Les mots auraient des ailes, ils diraient « rouge »
et ils deviendraient rouges
en soulevant la terre jusqu’au ciel :avec les fleurs que nous ne cueillons pas
nous ouvririons les yeux comme les lèvres
dans l’éphémère, sans fin.Pierre Dhainaut
L’enfant qui écrit ses premiers poèmes
s’applique, cherche en la moindre lettre
à retenir au fond des pages blanchesles sonorités qui lui plaisent, dont le sens
lui échappe, il confectionne un bouquet pour la neige,
ainsi ″ clématite sauvage ″.Pierre Dhainaut
Si léger,
dans le nom défait de la saison passée,
tu cours.Plus haut porte ta course,
l’été souffle,
sa pente couvre l’horizon orange.Tant de lettres et de pétales !
Les graminées plus certaines
énoncent l’ombre assignée.L’hiver reclus,
nous jouons à découvrir avril.
Les coquelicots touchent le ciel.Isabelle Lévesque
Extrait de la postface et de la quatrième de couverture de La grande année :
Extraits de la postface :
« Nous commencions à correspondre, Isabelle à chacune de ses
lettres ajoutait une photographie, quand ce n’était pas plusieurs,
qu’elle avait prises au cours de ses promenades à toute heure
du jour, toute l’année : souvent, sur leur verso, elle inscrivait
quelques mots, l’esquisse d’un vers. En ces photographies, je ne
retrouvais pas seulement les fleurs, par exemple, que célèbrent
ses poèmes, je découvrais sa façon si mouvante de regarder,
d’aller vers le monde, qui est aussi sa façon d’écrire. Comment
aurais-je pu la remercier de ses envois ? » Pierre Dhainaut
« Je suis allée naturellement vers les fleurs – fleurir annonce
écrire, avant d’élargir le spectre des perceptions. Pierre, rapide,
me renvoyait les six exemplaires manuscrits de chaque livret dès
qu’un poème était écrit. Notre enthousiasme portait ses fruits.
Nous avons décidé de voyager léger. Les brins d’herbe, le pont, les
pétales, la barbe des épis, la craie, tout ce qui ici, aux Andelys,
forme qui je suis, Pierre l’a retenu entre ses doigts poètes – pas
laissé filer. » Isabelle Lévesque
Comme avec les mots de ses poèmes, Isabelle Lévesque aime écrire avec la lumière, elle photographie. Ses amis le savent. Elle a invité Pierre Dhainaut [...] à l’accompagner sur les chemins de ses images. Au fil de la correspondance, ils se sont passé le relais, des regards aux souffles, des souffles aux regards, une année entière, « La grande année ». Ils ont moins cherché à construire un livre qu’à reconnaître ce pourquoi le temps n’est pas maudit et les langages ne sont pas confinés en eux-mêmes. En collaborant, Isabelle Lévesque et Pierre Dhainaut n’ont eu de cesse que d’ouvrir leur livre et de s’ouvrir à cette lumière qui est l’un des noms de ce qui les rassemble, la poésie.
Isabelle Lévesque est née et vit en Normandie. Elle vient de publier Voltige !, son deuxième livre à L’herbe qui tremble. Elle écrit sur la poésie contemporaine pour plusieurs revues, La Nouvelle Quinzaine Littéraire notamment. En photographiant la nature, elle capte l’instant : le regard se porte sur un détail qui le retient. Le plus souvent végétale, avec le coquelicot pour emblème, cette approche devient matière d’écriture.
Pierre Dhainaut, né en 1935, vit à Dunkerque. Dans Un art des passages (à L’herbe qui tremble), il a expliqué combien lui tient à cœur son travail avec les peintres, les graveurs, les photographes : peu importe qui prend l’initiative, qui la relance, il s’agit, c’est si rare, si vivifiant, d’un acte de partage.
**