« Ecrire et dessiner sont identiques en leur fond ». Cette affirmation de Paul Klee, Luce Guilbaud pourrait la reprendre à son compte. Dans toute son œuvre. Elle est celle qui peint, elle est celle qui écrit. Les 27 monotypes et poèmes de son dernier recueil sont autant de poèmes peints. Quelques éléments figuratifs, à peine, un chat, un marron, un oiseau, perdus dans des taches de couleur.
Véritable kaléidoscope de mots et de couleurs qui vont du blanc au noir. Entre les deux se joue un glissement de couleurs. Insensiblement de l’une à l’autre, deux à trois pages pour chacune. Chaque page est un carré ou un rectangle comprenant, sur la partie haute, le monotype, en bas, le poème. La règle que s’est donnée Luce Guilbaud :
L’iris violet a tout pour plaire
élégance et douceur
pourpoint de velours à crevés
il écrit à la plume
ses messages d’amour
à son amie d’au-delà des mers
Cela produit l’impression d’un fondu enchaîné. À l’image de la vie. Surgi du blanc, le vers d’abord rayonnant nagent quelques cygnes / le cerisier neige /, et soudain : la mariée oublie son mari. La dissonance est là. Comme souvent chez elle. Nous voici dans l’étrangeté.
Du rouge baiser au gris de Pompeï, c’est le tremblement de la vie. Un monde d’analogies nées d’un flux d’impressions, d’associations, de jeux sur les mots. Sans oublier un petit clin d’œil aux couleurs de « Voyelles ».
Ecoute la couleur
comme elle bat du cœur
pour dire une histoire
ou la musique
écoute la couleur
ses pinceaux enflammés
ses danses brillantes dans la lumière
sur mon papier la couleur
traverse des océans de blancheur
Tel est le contrepoint entre l’apparente et trompeuse légèreté et la gravité secrète si caractéristiques de cette artiste.
Marie-Hélène Prouteau