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Chevalier / Montre-moi tes seins ! Bruno Normand (Octobre 2022)

mercredi 5 octobre 2022, par Cécile Guivarch

      / […] / […] sommes une fin août, la lumière est une nourriture / les écrits parfois      nous le rappelle notre vrai Corps, l’Océan en nous      / nous en l’Océan      en ciel, véhiculés ainsi      Corps Large dans corps petits, Espace, étoiles en nous      infiniment attendus      Devant /      là chacune, chacun l’éprouvant le Cela avec des mots déjà avant de se vivre Eau et Air      avec la Chair déjà pareille à un matin
parfois cela arrive se reconnaître en marchant dans un chemin, genets, pierres, sols, traces d’un, de plusieurs lapins sauvages, lune en nous, en marée      Tout enveloppé de quoi en marchant      Tout en voie / de développement, d’aimer Vide      ô [...]ce Temps qu’on regarde […]      ô cette horizontalité, cette verticalité-là /      [...] / je crois, c’est de la poudre de / Merci / elle épouse      toutes les transformations en cours      du furet au quartz      elle aime matières allantes / là à ce moment près du cercle polaire, c’est une chienne haletante attendant portée      puis allaitante docile, obéissante le servant le Cela / ailleurs et ailleurs c’est combat entre      / quelque chose qui      aime et quelque chose qui n’aime pas
/ un (je) continue de désapprendre, apprend ainsi à se passer de contours qui n’en sont pas vraiment apprends
l’Autour même en dedans des corps et des choses, / [...] apprends le Vide chez lui dedans comme dehors
le Corps pareil à lui      / [...]

04 septembre / […]réveillé très tôt[…] / là, l’air est bon, la lumière est de celles qui peuvent guérir, sans forme elle est loin
d’être sans fond et son bleu qui n’en n’est pas un, donne à tout ce qui est un peu de sa matière à elle / pose sur tout ce qui est
une infinie douceur […] nous amorçons ce mois et chaque année, à un moment de ce mois, cela se vit, cela se voit /
            [...] Présence ainsi, faible bourdonnement, corps vibrant empli, entouré d’un bleu qui n’en n’est pas un
Ciel en lui / Souffle en lui accepté pour corps
Ciel en lui consenti / de son vivant cela / [...] /
c’est une sorte de savoir sans le savoir qui opère ainsi instruisant chaque fibre d’une chair, juste par une lumière émise,
une Onde émise et elle(s) donne(nt) son(s) et elle(s) donne(nt) phrases et en répétition(s) et en répétition(s) partout où la matière est en voie / cela vibre là et là partout où
/ le, les Silence(s) s’abeille(nt) / le, les Silence(s) se treille(nt) s’habille(nt) de grappes blanches et violettes
le, les Silences se récolte(nt) là où la Matière est, là où les matières sont /
et nous y sommes là conviés à
le recevoir cet enseignement par la lumière seule, cette Parole où […] /

05 septembre / 8h08 / j‘entends Pop-corn, c’est un vieux truc, un morceau des années 70 […] cela vient de la cuisine, cela ne
dure pas / j’entends terroriste / maintenant[…] / tout se côtoie, les attentats, les petites attentions comme par exemple, éviter
d’écraser un infini naissant / genre / ces textes qui commencent souvent par un vrai silence /

06 septembre, 8h24 / [...] il a bien plu ce matin et maintenant / par la fenêtre, m‘aperçois que le vieux romarin n’a rien
perdu de sa vitalité, je le craignais un peu car la semaine passée, je l’avais taillé fort et là je le vois à ses brins, à ses extrémités,
des dizaines d’étoiles vertes il renaît /
le petit lilas planté en pensant à l’aimante,      lui aussi se porte bien, ses feuilles sont belles      / […]


