ce fut le premier jour
elle avait cassé trois œufs ronds
lisses même pas souillés
trop propres pour être
honnêtes
c’était bon
la route avait donné
des visages aux arbres
toujours les mêmes
c’était le premier jour
qu’avait-elle fait de bien
_-cherché-
puis cassé des mots
enlevé la bogue
sans écraser
elle avait essayé
aux enfants de la classe
elle avait dit -comme eux-
mais c’était dans la craie
et la blouse bien roide
comme un insecte
mort
la longue patte du chat
écrit aussi des mots
ne sais pas lire le chat
elle a pensé
ce fut le jour suivant
elle avait aimé
la robe blanche bleue de la mère
le col tout blanc neigeux même l’été
les odeurs de sueur parfois
les odeurs
dans les trains les autos les classes
ce n’est pas moi
ce n’est pas moi
compter les vaches dans les champs
comme des semences qui bougent
surtout quand elle était petite
se trompait
elle avait aimé
marcher dans les villes qu’elle ne connaissait pas
derrière ses pieds découvrir
et ses yeux aussi
au dessus
manger
les murs les fenêtres
c’est moi qui marche
elle disait
comme marchaient les anciens
pour l’école ou les champs
je marche
et c’est bien
je
le sens de la vie
c’était toujours aller
se regarder vieillir
des rayures sur la peau
éléphant domestique
civil rugueux
une autre fois
elle avait eu un ventre
avec quelque chose
dedans ça poussait
comme une maladie
mais de la chair
tendre et transparente
d’abord
elle avait eu
mais sans peur
de tomber
pourtant c’était fragile
plus qu’une ampoule
qu’un verre
c’était le début d’un souffle
qui grandit
mais tout à l’intérieur
un truc complet
se souvenait
du petit haricot humide
sur l’hydrophile coton
du têtard
des petits lapins roses
se souvenait
mais ne le disait pas
un petit d’homme
c’est du sérieux
le petit d’homme et de femme
sera essuyé aussi
par l’hydrophile coton et puis démaquillé
car ce fut une fille
le troisième jour arriva
le soleil avait des pattes
signe de pluie disait sa mère
ce sont les nuages qui courent
pensait- elle
mais ne voulait pas contrarier
les belles images
dans l’auto se disait
c’est bête de parler de soi
alors elle parlait d’elle
c’était un drôle de jour
triste vraiment triste
pas moyen de casser
les mots
les larmes venaient avec
et les mots mouillés
ça enrhume
elle était un peu fragile
des bronches
le quatrième
elle n’avait pas écrit
un concours
de circonstance
elle n’avait jamais gagné
de concours de circonstance
jour 5
le ciel était plein d’algues
et de rocher vivants
assise gate 62
avait l’impression
que le chariot à lugages
lui tendait ses petits bras de fer
viens disait- il
mais en allemand
l’enfant dormait comme un enfant
H. S. ses initiales
c’était beau
des autoportraits sans mensonge
et des femmes au regard
au regard qu’on ne sait plus
dire serait les mentir ...
dans le quartier ancien de F.
des portes serties de monstres
et vint le sixième
sous le pont
eau fleuve rivière
aller aussi
pas le choix
sans bateau aujourd’hui
des oies des canards
elle pensait
à l’écureuil joyeux sur la palissade
des images d’enfants qui couraient
comme l’écureuil
mais qui n’étaient pas joyeux
des images
c’est peut être la rivière ou la ville
des enfants pas joyeux
et des femmes
et des hommes pas joyeux
ou c’est P.
qui emplit son cœur
ça charroie
comme les brindilles et les branches
sur les eaux bouleversées
après les crues
des résidus
pourtant du vent qui pousse les nuages
pas de pluie
des résidus
dans l’avion au retour ça bougeait
pensait aux enfants
qui peut être aujourd’hui
découvraient le mot
liberté
avec deux ailes
comme disait
V. R.
celles d’Apollinaire pour ne pas l’oublier
liberté
un peu honte d’être solennelle
mais personne dans l’avion ne lisait
dans sa tête
turbulences
le septième jour elle prit
la route
et une vache en photo
le huitième
aurait aimé se reposer
serra sa tête entre ses mains
comme celle d’une inconnue
et lui dit des mots doux
comme la peau
d’un petit d’animal
la reposa plus légère
et sourit
jour 9
elle refusa
la tristesse
qui faisait du porte à porte
lui dit non merci
je n’ai besoin de rien
ouste
du balai
puis avait regardé
le vent bouger les branches
pensé
aux autoportraits
de H.S.
un regard qui rentre
sous la peau
comme un couteau rouillé
le 9 ème jour
elle avait trop parlé
en avait mal au bras
la lumière
s’était couverte
de lacs et de rochers
traversé la nuit
comme une voleuse
une pie
jour 10
jour arithmétique
un chiffre rond 0
zéro comme un ventre plein
1 miracle vrai 1 fil 1 autre soi
qu’il faut tenir comme un langage
c’est pour cela qu’elle redit
le nez écrasé
dans le drap
le chat calcule la nuit qui tombe
11
un nombre déchiré
elle mesure toutes les distances
avec ses mains et ce jour là
sur l’avenue
restait peu d’espace
entre
des millions de gens
comme une colonne vertébrale
12eme jour
chaque fois
la main posée elle retient
la porte avant
chaque fois
dans cette allée
elle a
elle a 8 ans
et va poser ses joues -partout-
dans cette allée la voix
_-mais plus de voix-
la route
macadam doux puis granuleux
la voiture doute
mais va
13
ce matin là
la lumière désobéit
_-elle appuie- allume éteint
tout à l’envers elle cherche
un peu
la peau de l’autre
pour lui faire
les mains
trop blanches de l’amie
avec ce je ne sais quoi
de précieux
ou de petite fille qui joue
raides sur ce tissu
sans couleur
et le faux vent de carton pâte
la mort se ressemble toujours un peu
elle pense les mains posées toujours
les paumes cachées
s’entraîne à la mort
les gestes recommencés
comme pour préparer
la fin
qu’elles se collent
se disent
se rassurent
les mains
et
ailleurs
vivre tous les baisers
du monde
sur sa chair le grand bazar
ça tangue et reste comme des petits bleus
qui parlent quand on appuie
dessus
jour ne sait plus
la viande se gorge
brunit grille
parle comme un corps
n’osons pas
le ventre les mots
la viande se déchire et disparaît
la gorge bêle
un petit animal mort
et un autre
se meurt devant une citadelle
d’amour
á C...
loin
dans le froid
comme ça