Apprendre à perdre, à tomber, tel semble être le fils conducteur de ces textes écrits dans le frémissement d’une journée autour d’un café ou d’un repas de famille où affleurent les non-dits, la tendresse maladroite, le souvenir de ce qui fut transmis, le manque d’amour, la vie qui s’en va parfois sans être vécue.... A travers une écriture à la fois très quotidienne et terriblement profonde, Cécile Coulon épingle nos petits arrangements avec l’existence de manière très incisive : "Je sais que cela fait mal de n’être qu’une ombre / parmi les ombres, qu’un chiffre dans un nombre,/je sais que cela fait mal, atrocement mal,/de se répéter chaque matin/que tu n’as plus l’âge de ces choses-là,/ qu’aujourd’hui les choses vont comme elles vont, /et après tout tu as de la chance d’en être arrivé là.. Je sais que cela fait mal d’avoir des rêves coincés en soi/comme des cales dans une porte. Je sais que cela fait mal de penser qu’on ne sera plus/jamais amoureux comme avant parce que tu as pris du ventre/et des idées noires, et tu as peur de ne pas t’en sortir au lit, et ailleurs./ Je sais que cela fait mal mais crois-moi,/ tu y arriveras de nouveau, à vivre tendrement. » Il s’agit alors de tenir tête aux journées sans beauté, aux têtes baissées, aux certitudes pour se construire une belle histoire par-delà l’échec et l’inévitable fin. Apprendre « à finir sans avoir échoué » à travers ce radeau du langage salvateur quand un « mot contient un monde » : « Je me cache derrière mes poèmes/parce qu’ils sont plus forts/que moi. » Se souvenir seulement de le douceur lorsque tout semble abîmé et n’ayant plus rien, ne plus avoir peur : « Comment faire pour choisir entre ce que je veux et ce que je dois :/commet faire pour maintenir un pied brûlant/dans une rivière glacée sans que l’eau perde/ de sa fraîcheur et de sa peau de fièvre ?/Comment faire pour perdre et ne pas pleurer d’avoir perdu ?/ Comment faire pour apprendre que tomber/est le meilleur moyen d’être au plus/proche de cette terre/qui, elle,/ne nous a jamais déçus ? »
Extrait :
« Ecrire un poème, c’est découper en soi un morceau de silence
Trempé de honte et d’inquiétude, puis on le fait sécher
Sur une branche longue ou sur un fil tendu
Entre deux maisons hautes,
Le vent souffle dessus, le soleil l’entortille
Et quand il est bien sec on l’offre à ceux qui savent
Qu’un poète est à la fois un vieillard et une jeune fille. »
Véronique El Fakir
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