Comme un bal de fantômes. Eric Poindron. Éds Castor Astral, Coll. Curiosa & Cætera. 2017
Il m’aura fallu ce livre pour me sortir d’une torpeur, arrivée je ne sais comment… tout l’été sans lire vraiment et signe sans doute, une couverture, deux papillons et leurs ombres, leurs ailes empruntant contours à quelques cartes, à quelques plans de villes / leurs dessins et leurs couleurs. Ainsi Venise, Santa Croce, Nairobi, Berlin... et même une licorne comme si elle était un lieu, elle aussi. Dans sa suite une courte et belle préface, Papillons de Jean-Marie Gourio, un poème adressé à son ami, l’auteur Eric Poindron / « […] Cinquante ans, / [...] Il m’avait bien semblé que tu étais cinq gamins/ De dix ans enfermés dans un grand […] » aussi il ajoute
« / […] Fais attention à nous / […] Santé mon papillon ! Garde tes ailes. / […] Volons »
Alors Volons ! Puisque qu’un nous, le Nous est évoqué, invoqué. Volons tant que nous est donné le pouvoir de voler, tant que cela nous est donné de l’éprouver l’air. L’air du Temps, le temps d’une vie, l’air d’une Vie.      /      Ce Livre est sous-titré / Camaraderie et chemins chuchotés      /      et s’amorce ainsi, en reprenant ces mots, une liste / celle qu’a retenu un corps. Ce qu’on retiendra d’un corps venu…      /
« un pommier d’amour / fragile / un petit pendu qui s’agite / un verre de vin frais à la disparation d’un ami / un enfant qui apprend à marcher /des boussoles de laiton comme celles de mon père » […] / Des sourates, des présents / « des korrigans esseulés » / des livres, Lu Yu, « le vieil homme qui n’en fait qu’à sa guise » / Cees Nootebom « Le Chant de l’être et du paraître », d’autres… / Des poètes erratiques[…] des religieuses qui lisent en cachette[…] Tout cela il le note, il le couche sur papier Eric Poindon. Sans pleurer, il le pleure, on dirait cela. Il le couche cela, la couche la Vie. Parce que, parce que…
Des fantômes bienveillants / Beaucoup de fantômes      //      pour se souvenir que les choses qui existent n’existe / pas pour rien
parce que cela, la Vie est là dressée, la Mort est là dressée.
[…] Parce ce que la poésie sans parole ça existe aussi / j’acquiesce ami / le silence ça existe, il en porte de l’eau, il en porte de l’air, il le porte le cosmos / […] Le rayon de soleil, l’amour qui musarde[…] / j’aime ces lignes, nous sommes en septembre en tenue d’aller vers l’hiver… c’est dans la lumière de ce mois, déjà ce que nous serons      / là nous sommes en
/ cela      et Comme un bal de fantômes nous le rappelle /      cela, s’apprend, seconde après seconde, d’heure en heure, de jour en jour : la Nuit en / cela      le Vide là      l’Amour en / cela . Éric Poindron, en même temps qu’il l’écrit cet, son inventaire, il le goûte, il l’invente      / au fil des pages à un moment il entre dans quelque chose qui ne meurt pas, une présence prend Texte, un livre prend corps
un corps prend prends pouls là où il est / La nuit, ce pays sauvage […] un corps se découvre en Elle / Je crois j’ai toujours cru à une affaire de double présence […] / un texte se trempe à la Nuit à un / tout imaginaire / Inimaginable / encore cette fois le silence prendra cor :
Je revois le presbytère de mon enfance […] Les vignes et le cimetière / [...]Avant de frapper à la porte du prêtre / Je respire dans l’obscurité / […] / Le curé ouvre toujours sa porte /[…] il offre[…] Une soupe et une tarte maroilles[…] /

La respirer la Nuit, trouver en Elle, en son silence inouï, des mots encore, une Parole peut-être / la découvrir peut-être, se découvrir dans un même temps / […] à Trèves / […] Je cherchais une lampe magique / Avec génie certifié […] / Sur l’enseigne de la vieille échoppe / il était écrit « Antiquariat » / Je suis entré / Et me suis retrouvé au milieu de livres hors d’age /
ils respiraient encore […] / j’achetai un très vieux livre / aux allures de jeune homme[…]

des mots frères / des sonorités, des villes, des sororités Ostende, Bruges      /      les rapprocher, les regarder, les entendre les syllabes s’électriser      / Téter du Temps, prendre sein en vignobles / En Champagne Bourgogne Beaujolais […] / récolter sol(s) et ciel / Celui-là même est vendangeur / là dans ces terroirs, les heures      on les vendange, à un moment cela      devient vin ou Chant, chants /      lorsqu’on vole, on voit tout comme vu du Ciel la terre, les territoires, les terroirs /      lorsqu’on vole à l’intérieur de Soi, on les voit les énergies, celles qui / à un moment unissent les matières / les raisins, les mains / celles qui les rapprochent les corps      / Éric Poindron nous les livre ses apparitions      / ces rencontres sont un seul Geste / du chien du patron aux guêpes, de l’énergie d’une vierge en bois de tilleul jusqu’à l’énergie des amis, toutes et tous dans leurs rôles

