macadam aux boites à lait de quoi s’amuser, des tapeurs sur le système qui vous tiennent la jambe, des boucs émissaires pissant au bénitier, des boute-en-train, battant la breloque, des mauvais coucheurs couchés par écrit…

A-t-il cru nécessaire de faire contrepoids en faisant étalage de ce qui suinte, et gicle et graisse sous le manteau une partie de la tribu / dénonçant ainsi un fonctionnement hypocrite dans certains secteurs de notre société. Simple provocation ? / je ne sais pas, il termine ce texte
Ainsi quel bonheur que l’horreur dans toute sa splendeur. / […] Dans l’état intermédiaire et indéterminé entre veille et rêve, habité par une sorte de candeur sauvage, tel un fauve[…] les songeries prennent des raccourcis, des chemins non battu[…] / il écrit cela, étonnant, lui assume on dirait bien. A-t-il souhaité rapprocher ce qui s’oppose, proposer un, des commencement(s) / Alors qu’à ce moment de la lecture, je ne rêve que de vide, à la fin de son livre, il se reprend, le Souffle semble lui avoir tiré l’oreille, lui avoir fait signe :

Dans le vent et le froid […] marchant en quête de banc… / j’étais dans la vallée Suisse de l’Engadine, sur les traces de Nietzsche final, flamboyant et fulgurant, en s’adressant aux esprits libres. / Là, je le retrouve le compagnon de route, le marcheur comme il est […] voyageant de banc en banc. Louvoyant entre les récifs humains, quelle traversée / […] Tandis que la nuit éteint les montagnes[...]le sommeil intérieur si grand et si petit entre dans les yeux en pleine obscurité. L’organe de lumière devient feu absorbant tout l’océan du possible[…]des marches et des bancs… L’hiver, [...]les pieds tanqués en Espagne /

L’Océan, un salut possible par la marche, CELA tout le long de la route SALUER n’importe qui, n’importe quoi / saluer : Salut banc de Séville, sur la route du Maroc [...]Salut banc d’un café de Lisboa où je tchatche avec de jeunes étudiants / Salut banc de Diégo Suarez, place Foch face à la mer […] / Salut banc de Nouméa[...]Salut banc de la plage de Port Moresby […] Salut banc de Chihuahua / [...]et banc de Chengdou[...]avant de dégoter des calligraphies taoïstes / […] Salut banc du parc de Frisco […] De banc en banc

De lieu en lieu jusqu’à un / non-lieu jusqu’à un / non-banc peut-être

[...]écoutons le chant de la Voie lactée, le son du cosmos inspirant cette sorte de « journal » . […] Par toutes les étoiles du ciel, dans la nuit comme en plein jour, les rencontres sont ouvertes à la découverte et peuvent faire oublier les souvenirs du passé entraînant remords et regrets, tant il est vrai que les mauvais choix se réitèrent plus d’une fois

[…] L’énorme Ares, « dieu du bruit et du tumulte des combats » selon Mallarmé, écrase et se fait écraser dans le cas de mon Mars « en chute » durement aspecté. Il s’oppose à ma Vénus qu’il a pourtant aimé…. Chez moi, Mars n‘est guère l’antique dieu de la végétation printanière car il « chute » et fait chuter même le meilleur gladiateur qui le supplierait[…] / A ses côtés, se trouve en moi le triste Saturne[…] il assombrit /

Sous le joug du Ciel, des planètes il trace sillon / on le voit il en porte des données, des dons / De l’astronomie, de la physique à l’astrologie, / il en porte des possibles, des influences / de l’astrologie à la métaphysique, il n y a qu‘un pas et qu’un autre et si cela lui chante, il les fait ces pas, ses connaissances en ces matières le lui permettent. (1) (2) De même il n’y a qu‘un pa(s) entre la métaphysique et la pataphysique / pa(s) qu’il s’autorise sans broncher citant Jarry : / « la Pataphysique est bien ce qui va au-delà de la métaphysique ». / De l’Oulipo à Li Po qu’un pas encore qu’il franchit en le citant : « La vie est un grand songe » juxtaposant ainsi des ondes proches. / C’est dans son corps, par ses marches répétées que ça se passe… il le sait cela, alors il déambule... / il traîne carcasse et ce qui n’est point carcasse, ce qui est là, en lui / à un moment il le sait / cela arrivera l’envol / Pour l’heure,

c’est dans le dire / un inventaire amoureux des bancs de par le Monde, / de ses pérégrinations c’est trame grâce à eux / c’est chevauchée de quoi / et si la vie est un grand songe, il l’aura vécu autant qu’il l’aura songé, / l’ Aura de cela imaginé, il l’aura imaginé et imagé le vide plus d’une fois / Lui ou quelqu’un d’autre que lui l‘aura vécu le Vide / qui la trame la Vie / le trame l’infini public...

(1) Guide d’interprétation astrologique. Daniel Giraud. Albin Michel. 1988. /
(2) Métaphysique de l’astrologie. Daniel Giraud. Dervy. 2000.

