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Enfer, purgatoire, paradis, Olivier Bastide

lundi 22 juin 2015, par Roselyne Sibille

Enfer, purgatoire, paradis

L’Enfer

C’est chaud ! Ça prend aux tripes, à la tripaille, à ce tréfonds, cet enfouissement qui nous préserve et nous recroqueville en notre très intime vérité, en notre très intime crime, en notre très intime trou !
C’est chaud et ça fait mal ; ça incite et ça contraint ; ça décide, détermine, édicte, éclate, noie. Fin du soleil dans cette affaire.
C’est chaud mais je ne sais si cela brûle ou glace, si je deviens poussière, résidus du brasier ou plus froid que le marbre raclé par les machines à flancs durs de montagne.
C’est chaud, c’est ce qui ne se dit, c’est ce qui ne se fait, c’est ce que l’on oublie, c’est ce que l’on refait, c’est ce que l’on sait taire, c’est ce que l’on envie, c’est ce qui nous rend fauves et poètes et lascifs.
C’est chaud entre mes mains, entre mes ris, entre mes dits, entre les scies, entre les haches, les incisives et les broyeuses. C’est chaud, c’est vil, c’est rond, c’est toi, c’est moi, c’est nous, l’autre et sa bien-aimée.

Le Purgatoire

Sans doute nécessaire, afin de n’être ni monstre, ni monstre. Sans doute unique vérité, unique certitude enfantée de nos maux et de nos promesses, fausses, toutes.
Le Purgatoire, sorte de purge assortie de clystères fantasmatiques, d’allers et de venues très quotidiens, très informels.
Je connais bien l’Enfer, le Paradis, quelque peu. Et je vais dans l’entre-deux, sans trop savoir, sans bien savoir ce que je fais.
Peut-être vain, qui sait. Car je ne suis ni monstre, ni monstre. Car Dieu n’existe peut-être pas. Car ce sacré Bien, ce sacré Mal non plus, peut-être…
Le Purgatoire, mieux que l’Enfer et le Paradis réunis, bien mieux ! Ici-et-là, hier-aujourd’hui-et-puis-demain, tout simplement, tout joliment, très concrètement !

Le Paradis

Mon paradis… je fais choix de t’écrire sans majuscule, sans ciel bien particulier.
Je te fais grâce des symboles, des mythes et des fadaises. Je te fais grâce de la grâce de Dieu ; je te fais grâce de la peur de l’Homme ; je te fais grâce de mes laideurs, par suite de toute plaidoirie et de ma rédemption.
Mon paradis qui s’enchevêtre parmi les herbes et le bonheur du chat qui y découvre un gîte en plein midi.
Mon paradis que j’envisage à bout de champs, chaque matin.
Mon paradis dans le pouls conjointement battu du père et de l’enfant.
Mon paradis dans ton souffle et tes yeux.

Enfer-Purgatoire-Paradis

Mesdames et Messieurs, le sujet est bien trop sacré pour être effleuré à l’aveuglette ; il est bien trop sérieux, bien trop pétri de vices et de vertus, de pleurs, de rires, de bonheurs et de pertes pour entrer tout entier dans mon malheureux poème, et pourtant…
Pourtant, je m’y attelle, je m’y coltine, je m’y colle en fou furieux, en exalté, en innocent, en condamné vivant ses troubles et ses cris, ne sachant distinguer strictement la flambée, la purge et le petit bonheur.
De fait, point n’est besoin du dernier souffle, de l’entrée en cadavre et pur esprit de part et d’autre séparés pour clamer tous les mots mâchés de peur, de joie, de haine ; saigner de pleine vie mille morts, mille vies.
Mesdames et Messieurs, le sujet n’est-il plutôt bien trop profane pour l’expurger post mortem… Ces derniers mots ne sont en rien une interrogation, plus un constat de fin de poème, une lecture quelque peu distancée de notre humaine comédie.


Olivier Bastide, né en 1962 à Carpentras, dans le Vaucluse. Publie en revues dont Soleils et cendre, Verso, Les Archers, Phoenix, Décharge et Saraswati. Ses derniers recueils parus sont, aux Solicendristes, Le Matamore sous l’étoile (2008), chez Encres vives, Dans le Ventre bleui de soufre, après le vent furieux advint le jour (2010), aux Éditions de l’Atlantique, Fragmentaires (2012), aux Editions Cardère Petits poèmes diversement appréciables mais néanmoins écrits avec grande attention (2014).

À noter sa participation aux ouvrages collectifs des éditions Sillages, dont Corps (2010), à l’anthologie Métissage de L’Arbre à paroles (2012), aux spectacles chorégraphiques d’Elena Berti Voyagedimages (2008), Sentimenti di danza (2010) et aux travaux poétiques du Scriptorium de Marseille.

Exposition photographique dans le cadre du festival Trace de poète 2015 : 28, via della Madonna, Pistoia.

http://wwx.depositions.fr/WordPress3/
olivier-bastide@orange.fr


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1 Message

  • Enfer, purgatoire, paradis, Olivier Bastide Le 12 décembre 2015 à 08:51, par Anny CAT

    Voilà une poésie qui va tout droit à notre tréfonds, qu’on oublie ne pas être nos mots tant ils sont nôtres. Tant ils sont cette confrontation à notre inconnu : enfer-paradis-purgatoire.
    Je suis très heureuse de te lire ici Olivier. Mon merci au poète pour ce qu’il donne. Anny Cat

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