Ce qui est surmonté devient une joie écrit-il, aussi sûrement il en a surmonté des choses ce poète, tant ces phrases se veulent hymnes à ce qu’il trouve sur ses pas, son chemin
on récolte ce que l’on aime / telle semble être la devise de cet arpenteur tantôt se mesurant à des lieux, tantôt leurs offrant sa démesure /      car il trouve matière de lui, hors de lui- il trouve en lui paroles, Parole / Couronne sur un arbre
Je porte la couronne que j’ai cueillie sur l’olivier […] Roi […] des plages désertes […] Quand je regarde le berger le soleil me pique les yeux / […] La Méditerranée vue du ciel semble un sourire […]

entrer en silence par la petite porte des heures, des lieux, de la lumière qu’il fait,      là exister / entrer en silence      là en tenue de brume, de petits matins / prendre ainsi cheville du jour et le laisser monter, s’élever en corps      jusqu’à être ce crane, ces membres dans le soleil / jusqu’à craner de tout son feu      et puis lentement se laisser redescendre et s’endormir herbe / il le sait l’auteur de ce livre que cela se termine ainsi une existence / aussi que cela peut s’approcher le rien      jour après jour s’apprivoiser      le fait de disparaître      / le fait de devenir      plus vaste /      c’est un apprentissage cela : ne faire que commencer et les écrire ces commencements      / il le sait également que l’invisible se nourrit, s’entretient      et témoigner d’une vie, c’est en quelque sorte le teinter d’un possible, d’un possible corps / autre soit, mais à un      moment choisi, consenti.
/ Tout est miroitements dans ces pages, miroitement d’une chose sur une autre, d’une amitié, d’une attirance avec une autre, Éric Poindron cite ses pairs, leur trouve une place dans ses pas, tour à tour Jaccottet, Reverdy, Borges, Perros, de Nerval, d’autres… Une Lise Deharme et son / « Écris tout ce qui te passe par la fenêtre » éclairant ce chapitre Fin d’hiver       / le pochoir d’une vie, d’un JE, d’un quotidien pour matériau d’une œuvre / d’un Monde, le sien, le nôtre / sa réalité mêlé à son, à nos imaginaire(s)
/ car oui il y a lui, le sang parfois sur le / nous      sur elle, la neige, sur un pays en guerre / car oui parfois alors Ils sont introuvables les jardins de lumière,      / introuvables les petits paradis ceux à notre main / les petits bals perdus où on se confie / en temps de paix, ce qui fait qu’on respire Ciel, qu’on se nourrit d’aimer.

L’âme immortelle d’un enfant immortel parcoure ce livre, c’est peut-être lui cette voix : L’enfant avait perdu la vue / […] Il avait tâtonné / exalté aveugle / Pour finir par mettre la main / en écho / sur des regards d’écume / [...]
des oiseaux traversent ce journal de vie, de quelques saisons et puis s’en vont / de quelques saisons et puis s’en va, La Vie. Ces oiseaux ce sont peut-être lui, peut-être nous
des étés oui, des hivers oui et entre… des marches, des lectures      celles des chemins dehors, celles des chemins dedans, des livres, des résonances oui
tout est là, à notre disposition semble nous dire Éric Poindron / Profitez, profitez, buvez vie, voler de vos propres ailes, dans votre zèle voler si zèle est à votre pointure, marcher, marcher en lui      Encore un pas / un chuchotement complice/ Une lueur en écho / Un écho en silence / un émerveillement ensemble       et encore il nous confie Le grand – Dehors guérit / Nul doute cet homme aime les gens qu’il croise, que ce soit dans son quotidien, dans son imaginaire. Il y a chez lui quelque chose de véritablement bon et touchante est son envie de partager ce qui brille à ses yeux. De ces croisements de vies, quelques exemples / cet extrait in le texte / Télégramme et gypsophile, ce dialogue :
Lui – Mon dernier souvenir de vous c’est une empreinte de rouge baiser et un billet de banque malgache qui ne valait pa grand-chose, sur lequel vous aviez mentionné le nom de l’hôtel où je pour vous écrire. Marie, c’est rare pour une Hollandaise / […] / Marie - L’univers se porte dans une poche quand on veut le serrer de temps en temps.
in Fin d’Automne / Confidence, / […] Hier je devais écrire un poème / Sur l’’amitié / Pour mes amis Bertrand et Yves Simon / Mes gars de la Lorraine / De drôles de papillons / Mais comme c’était l’anniversaire de qui je sais / J’écrirai ce poème / Qui parle de la Moselle et des patates au four / ET de camaraderie . Demain      suivi d’un autre dialogue /
Lui ou presque : Promis si tu te suicides pour de vrai, j’achète un de tes livres / Moi : / […] Le voyage est mon suicide, camarade. Mon grand bruit[...]