19 mars / 17h15 / [...]vous pouvez voir des gens qui s’enfuient de la ville de Kiev là c’est un drone qui filme une voiture interceptée par un tank Russe, / un homme en sort mains en l’air, il est abattu, puis / une femme et son enfant sortent de cette voiture […] / des images, des vidéos nous arrivent, sans doute elles sont horribles, pourtant elles ne traduisent pas ce que des chairs éprouvent, des sensibilités ressentent, comment des psychés s’en remettront ou pas[...] des observateurs observent, des commentateurs commentent, chacun y va de sa petite musique / et c’est dans le désarroi que je termine ces notes[…] / La venue du printemps, pour certains cela leur fait une belle jambe / pourtant là où je suis c’est une réalité / […] 21mars, 10h19 / […] là un (je) pourrait donner la becquée à une bouche / mordiller une brindille puis l’offrir à une âme douce /       l’air / est tellement là qu’il pourrait être un corps / d’ailleurs sur / le corps, il est là comme il l’est sur la rivière là       devant oh       là est une voix tue,       sur cette roche brune teintée de rouge /       rien ! Pour gorge       aussi l’air  
     du schiste !
                            Une mémoire là       une mémoire tue,       tant de matières en elle       de temps superposés

l’air aussi la porte cette mémoire là venue . Ce battement qui / encore sommeille dans l invisible / ce faible mouvement qui va venir bientôt il est là déjà en suspens / ces ailes de papillons qui à peine bougent, je ne les vois pas-je les vois / la matière avant d’être de la matière / elle est là / souffle léger vent / [...]là un (je) pourrait donner la becquée à une âme douce, / là je pourrais la répéter la Lumière en citant tout ce qui est [...]

04 avril, 23h 25 / […]les semaines passent et ces derniers jours ... me, nous rendent tristes

05 avril 2022, 08h24[...]là, s’entend un / ai rêvé à une Colombe ! / il le sait combien c’est con pourtant un (je) en se levant le répète plusieurs fois, comme si le sort du Monde en dépendait… c’est aujourd’hui une pluie presque invisible, une pluie silencieuse / un (je) regarde le ciel, des ardoises, une gouttière, des fils, une antenne, des volets fermés[…] il y a bien un foyer de brins dressés, de vigoureux brins verts aux extrémités d’un très vieux rosier

là / ton mail de nuit : [...]c’est horrible cette guerre[...]avec mon récent déplacement, je ne ne le découvre que ce soir […] / quoi répondre amie / sinon que j‘ai peu écrit tous ces jours et ce matin ce sont ces mots que je vois dehors / la pluie a cessé […] / 9h03 / la Lumière est presque là, pour l’instant elle gribouille… dans la matière-homme

08 avril, cela je découvre ça / publié le 07 avril 2022 à 10h47 / in ELLE en ligne

Son mari, qui combat depuis deux ans les séparatistes prorusses dans le Donbass, dans l’est de l’Ukraine a été envoyé au front. Elena explique qu’elle est restée seule sur place pour évacuer leurs biens. Mais en raison du danger encouru sur ce trajet et de la présence de militaires russes, elle n’est pas parvenue à trouver un véhicule pour vider leur maison. C’est là que le drame s’est produit, dans l’après-midi du 3 avril, poursuit cette mère de famille.
« Vers 15h, je suis allée dans une épicerie. Pendant que je faisais la queue, des militaires russes sont entrés et ont commencé à discuter avec des clients », raconte Elena. « Je n’entendais pas de quoi ils parlaient, mais je me suis aperçue qu’un des habitants me montrait du doigt en disant c’est une banderovka », se remémore-t-elle.     L’homme se référait aux nostalgiques du dirigeant ultranationaliste ukrainien Stepan Bandera, qui collabora avec l’Allemagne nazie contre l’Union soviétique. C’est à cause de gens comme elle que cette guerre a éclaté / a-t-il ajouté, selon elle, / c’est la femme d’un militaire /     « J’ai compris qu’ils m’observaient alors je suis rapidement sortie de la boutique. J’ai à peine eu le temps de rentrer, les deux soldats russes sont entrés par la porte derrière moi. Je n’ai pas eu le temps de prendre mon téléphone pour appeler à l’aide, ni de faire quoi que ce soit », dit encore Elena. « Sans un mot, ils m’ont poussée sur le lit, m’ont écrasée avec une mitraillette et déshabillée », lâche la jeune femme avant de fondre en larmes. « Ils ne parlaient presque pas, à part quelquefois pour me traiter de banderovka ou se dire entre eux à ton tour.     Et puis, vers quatre heures, ils sont partis parce que c’était le moment d’aller prendre leur tour de garde » dans leur camp. Elena affirme n’en avoir encore parlé à personne, pas même à un médecin ou à un psychologue, et surtout pas à son mari.
« Je suis sage-femme, je me suis administrée les premiers soins moi-même », raconte-t-elle.     "Je trouverai tout ce dont j’ai besoin une fois arrivée à destination, je veux juste retrouver mes enfants ». Interrogée sur son état physique et psychologique, elle éclate de nouveau en sanglots : « Je me dégoûte. Je n’ai plus envie de vivre ».

12h35 / LCI / [...]pilonner les voies ferrées/ […] une imprécision qui a touché des civils / un bandeau / KRAMATORSK 35 MORTS DANS UNE EXPLOSION A LA GARE

il est 18h31 la tempête Diégo

09avril, 7h59 voilà / ces notes, les ai amorcées avec la fraîcheur d’une nouvelle venue, cette jeune auteure grecque, je les termine avec ce témoignage bouleversant d’Elena (pseudo) cette femme ukrainienne… Cette fois il m’aurait été difficile d’omettre ce qui nous abîme tous depuis quelques semaines et de même, d’abandonner en route ces recensions. Dans ce contexte... pas certain qu‘entre ces lignes, l’énergie de ces écritures et la beauté des présences qui les porte, soient perçues comme elles l’auraient été dans une période moins déstabilisante… Pour ma part je veux croire à ce rapprochement inattendu, aux frottements de ces vécus / quelque part là où elle doit se faire, à une rencontre possible et féconde entre ces femmes et hommes dressés / et nous…

Bruno Normand


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