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La poésie doit-elle être lue devant un public ou peut-elle se passer de public ? Réponse de Roland Cornthwaite

samedi 15 juillet 2017, par Cécile Guivarch

La poésie doit-elle être lue devant un public ou peut-elle se passer de public ? Sa spectacularité, sa mise en scène, me dérange. Le poète n’est pas, ne doit pas être un acteur, me semble-t-il.

(Commentaire posté par ZAPAQUILDA, suite à la page consacrée à la poésie de Roland Cornthwaite)

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La réponse de Roland :
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« La poésie »
Peut-être faut-il commencer par une forme d’évidence : La poésie est toutes les formes qui la font exister, plus toutes celles qui restent à inventer, plus toutes celles qui ont déjà été explorées et sont parfois tombées en désuétudes et qui peut-être un jour se réveilleront.
Le mot poésie vient d’un mot grec qui signifie « faire, créer ». Elle porte en elle l’action, bien avant la transmission écrite - et toutes les cultures sont concernées par ce qu’en occident on appelle poésie, mais qui peut être une mélopée, un chant, une incantation, une litanie, un psaume, un appel, un remerciement, une revendication, un éloge, la mémoire d’une action, d’une lignée ou d’une généalogie… Elle porte donc en elle une idée première de nécessité. (Mais cet aspect devrait être creusé.)
Dans le mot « poésie » ont place aussi souvent un « souffle », « anima », qui donnera les mots « âme » mais aussi « animal », pour le mouvement.
Non, l’auteur quand il lit n’est pas un acteur. L’auteur qui lit ses propres textes y replace son souffle exact. Il offre des clefs pour mieux entrer dans son travail d’écriture. Il anime ses propres mots. Cette respiration devient une ponctuation nouvelle. Entendre le poète lire aide à mieux le lire, même s’il est un mauvais lecteur.

« La poésie doit-elle être lue devant un public ou peut-elle se passer de public ? »
La poésie écrite a besoin de lecteurs. Ceux-ci alimentent une chaîne qui va de l’auteur au livre reçu entre les mains. C’est le principe du livre et de son édition. Les lecteurs sont donc indispensables à « la poésie », mais aussi aux éditeurs, à toutes les mains qui s’affairent autour, et également aux structures qui font la promotion de la littérature, ici particulièrement de la poésie.
Dans ce travail de promotion, se trouvent liés aussi bien l’auteur, l’éditeur que le libraire et d’autres formes qui font se rencontrer les lecteurs et l’auteur, écoles, prisons, club de lecteurs, médiathèques, etc. Dans ces occasions, le lecteur devient un « public ». Parfois la rencontre ne se fait pas bien : le livre lu n’est pas au rendez-vous, ou la voix n’est pas celle que l’on attendait, ou les conditions d’écoute sont brouillées, mauvaises, parfois…
Il existe aussi tout un développement, en lectures publiques, de scénographies, de mises en espace, de liens avec la musique, la danse, les arts plastiques, vidéo, cinéma… Cette liste est forcément ouverte.
Tant que les procédés scéniques ne nuisent pas au texte, à sa perception, à sa compréhension. Mais parfois la question est très précisément dans la transmission, dans la réception, ou entre les deux. Ces croisements sont souvent fertiles et viennent enrichir les textes. Ils ne retirent rien au plaisir de la lecture personnelle, ils la nourrissent souvent.

Plus personnellement, je ne suis pas « tenu » à devenir public de lecture. Nous sommes, dans le monde occidental, pris par l’idée de lecture intimiste. Nous tenons dans l’espace privé entre la page et les yeux, entre le texte et sa réception personnelle. Chacun a la liberté de saisir la poésie par ce qui le touche le plus.
A la dernière question de Clara Régy : « Quels sont les 3 mots que tu associerais le plus volontiers à celui de « poésie » ? » je réponds : « Liberté, langue, embrasser ».
Le premier mot est « liberté », et ce court développement me semble y répondre en partie.
Le deuxième mot est « langue ». La poésie saisit la langue, la tord, lui donne une expressivité que la société lui fait perdre tous les jours dans les lieux communs où elle nous enferme, dans les « novlangues » dont nous reprenons les termes sans nous en rendre compte, les yeux fermés sur les réalités qu’elles contiennent, ou entièrement vidées de leurs sens.
Le troisième mot est « embrasser », car la poésie peut tout prendre, saisir, embrasser. Elle est un monde sensible, finement. Elle peut parler à chacun et chacun peut y trouver une voix qui lui convienne…
Bienvenu sur les continents « POESIES » !

Et finalement, cher ZAPAQUILDA, merci pour ton commentaire qui m’a permis de construire cette réponse, ouverte bien sûr à d’autres questions.


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