Une confiance émane de tout cela, un soleil se lève et se couche dans ces pages, un fond sage. Une lente maturation. Il semble bien, Éric Poindron a retenu cela de Glenn Gould, qu’il cite :      « L’objectif de l’art n’est pas le déclenchement d’une sécrétion momentanée […] mais la construction, sur la durée d’une vie, d’un état d’émerveillement et de sérénité. » /
Pour la route, amis, ces derniers vers /      Chut / tendons l’oreille / soyons humble /même si le silence / est une sacrée imagination /      Ce livre ou le pochoir de quelques papillons sur quelques JE, sur quelques lieux, pour matériau d’une œuvre / Et pour faire lien avec l’auteur qui suit, j’emprunte l’exergue du dernier poème de ce livre / in Le sourire d’un ange / une citation de Gérard Chaliand :
« Garde-toi à penser un jour, en te retournant / comment as-tu pu vendre ta vie unique pour si peu ? »


/ […] suis là la lumière est là suis dans la lumière / [...] je la vois / là je bois une Licorne, c’est une brune, une bière /
un rouge-gorge m’offre gorge, m’offre un œil, deux et s’envole /
[…] là suis dans chemin / […] dans le pré des vaches, elles sont vingt et une / c’est là devant / […] Elles, margelle d’un
enseignement quelque-part / contour d’elles / je lis :
« Cela étant, au fond de toute conscience humaine se trouve la parole suprême, para, séminale, silencieuse, parole
avant toute parole[…] conscience lumineuse où tout repose en germe. En elle naît une énonciation intérieure qui
est plutôt l’esquisse d’un mouvement vers […] » / in La parole tantrique d’André Padoux /
      /
[…] là, une fin d’après-midi presque / [...] lumière / […] suis là dans chemin matière en chemin matière en Lumière
[…] / quelque-part l’un trouvera traces de quelque chose en transformation /
l’une étudiera les cultes d’un village de Tirunelveli, (Inde du Sud), / M.L Reiniche :
S’intéresser aux dieux, c’est ne parler que des hommes / et un (je) prolongera : de leurs bords, leurs extrémités
et sans le savoir, du Vide qu’ils portent en eux


Ce que l’eau sait. Sam Hamill. Le Temps des Cerises éditeurs. 2016
/      à l’oreille encore le / « Garde-toi à penser un jour, en te retournant / comment as-tu pu vendre ta vie unique pour si peu ? »      / Heureusement lui, Sam Hamill a su donner un tournant à son existence et cela grâce aux mots / ce qui n’était pas gagné pour lui, loin de là… Lorsque que s’amorce la génération Beat, il a douze ans et déjà il les enregistre les scènes de la vie courante. Il les vit car il le sait, un jour il écrira. Il se sait, se sent poète, ses lectures l’encouragent dans cette voie. Des expériences déjà il en a plein son petit gilet… né Arthur Brown, son père ne pouvant subvenir à son éducation, il se trouvera placé dans une famille qui le maltraite / in Destination zéro : [...] je sanglotais, / petit bonhomme terrifié / par le noir et le fouet de la gaule, / par leur ferme et leur pays hostile / Outre cette maltraitance, ) avec les garçons de son âge il découvre les meurs des amérindiens (hopis et Navajos), il grandit ainsi, il aide à la ferme, se forge âme au contact de la nature, des serpents, des chevaux. Adolescent, il commence à fuguer, à voler des voitures… Cela l’amène inévitablement à goûter la, les prison(s)… Ces années galères sont contrebalancées par la découverte d’écrivains qui parlent sa langue et qui semblent s’adresser à lui, comme il est : Ferlinghetti et Kenneth Rexroth      /      les rencontrer devient son but

en 1959, il a seize ans et il fuit à San Francisco, les délits en tous genres lui assurent une survie qu’ il paye chère, rixes, coups accompagnent son pain, ses drogues /      [...] cependant bien que couchant dehors il a un domicile fixe le parc qui l’abrite la nuit… Le jour, ses jours, ils les passent souvent à la Librairie City Light, ou Laurence Ferlinghetti, le taulier des lieux le laisse lire à sa soif. En ce quartier il ne pouvait que tomber sur son autre idole Kenneth Rexroth et c’est ce qui se passe / du coin de Grant Avenue.      Il ressemblait à une montagne [...] / entre eux c’est l’entente immédiate, peut-être ont-ils beaucoup de coups de poing et de bleus à l’âme en commun, bref la mayonnaise prend à tel point que Rexroth le prend sous son aile. Désormais c’est chez lui qu’il logera, mangeant et lisant à sa faim. C’est donc désormais épaulé que l’apprenti écrivain approche le métier d’homme. Il signe dans les Marines et se retrouve au Japon. Ses lectures l’enrichissent, sa conscience s’affine et la vie militaire s’avère difficile à supporter… à nouveau c’est par la violence qu’il communique jusqu’à ce qu’on s’aperçoive de ses qualités littéraires, de son potentiel / et le reste de son engagement s’effectuera dans les bureaux. Démobilisé, il s’essaie à une existence plus rangée, il s’inscrit à l’université. Plus tard il retrouve une indépendance, il devient éditeur. Voilà, en quelques lignes le cheminement de ce gamin devenu ce grand bonhomme. Si la résilience a besoin d’un exemple, Sam Hamill l’incarne à la perfection. Des modèles certes et pas des moindres... Camus lui offrant une voie : la possibilité pour lui de traduire toutes ses années éprouvantes en œuvre, il y parvient.      / Ce que l’eau sait / en témoigne, c’est beau tout simplement.      / Le poème qui ouvre cette anthologie est une Lettre à Han Shan-Tsou, en forme d’hommage à son vieux maître / le second, Requiem dédié à son mentor Kenneth Rexroth, est d’une grande force : cinq strophes aussi denses les unes que les autres...

