Voici de magnifiques bifurcations rendues tangibles par ce petit livre de Zéno Bianu,
Qu’est-ce qui rassemble des peintres tels Giovanni Bellini du Quattrocento, Tanguy, Miro, Van Gogh et des musiciens de jazz, Chet Baker, John Coltrane, un récit de l’écrivain Georges Bataille et le maître tantrique Tsangyang Gyarso, Rimbaud, Paul Eluard et le poète de haikus japonais Taneda Santôka ? Sinon l’exercice ébloui de cet « abécédaire lumineux » que nous offre ici le poète Zéno Bianu.
Ce livre ouvre un vrai bonheur de lecture. Dans l’esprit d’un précédent recueil Le Battement du monde paru aux éditions Lettres vives et que Zéno Bianu avait consacré à La Nuit étoilée de Van Gogh. Le bleu devient ici l’objet de variations multiples sous le regard exalté d’une subjectivité.
Cet opuscule bien plus copieux que le titre ne le laisse entendre fait du bleu la couleur majuscule de l’univers, sa respiration, voire la matrice originelle qu’approche dans sa plongée l’apnéiste Natalia Molchanova.
« Le bleu, écrit Bianu, est une hygiène de vie. Hors l’immensité, point de salut, nous souffle-t-il. Le bleu voit grand. Toujours. […] Splendidement immatériel, fluide, et pourtant chargé à travers les temps d’une épaisseur surnaturelle ».
Lisons ce que Zéno Bianu écrit à la lettre « H » de son abécédaire :
« Bleu haïku »
… Un homme avance sur des versants ardus. Sans doute un ermite, un « homme-montagne », comme disent les sages. Il avance pour aller plus loin – plus loin à l’intérieur de soi. Il s’en va rejoindre le cœur du bleu. Méditer sur la naissance des nuages. Pas à pas, entre ciel et cime, agrippé à la roche nue, relié aux forces vitales de l’univers. Bien loin des rumeurs du siècle. »
Magie des correspondances et des analogies : ce livre est un partage du poète, de ses itinérances, de ses enchantements.
Petit éloge du bleu, Zéno Bianu, 2020, Gallimard.
Marie-Hélène Prouteau