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Marie Ginet

samedi 19 juillet 2014, par Cécile Guivarch

Extraits de Dans le ventre de l’ange

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Ces poèmes ont été écrits en mai 2014 sur la péniche Ange Gabriel navigant entre Namur et Béthune et ainsi donc : Dans le ventre de l’ange.
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Départ Namur l’Ange Gabriel quitte la Meuse. À la sortie de la ville, avant la première écluse, c’est presque encore bucolique : des portillons de lilas et des passants de halage
agitent pour nous les bras dans la grisaille.
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Peupliers ouvrant leurs feuilles contre l’averse du printemps et cet hiver au bord à bord de la mémoire et du futur. L’impermanence en floraison - fanée déjà - l’incertitude mêlant sa sève à la salive de nos baisers.
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Par le hublot passe le monde : des cormorans séchant leurs ailes sur le faîtage des hautes branches, l’écorce blanche des bouleaux, leur craquelure, des ponts d’acier profilant l’ombre.
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Des graffitis d’amour et de solitude sur les piles du pont
un ballon d’enfant bleu qui flotte à l’arrière des usines.
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Par le hublot passe le monde : briques noircies, relent d’enfance, charbon sans gloire, coulant sa morve jusqu’au canal, Sambre rouillée.

Des peupliers tremblants debout, des boutons d’or sur les talus, et des usines si moribondes qu’elles font photos pour amateurs comme un porno qu’on passerait dessous la cale et loin des anges.
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Des graffitis
criant couleur dans la pénombre des hangars
criant révolte au cul tâché des camions bennes.
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Des cris de martinets ras de l’eau 1er mai, réouverture du printemps, scansion recommencée - course .

Des gouttes de pluie à peine, des larmes retenues à la lisière de la joie et de son envers. Une sensation de trop ténu, trop serein : la vie dans son infrangible délicatesse : un étang de silence gris bleu sans vague ni coupure : point d’acmé de l’amour comme crête de vague argentée dans les criques du Gaou...et ensuite...

Ma ligne de flottaison rejoint l’ignorance.

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Quel ange aurait - aura - pitié de notre sauvagerie - turbine de métal découpant l’arbre de vie ?

Tout. Tout à réapprendre, tenir, sanctifier.


Mini entretien avec Roselyne Sibille

D’où vient l’écriture pour toi ?
D’émotions avant tout. Des émotions qui peuvent être très différentes les unes des autres. Dans Souffles nomades, mon premier recueil, il y avait pas mal de colère face à la chasse au rroms, au machisme, au racisme, à l’injustice en général. Dans le second (Pulsation), j’ai voulu avec Marie-Madeleine témoigner de l’émotion amoureuse, de son pouvoir de bouleversement. Face à un arbre, à un fleuve, à la nature j’éprouve aussi cette émotion que je cherche à traduire. En ce sens l’écriture est un antidote à la banalité. L’émotion est physique pas simplement intellectuelle : une odeur de laurier, la vue d’un cerisier en fleurs, d’un fleuve en crue, d’un visage peuvent la faire surgir.

Comment travailles-tu tes écrits ?
J’écris d’abord à la main sans m’interdire les redites. Puis j’élague, je modifie, je numérote parfois des fragments. J’ai besoin rapidement besoin de dire et d’articuler le texte naissant. Ensuite je passe à l’ordinateur qui permet d’ordonner. Puis j’imprime pour visualiser le texte. Enfin je le lis à voix haute. J’aime bien m’enregistrer aussi pour entendre comment ça sonne et pour élaguer de nouveau si besoin.

Quelle part occupe la poésie pour toi au quotidien ?
La place de l’oxygène.

Que t’apporte l’écriture ?
De la liberté, de la curiosité pour les gens et les choses, de la sérénité, une acuité du regard et des oreilles, une excellente technique de séduction, des amis, des amours, des ailes intérieures... et, lorsque je conte pour eux, des fou-rires d’enfants.

Quelle est ou quelle serait ta bibliothèque idéale ?
Une bibliothèque immense pleine de livres : de la poésie bien sûr, mais aussi des romans, des pamphlets, du théâtre, des correspondances. Plutôt moderne mais pas exclusivement, je voudrais des styles, des genres, des voix différentes, des odeurs de papier - et si le bibliothécaire est d’accord - des livres lus à écouter la nuit.

Quels sont les trois mots que tu associerais le plus volontiers à celui de « poésie » ?
Liberté. Présence. Clarté.

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Notice bio-bibliographique

Passionnée de littérature contemporaine, de poésie et plus particulièrement de poésie orale, Marie Ginet se produit depuis 2005 sur les scènes slam et poétique de France et de Belgique sous le pseudonyme d’Ange Gabriel.e. Formée aux ateliers d’écriture à l’ALEPH, elle anime régulièrement des ateliers mais aussi des rencontres littéraires notamment pour Escales des lettres et produit des émissions radiophoniques consacrées au slam et à la poésie.
Nominée pour le prix de la Vocation en poésie en 2000, elle publie en 2010 aux éditions L’agitée le livre album Souffles nomades, préfacé par Jean-Pierre Siméon, lequel salue une « langue drue, qui a du souffle » mais « sait aussi dans l’apnée soudaine ménager sa part de silence. » Son nouveau recueil (Pulsation) préfacé par Dominique Sampiéro est paru à L’agitée en mars 2014. Il interroge la figure de Marie-Madeleine et notre rapport contemporain à la spiritualité.
Marie Ginet est auteure et interprète du spectacle Je nous tiens debout mis en scène par Anne Conti et produit par La Générale d’Imaginaire. Avec ses deux complices du collectif Les Encombrantes, Amandine Dhée et Law’Rible, elle questionne la notion de genre et la place de la femme.
En 2013, elle créé avec le poète Dominique Sorrente une lecture poétique à deux voix Nord Sud où vont les fleuves produit par La Générale d’Imaginaire et le Scriptorium.

Poésie
Pulsation, L’agitée, 2014
Souffles nomades, L’agitée, 2010

Revues
Publication dans les revues Le grand Nord, ffwl, Poésie 2001, La Nouvelle Revue Moderne, Revue des Archers,

Collectifs
Uriner sous la lune, Venise, L’âne qui butine 2002

Entretiens et émissions radiophoniques
Entretien avec Salah Stétié in Remanence n°3, septembre 1994.

Les voix du slam : portaits des slameurs et slameuses. 42 émissions créées entre 2010 et 2013.
Poésie nomade : lectures et entretiens avec Jacques Dupin, Abdelatif Lâabi, André Velter, Salah Stétié, Farida Aït Ferouk, etc. Une quinzaine d’émissions entre 1994 et 1996
Emissions diffusées sur Canal FM et le réseau national de l’EPRA.

Critique de Pulsation dans Recours au poème : http://www.recoursaupoeme.fr/critiques/pulsation-de-marie-ginet/lucien-noullez

Liens sur Internet
Ange Gabriel.e / Marie Ginet : https://www.facebook.co/ange.gabriele.96?fref=photo

La Générale d’Imaginaire : http://slam-lille.com/


Pour lire une chronique de Jean Palomba sur le recueil Dans le ventre de l’ange et autres cachettes paru aux éditions Henry : http://www.terreaciel.net/ecrire/?e...->http://www.terreaciel.net/L-espere-lurette-chronique-po-ique-par-Jean-Palomba-octobre-2016#.WFAUtH1g01k]

Pour lire un article de Marie Ginet Slam, peuple et poésie : http://www.terreaciel.net/Slam-peup...


(Page établie grâce à la complicité de Roselyne Sibille)


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