1 / Tout le jour j’ai navigué dans l’obscure rêverie de la mer / et la mer m’a fredonné en retour cette vieille chanson / de l’été, « Aimer, c’est vivre », et le soleil s’est posé / en douceur sur les eaux. Le silence intersidéral entre / une averse / et une autre averse, c’est tout      /      ce que nous devons connaître de la vie / c’est que mourir ne signifie pas pour autant la mort.[…]
2 / Imagine qu’une voix humaine soit venue de parler […] laisse / cette voix nous apaiser, devenir un son plein de chaleur /qui fléchit à l’air et retourne / à la respiration qui lui a donné naissance, un son que / personne n’entendra […] /
Quand un homme accède au théâtre de sa propre / imagination /      il dépose là      tout son lot de souffrance, le compte interminable / de ses jours qui s’effacèrent / plus vite que sa foi. Son chant / coule de source. Sa musique est humble comme sa honte […]

Observant des ratons-laveurs / il prolonge
C’est seulement quand nous approchons, avec le / même naturel / d’une chose aussi secrète et vitale      / que notre respiration, que nous apprenons à faire confiance […]      / […] Ralentir notre allure / mettre nos pas dans ceux des animaux qui se / nourrissent la nuit /
ce n’est qu’un extrait, et à travers lui on comprends mieux pourquoi Jim Harrisson a écrit que Sam Hamill était un « trésor national »… sa poésie est une partie de l’Amérique, elle en porte sa construction, ses turbulences, son désordre, son histoire et sa géographie se lisent en lui / le Temps se lit.
C’est avec beaucoup de distance qu’il relate ses souvenirs et qu’il regarde son époque, nourrissant ses pensées et réflexions d’une sorte de sagesse acquise au fil des ans /
3 / [ ...]tiens-toi tranquille / Écoute. Serait-ce / le premier engoulevent chevauchant / la lumière jaune du soir ? Le son / de son appétit vespéral : pee-ik pee-ik pee-ik. / Je reprends le chemin qui me ramène à la maison,      / tant de choses disparaissent derrière nous,      tant de choses / sont à venir, et toute cette région / s’étend au-delà de toute compréhension, / au-delà de l’imagination. / Priez pour sa guérison.
4 / [...]      Une fois – il y a longtemps, c’est vrai – une fois      / je suis allé là-bas, seul, à la recherche / de Dieu-sait-quoi et j’ai trouvé / ce que les grecs avaient nommé Eikos, un lieu sacré, / le coucher du soleil était orange, /[…] J’ai marché un moment sans but, sans projet, mais / apprenant / apprenant lentement : les poiriers, les pommiers,      / un poney caché dans un enclos étroit
J’aime lorsqu’ un corps tamisant le minerai d’une longue marche en Soi n’en retienne que l’Or en lui / l’Or des jours pour Sam Hamill, cela pourrait être ça…
/      Tout ce qui m’appartient est dans mon cœur et mon esprit, c’est à dire / presque rien, un rêve
Probablement ce temps passé au Japon, son intérêt pour le bouddhisme, ses méditations l’oriente vers une vie plus sereine. Son militantisme, il le nourrit d’actions et c’est alors sans compter qu’il partagera son expérience à travers différentes associations et combats...      entre-autres les femmes battues… / Battue, dis-tu,      / pas abattue.      / Tu as pris ma main.      / ta voix était enrouée de chagrin.      [...] / Tu as pris      / ma main et j’ai pleuré,      / j’ai pleuré toute l’eau de mes yeux / […]
sa sensibilité l’amène à donner ce qu’il n’a pourtant peu reçu / tant d’empathie qu’il en oubliera un peu ce qu’il a subi. C’est à cette période qu’il rencontre l’auteure Denise Levertov, elle est de vingt-ans son aînée et partage ses engagements. Elle est proche de l’autre aventure poétique étasunienne, la Black Moutain review réunissant les écritures de / Creeley, Duncan, Olson.
C’est une nature désormais plus étoilée et bienveillante qu’il perçoit /
C’est l’été et il pleut, les araignées / tissent leurs toiles d’argent / dans les feuilles de bambou / et de la mousse du jardin / sortent de minuscules fleurs blanches.
Soir après soir, je m’assieds dehors / seul, / laissant filer ces dernières heures, / perdu dans la lumière mourante, / écoutant le chant des rouges-gorges, / Twee-dee, tweedly-dee

