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Lectures de Mathias Lair (juin 2022)

lundi 2 mai 2022, par Cécile Guivarch

François Thiéry-Mourelet, Brise dans le miroir, éd. Sans escale

Voilà un poète qui a du souffle. Qui nous fait renouer avec les grandes élégies tout en étant résolument moderne. Est-ce parce qu’il est marin ? François Thiéry-Mourelet nous décrit ses diverses escales de par le monde, peuplées d’étranges personnages et parfois de quelques belles, plus ou moins. Il nous parle du vent et des vagues, de sa navigation à la poursuite, dit-il, de Brise… On imagine un chant porté par un vent léger, doux et caressant, le poète tel Ulysse à l’appel des sirènes, enfin détaché de son mât… Je ne peux m’empêcher de remarquer le double sens du mot : l’inaccessible objet de sa quête l’aurait-il brisé ?

Peut-être est-ce au fond d’une tempête qu’il l’a enfin rencontrée, dans le dernier poème du livre :

Brouillée d’eau venue de nulle part, Brise m’a rejoint.
Nous jouissons du silence et de l’infini.

Dans le poème précédent, le quatre vingt huitième :

Je ne suis rien, je serai avalé.
Cadavre flotté, je me laisserai glisser dans l’eau,
Sancir dans la fosse molle,
M’engourdir et, à la grande forme blanche,
Je ne ferai aucun signe.

Ainsi la mort se conjuguerait à l’amour : de l’une à l’autre la simple inflexion d’une voyelle.

Il n’y aurait rien à regretter puisque c’est ce désastre qui lui a fait courir le monde, à la recherche d’une étoile qui l’attendait au fond des mers. Car c’est le vaste monde que nous donne ce poème, le monde comme kaléidoscope où se multiplient, se combinent et se pulvérulisent les bêtes et les gens, les fleurs et les bois de Floride et d’Andalousie, de Lima, de Lipari, de Bali…

Les nords aussi avec les forêts scandinaves,
Les plaines de Sibérie, les maisons rouges du Québec
Les moustiques et le vent, les hôtels pouilleux
Où se réfugient les fuyards et les errants.

Il fallait la respiration du vaste océan, la vue perdue au-delà de l’horizon, l’eau comme un miroir de l’errance pour produire cette voix, cette écriture qui fait penser aux amples périodes d’un Saint John Perse, d’un Édouard Glissant – tous deux îliens, portés par les flots, et à ce titre voyageurs du Tout-monde.

J’aime à penser que, porté par les flux, lui aussi, François Thiery-Mourelet ne serait que le simple intercesseur d’un poème océanique…

Mathias Lair


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