Terre à ciel
Poésie d’aujourd’hui

Accueil > Bonnes feuilles (2) > Itinéraires non-balisés N°16, Georges Cathalo

Itinéraires non-balisés N°16, Georges Cathalo

vendredi 6 décembre 2024, par Cécile Guivarch

 
Cécile GUIVARCH : Si elles s’envolent (Au Salvart éd., 2024), 74 pages, 12 euros – 1, rue de la Ferme – 78125 Vieille-Eglise-en-Yvelines ou hmartin.digny@yahoo.fr

Sous l’enseigne « Au Salvart », Hervé Martin est un éditeur économe de ses publications. Avec ce 6° titre en trois ans, il a choisi de donner à lire Cécile Guivarch avec quelques dizaines de poèmes où l’on retrouve le ton de cette poète très active sur le front pacifique de la poésie vivante. En sondant sa mémoire familiale, elle fait revivre celles et ceux qui ne sont plus là et qui, le plus souvent, se sont épuisés à des travaux obscurs. Elle revient sur ces époques troubles et troublantes où misère et malheur étaient le lot quotidien de beaucoup de femmes, « toutes si vivantes et à travers les siècles / à répandre la vie sans étouffer les morts ». Toutes ces figures anonymes ou presque « s’animent dans des activités quotidiennes ». Cécile Guivarch sait les mettre en lumière par leurs prénoms, évocations légères de proches ou de figures connues. Elle interroge son enfance pour mieux appréhender un présent fragile et absorbant. La dureté de l’existence est superbement traduite avec ces « échines courbées dans les champs ». Tout en assumant pleinement sa féminité et son indépendance, Cécile Guivarch concède cet aveu : « je suis toujours cette petite en moi ». Souhaitons qu’elle le demeure encore longtemps, ce qui lui permettra d’écrire de beaux poèmes et de s’affirmer grâce à la fluidité d’une poésie déjà reconnaissable.

 
Jeanine SALESSE : As-tu rejoint l’ île ? (Petra éd., 2024), 84 pages, 16 euros – 12, rue de la Réunion – 75020 Paris ou info@editionspetra.fr

Qui donc n’a jamais été confronté à la lente déchéance puis à la disparition d’un « être cher » en raison d’une longue maladie ? Cette épreuve, c’est celle qu’a vécue Jeanine Salesse avec son amie Jeanine Baude qui souffrait d’un cancer. Elle a su l’accompagner dans ce douloureux parcours que ce soit chez elle à Paris ou bien dans sa demeure de l’île d’Ouessant jusqu’au dernier souffle quand le couperet tombe : « Tu n’es plus » après dix jours à l’hôpital et que « quelques mois ont suffi /pour te jeter à bas ». La crémation (« Tu passeras par les flammes ») et les cendres dispersées sur la lande bretonne donnent l’impression d’un effacement définitif alors que l’on peut affirmer que l’on existe grâce aux livres. C’est là en effet « où la lumière dit Non au néant ». En 71 poèmes habités et pudiques, brefs et percutants, Jeanine Salesse ne se gave pas de mots ou d’euphémismes. Elle utilise les termes terribles de tumeur, morphine ou cancer sans volonté d’écriture morbide. Elle convoque le poème pour tenir tête au destin : « Juste revanche / le poème / Il prendra la vie en charge ». Lisons cette plaquette délicate comme une invitation à ne pas sombrer dans la déréliction.

 
Jean-Louis RAMBOUR : La bonne volonté de vivre (L’herbe qui tremble éd., 2024), 42 pages, 10 euros et Y trouver la fièvre (L’herbe qui tremble éd., 2024), 94 pages, 16 euros – 6 place Normandy – 64140 Billère ou editions@lherbequitremble.fr

Fidèle des élégantes éditions de L’herbe qui tremble, Jean-Louis Rambour donne à lire deux ensembles de poèmes d’une rigueur poétique qui ne nuit jamais au lyrisme ou à la narration. En effet, après plus d’une quarantaine de titres en autant d’années de publication, il est quasiment impossible de figer ce poète dans une case même approximative du puzzle poétique de ces dernières décennies. Pour Rambour, le premier livre se présente comme un révélateur de ce qui lui reste à vivre « puisqu’il s’agit bien de contempler une vie à rebours ». Et, comme il ne s’agit pas de tricher, il concède cet aveu : « je ne me reconnais pas dans les oiseaux en fuite » ou dans la fragile poésie car « jamais l’existence de la poésie ne sera certaine / pas plus que la vie sur un astre lointain ». Le second recueil est une suite de 70 poèmes de 24 vers non-ponctués sauf pour le point final de chaque texte. C’est une poésie surprenante qui aspire le lecteur puis le laisse perplexe au bord du gouffre des interrogations : « À la fin de la page on médite / sur chaque mot évité » car le poète n’est dupe de rien et voit « les mots / comme des habits trop grands / pas à la taille des idées des vérités ». Découvrons ces deux livres en suivant le poète qui nous entraîne par exemple dans des trains de nuit ou des errances citadines.

Georges Cathalo – août 2024


Bookmark and Share


Réagir | Commenter

spip 3 inside | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0 Terre à ciel 2005-2013 | Textes & photos © Tous droits réservés