/      c’est avec cette douceur, cette nature lui montrant sa face cachée / une grâce qui semble s’être posée sur elle /      c’est désormais par elle, qu’il voit      /      par ce prisme qu’ il vivra ce 11 septembre / c’est,      à sa façon qu’il honorera les disparus
/ « A quoi bon la poésie des temps comme ceux-ci ? », interroge Hayden (1)      […] Je me suis assis, le 12 septembre / deux mille un de notre ère, / et j’ai lu Rumi, et j’ai embrassé le sol. […] Mais si / je ne me relève pas pour chanter / si je ne me relève pas pour danser, / les sauvages auront gagné

C’est plein d’amour qu’il chantera le reste de sa vie une Amérique et à travers elle, tous les sols, les territoires, les peuples. Il chantera la Terre car dans son cœur elle est le Ciel et parfois elle le montre / les lui offre à vivre ces instants de légèreté ou tout lui semble simple et beau. Même le Mystère
Vieil idiot que je suis, / Je suis bien dans ma peau. Chut ! / Écoutez le chant du moineau […] une poire pourrissante avec des abeilles / bourdonnant dans le nectar,      les exaltations de la / toujours industrieuse mouche.
Et vous ? Et moi ? Ne me / faites pas rire. Nos agonies / et nos excuses / ne sont pas plus nobles que celles d’une puce. /

De plus en plus souvent, l’Asie s’immisce dans ses vers, Basho lui fait signe et Grand Fou et Tout Fou      et Shih-shuang qui lui aussi a dû chercher en tâtonnant       / Sam Hamill guette la voyelle pleine ou élidée / la percussion e la consonne, il goûte les sons, il apprend      il s’apprend aussi bien en écrivant qu’en lisant et écoutant ses pairs : les modulations / qui fascinaient Denise. Les sept syllabes de Rexroth.[…]
Entre deux lignes, il cite le lascar taoïste / Héraclite / « le chemin qui grimpe est le chemin qui descend » / jusqu’au bout, il militera, dénonçant les troubles de ce M / monde, les mêlant à la clarté des petits choses, d’un quotidien, […] de ses observations
[…] Ma femme et assise dans le lit / appuyée à des coussins, ses lunettes / sur le nez, faisant / des mots croisés. C’est dimanche / matin. Elle se sent paresseuse. /
Elle sirote son café, / regarde par-dessus ses lunettes et fait : / « Belle journée, non ? » / J’étais en train d’écouter des cris venant de Jérusalem, plus de cris encore /
venant d’Afghanistan, / et un président qui crie / à la guerre. Mais je dis, / « Belle journée », et je fais du café et pars éteindre la radio.
/ […] sommes le corps / de notre allié et de notre ennemi, nous / sommes le corps politique et cet hymne profane, / notre chant universel.

Je ne crois pas me tromper en rapprochant l’œuvre de l’humble Sam Hamill de celle d’un Walt Whitman ou d’un Erza Pound, chacun d’eux constellant de mille mots l’espace qu’ils ont trouvé en leurs corps, leurs marches /      l’Amour, l’Autre qu’ils ont trouvé / le, nous… Dans les dernières pages de cette anthologie il rend hommage à un Ritsos errant dans les champs d’asphodèles… il le recopie : « […] voici nos miettes à partager / puisque nous sommes tous ensemble en ce monde, / et ici nos larmes et nos rires, / les uns dans les autres »
(1) / il s’agit de Hayden Carruth


/ assis dans le fourgon, j’apprécie prendre café en lisant un peu, en laissant regard allé où il veut […] /      sommes un, le / 16 septembre      / [...]suis dans ce Morbihan profond, un lieu en allant sur Paimpont / dans chemin celui qui mène à la[…] / [...]j’entends une voix forte, elle s’adresse à quelqu’un : l’éternité approche, l’éternité approche suivi de rires / je sais d’où ça vient, de cette vieille paysanne à la voix qui porte / elle habite la ferme plus haut / il y a quelques semaines lui ai rendu visite, j’avais appris qu‘elle avait perdu son mari aussi j’étais venu lui présenter condoléanc[...]l’avais cherchée longtemps, appelée, appelée / elle ne répondait pas / enfin elle se manifesta d’une fenêtre en étage / elle ne semblait en rien affectée, bien au contraire, elle pestait tout ce qu’elle pouvait après celui qui venait de la quitter :
« [...]sur son cercueil au moment de jeter une rose, j’ai dit : - tiens sale con ! »
Ensuite elle ajouta qu’elle avait l’âge de faire une belle morte,
« [...]faut pas tout le temps vivre, ma vie va se terminer et l’éternité va commencer[…] » /
et cela tout en riant comme elle le fait maintenant, elle avait prolongé : « faut mouri, faut mouri » /


