Jean-Christophe Ribeyre - Des oiseaux plein la voix ; ill. Cécile A. Holdban – L’Ail des ours (collection « Graines d’ours »), 2024
Grâce à la densité de l’atmosphère, la voix humaine est audible, et sans doute seulement sur terre. Pourtant, cette voix pleine d’oiseaux de Jean-Christophe Ribeyre prouve le contraire tant elle nous porte vers les cimes. Rien d’étonnant si l’on connaît l’un de ses plusieurs, cette apparence de passereau passeur de voix multiples qu’il revêt sur sa page Facebook « Croire en nos poèmes ». Où Jean-Christophe Ribeyre partage les poèmes d’autres êtres de plume, en toute prodigalité.
Et s’agissant de multiplicité démultipliée, que dire de son binôme graphique, Cécile A. Holdban, peintre, autrice, traductrice, voix radiophonique sur Aligre fm et revuiste (Ce qui reste). Une alliance artistique à tout le moins féconde pour ce numéro 5 de la collection Graines d’ours destinée certes aux jeunes gens, mais aussi aux belles âmes et pour tout dire aux esprits toujours neufs, comme la nouvelle année, le vin nouveau et l’art de l’enfance, aussi volatile qu’ineffable.
Graines d’ours est l’une des trois collections développées par L’Ail des ours. Michel Fiévet, directeur de publication, l’engendre en 2022. Elle compte à ce jour 6 opus : Pouvoir rêver, Les couleurs du jardin, A l’intérieur de moi, Par les chemins sublimes, Des oiseaux plein la voix, Et toi ? Chaque titre porte les signatures d’un poète et d’un illustrateur, considéré comme coauteur.e. C’est dire si le dialogue artiste / poète est fertile, sans redonder jamais. Rythme, musicalité, sincérité sont au cœur de la rencontre texte / image.
Chaque numéro comporte une cinquantaine de pages au format 12 x 15 cm, est conçu sur papier Arena Bulk Natural (100 g.), relié, collé. La couverture illustrée en couleur est réalisée sur papier Arena Natural Smooth (250 g.). De quoi ouvrir assurément l’appétit des lectrices, désaltérer tout lecteur.
Valérie Linder est la directrice de la collection. Elle en assure la réalisation. C’est elle qui compose chaque livre et parmi les déjà parus, en a illustrés les deux tiers.
Enfin, l’on peut jouer avec les titres de ces Graines d’ours et fabriquer en les assemblant un nouveau poème. La preuve :
Pouvoir rêver les couleurs du jardin
A l’intérieur de moi,
Par les chemins sublimes,
Des oiseaux plein la voix...
Et toi ?
Mais ouvrons le livre. Et l’ouvrant, qu’y voit-on ? Un oiseau vert et jaune apparaît entre les mots tandis que se ferment, en songe, les yeux. Parmi les branches décharnées, des fruits aux plumes anthracite viennent aux pupilles à travers le bleu glacial du ciel et les flocons. Ils sont l’autre côté du miroir des phrases à lire dans le poème qui parle de réconfort. Au cœur de la forêt, un arbre emporte le regard. La lumière fait sur lui resplendir une ombre qui porte, comme autant d’oiseaux, toutes les couleurs. Mais les oiseaux sont dans la voix du poème qui regarde l’arbre.
Sur les ailes des pages, à présent il y a d’autres arbres en bouquet. Ils font signe dans le rose et le bleu dorés de l’aube et l’on dirait que la ramure de la futaie, c’est elle qui écrit le texte derrière les yeux clos de celui qui fait venir les mots pour celui qui lit dans l’embrasure des paupières.
Les verts, le roux, le rouge de la forêt nourrissent la pulsion scopique à l’écoute du chant dans le poème empli de secrets d’oiseaux – cette voix éteinte écrite qui s’allume à la lecture et se déploie en fresques qui respirent et réparent. Dans le clignement des yeux apparaissent des portraits furtifs d’oiseaux volés aux instants. Ils viennent dire la légèreté de la voix singulière qui toujours s’illumine et nous cause d’indicible en partage.
Entre les mots déroulés surgissent des compositions florales délicatement improvisées sur les margelles et dans le bassin des fontaines. Ce sont des hymnes à la beauté entr’aperçue puis offerte subrepticement à l’enfant en soi, cantilènes énoncées douces que fredonnent tous les commencements, ces murmurations vues par la voix, celle pleine d’oiseaux chanteurs de vie, la simple, la belle vie.
Extraits
Je ferme les yeux, je rencontre
ce que je ne voyais pas,
je suis d’un pays
que je ne connais pas,
je parle une langue étrangère
venue d’entre les mots,
un poème arrive,
je ne sais pas où je vais,
herbes et sources me conduisent
doucement
en moi.
*
Les mots que j’entends,
que je lis,
reviennent d’un pays lointain,
ce sont des oiseaux migrateurs,
ils m’invitent à traverser les mers
et venir me poser
au creux d’un arbre
où je suis bien,
un arbre
sans racines.
*
Le bruissement des feuilles.
Des pépiements.
Une fraîcheur
tout juste éclose
du noisetier.
Qui passe à pas de mousse
sur tes paupières
fermées ?
*
Qu’attend-il
posé sur la barrière
cet oiseau dont j’ignore
le nom ?
Est-il comme nous ?
A-t-il besoin
de croire en ses propres ailes
avant de prendre
son envol ?
*
Va vivre de tes rêves
dans les contrées sauvages,
dans la ville voisine,
va vivre dans les branches
du cerisier, dans les nuages,
va vivre aux rivages
des rivières et des nuits,
va vivre dans la mer
immense, les buissons,
va vivre dans les neiges
vertes, les saisons étranges,
va vivre, surtout, va vivre,
va vivre de tes rêves.
(Page réalisée avec la complicité de Roselyne Sibille)
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