CODA / ( Ostinato ), Estelle Fenzy. Cahiers du Loup Bleu / coll. Les Lieux-Dits. 2020
il faut mourri, faut mouri / nous le rappelle avec insistance la vieille bretonne et Estelle Fenzy la bien intégré cela, elle nous propose un petit livre / CODA ( Ostinato) /      avec pour thème sa, notre finitude / déclinant les multiples façon de la Tenir en respect cette finitude, et propose de devenir / sentinelle du monde / les amorçant ainsi ces strophes
Puisque la fin / […] Repousser la fin      / Protéger la fin / Voiler la fin / Tisser la fin      / Si vraiment la fin / […] préparer la fin / Sonner la fin / Tailler la fin / Prendre la fin de haut / Peindre la fin      / Faire fi(n) / Tenir tête à la fin / Oublier la fin / Libérer la fin / […] Concevoir la fin
et à la fin, /      Apaisée la fin
C’est dit, la finitude est nourrit / à un moment elle devient source / puisque l’infini
Le Tisser, l’écrire un peu / elle le fait Estelle Fenzy son petit boulot de colibri /
Que la mort      / nous prenne      / pour d’autres
elle l’écrit cela, elle termine chacune de ses strophes par le son / monde       / bien- sur on y entend / onde / dans
vêtus de la lumière / initiale du monde      / dans / de par le monde / à travers le monde / du monde / au front du monde / au monde / […] dans
Préparons chair contre chair / la gigantesque étreinte du monde /
elle nous prose cela cette auteure, de /      faire L’Amour, nous étreindre      de /
ramasser les éclats      /      les cristaux chatoyants      /      jusqu’au bout du monde
d’ouvrir des pistes -même imparfaites /
être la première à fouler un possible là ou elle est, avec ce qu’elle est, ce postulat me plaît bien / dans le champ des possibles, avec les mots, se donner      user      égo / s‘envisager sans visage / s’en-visager Océan      / silence superbe


Dites 33, Easy listing, 1( 3.33), Jacques Norigeon. Propos2éditions, coll. propos à demi. 2019.

Un listing donc... Une liste. / C’est un genre et il n’est pas le premier a s’y essayer, je pense à Joe Brainard ( I remenber), dans sa suite Perec et son Je m’en souviens / d’autres beaucoup d’autres, dans cette lignée une, Valérie Mrejen Mon grand-père, actant les faits et gestes de ce dernier / une, Sylvie Bonin Je me souviens du 17è arrondissement… / Là l’auteur, Jacques Norigeon / collagiste, s’ajoute à la « liste »… Lui aussi va y aller de son petit chant… et nous énumérer ce que corps-dit, ce qu’un petit corps dit / il l’a dit sa chose, il l’a dit sa rose invisible.      /      Sa      liste, il la commence par Trois silences fondateurs / Le silence de Saint-Pierre. Le silence des lois. Le silence de la Mer. /      Vercors pour terminus, pour un / vers le corps      Marcher dans un texte, remonter le Temps, le corps dans un texte / on peut encore trouver ces titres / Neuf livres perdus /      et dans celui-là : Treize souvenirs d’enfance / cette ligne, qui j’avoue pique un peu les yeux Préférer le martinet que la ceinture et fort heureusement pour la contrebalancer cela : Manger des fraises écrasées sur du pain      / Le grand écart offert dès la petite enfance, / l’incompréhensible déjà pour viatique le / Découvrir sa pauvreté dans un regard amical
Cela ne marche pas à tous les coups, l’écriture ne peut pas tout… Quand même parfois elle peut beaucoup      / lécher les blessures, à coups de phrases elle peut cela      / l’Art peut cela, vous apprendre qui vous êtes, là où vous êtes      / à aimer cela en vous, ce / qui vous êtes, là où vous êtes / à le tendre haut
à applaudir déjà des titre de films, in Quatorze films
One + one, de Jean-Luc Godart / Numéro deux de Jean-Luc Godart. / Sérénade à trois de Ernst Lubitsch. / […] La bande des quatre et cela va ainsi jusqu’au chiffre quatorze… ai pensé à Lanza del Vasto et son Chiffre des choses
in Dix-neuf plats que me préparait ma mère / il y a
la soupe à la tomate (chaude). […] / il y a LES MERVEILLES      /      l’homme Norigeon, manie l’humour in Vingt six vérités difficilement contestables
L’inconvénient de rester jeune, c’est qu’on meurt jeune
in ses Trente et une nouvelles du temps, dans son énumération de l’état du ciel, c’est le ciel qui cielle ses mots,      c’est le mouvement du ciel qu’il écrit
Nuages et pluie au sud. / Amélioration au sud.

Jusqu’à la route 66, Easy listing (34-66) paru en 2021 chez le même éditeur est le second Opus de cette trilogie, le troisième devant paraître en 2023. […] Jacques Norigeon énonçait dans Des chaussures pour les oiseaux, (éditions Cahiers du Loup Bleu / coll. Les Lieux-Dits.) : un / dérèglement des sens
« L’énumération au risque de la divagation », note-t ’il aussi quelque part
cela y ressemble bien, ivre d’être là      peut-être cela : l’auteur s’enivre,      use de la langue / par la langue s’use      l’auteur      en entendant quoi l’auteur écrit quoi / le quoi d’une vie-d’une vie pour quoi le trait, les traits d’unions entre les choses dites / les choses disparates      /      l’auteur a lu, a vu, a entendu des livres, des films, des musiques / il est en partie cela      ce qu’il a lu, vu, entendu des choses entre /
Des listes encore / celle Des Trente-cinq trous par exemple / des trous, des trous / on approche / celle des Quarante et un projets inaboutis       et / ah là, cette liste elle plairait à Louis Dubost / Quarante-quatre recettes d’escargots /      c’est sur un moment cela va déboucher sur la Lumière ce truc là… SUR LE VIDE / cela ne peut que déboucher sur le Vide,      ces Quarante-huit invitations mémorables / ces Cinquante-cinq jours inoubliables ô tout cela raconte une vie bien ordinaire, c’est un inventaire. Est-ce lisible, est-ce utile je ne sais pas il faut croire que oui / l’auteur lui l’a senti ainsi et cela suffit à justifier ses écrits, c’est une vérité pour lui / ô sûrement sur l’Océan, ce n’est qu’ un peu d’eau      /      juste un peu d’un corps en / cela / juste un peu d’un corps né nu sous      Soixante vêtements pour lesquels j’ai éprouvé quelque chose / Jacques Norigeon, et ce n’est pas péjoratif      c’est / Monsieur Tout Le Monde /      Jacques Norigeon par petits bouts se distribue /      Jusqu’à la route 66 souligne une petite présence là encore se mesure à (la) / (sa) démesure, le passage que je préfère / ce sont ses 65 confessions / oh ce ne sont pas toutes les siennes      / mais à travers je crois / il, un (il )s’étend / s’encre / s’hyme s’immortalise /      un homme se rose à La Rose,      et la ROSE EST UNE INVISIBLE CHOSE (en d’invisibles choses) et il le sait l’homme bavard qu’il est né Silence et qu’il y retourne      d’ailleurs il aurait pu le choisir le dit Silence pour l’exprimer sa Présence      /      il aurait pu cela      ne rien dire, ne rien tendre de ce qui l’a fait Corps      mais aurait-il été entendu son      Silence dans sa présence, sa Présence dans son Silence /      Et là est-elle entendue sa présence en ces listes… / ce cône qui aurait pour base un élan vers      quelque chose de plus grand      / qui aurait pour génératrices ces listes / pour sommet      US road 66 / une route


[…] / baie de La Baule, un (je) marche dans l’eau[…]un restaurant sur la plage… - Attends, je reviens , je vais voir / […] -Alors ? / - là pas y entrer pieds nus et en short évidemment, mais une prochaine fois, cela me parait bien, l’assiette de charcuterie avec un bon rouge[…]puis ce / là sommes un 22 septembre, 13h14 / oh une Mach 2, regarde, une Jaune !      du même jaune que ces minuscules fleurs jaunes tout le long de cette voie express I enjoy de voir cela      d’abord (je) la suis, m’ajuste à sa vitesse      elle fait un petit 90      puis (je) la longe, la dépasse cela se voit, le type est bien dedans      / là tout est là, concentré      tous les ailleurs et il y en a beaucoup,      en cette forme      cette Mach les porte toutes, les ombres, elle le porte / l’aimante le quoi
/ [...]      ce 24 septembre, […] ce matin ça clignote dans les brins, sur les jeunes extrémités du vieux romarin, il a repoussé le moineau      et tiens en voilà justement un, puis deux puis trois…ils sont là, ils reviennent les petits moineaux…une petite dizaine, ils trouvent leurs nourritures là, dans ces extrémités,      ils trouvent abri dans ses bois /      […]      maintenant, 10h09 / […] là avec petite mère, cela a commencé il y a trois jours, d’abord ses doigts tout gonflés / l’ont empêcher de pouvoir appuyer l’interrupteur de sa lampe de chevet pour l’éteindre, après avoir lu pendant vingt minutes, une petite demi-heure, comme elle fait d’habitude chaque soir.      Alors le lendemain elle a préféré ne pas lire et depuis ce n’est pas ça…      / ce matin elle n’a pas souhaité se lever, bien-sûr, cela m’a touché      / […] Michel Jeuvry, La charrette au clair de lune       / ai pris son livre commencé en main / [...] Nicolas Vannier, Le chant du grand Nord, Marie Chaix, Juliette, chemin des cerisiers / [...] Des livres, en ai trouvé d’autres à côté d’elle, de ses ailes presque      

/ B.N

image haut de page : Technique mixte. 2010 ; BN


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