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Jacky Essirard (Notes d’atelier)

mardi 8 février 2022, par Cécile Guivarch

La nature offre des tableaux tout prêts. On s’émerveille devant un coucher de soleil ou une montagne enneigée, on est touché par leur beauté. Et puis on tente de rivaliser avec nos petits moyens, nos artifices. Quelquefois ça fonctionne, on accroche à la toile une parcelle de ce que la nature crée sans effort.
Après avoir déconstruit ce que j’imagine, simplifié le fond en taches et lignes de couleurs, j’essaie de faire tenir l’ensemble par une calligraphie. L’écriture sert de liant et de rythme afin de faire vivre mon « paysage ».
Poser ses couleurs, construire le tableau et parfois l’échec au bout. On ne communique plus, on n’entre pas dedans. La peinture ratée rejoint la corbeille, va vers le néant ou bien le Grand Tout. Je crois plutôt qu’elle va dans le cimetière des peintures avortées.

 

 

Chacun de mes tableaux est un poème. Ils naissent de la même manière et la peinture comme la poésie est difficile à expliquer, sauf si on s’en tient à la technique. Le poème a les mots, le rythme, les sons, les silences, la composition du texte sur une page. La peinture a la couleur, les formes, les respirations et la construction. Voilà pour la technique. C’est insuffisant pour définir le poème et la peinture. L’art ne se nourrit pas exclusivement de règles et de méthodes.
Je crois que le poème est autant dans les silences que dans les mots. En peinture, la charge vitale qu’elle contient permet, des dizaines d’années plus tard d’entamer une conversation avec elle.

 

 

Il ne s’agit pas de faire beau mais d’être surpris (à défaut d’être émerveillé) par ce que j’ai déposé sur la toile ou la feuille. Une porte s’ouvre soudain sur un lieu inconnu. Une transgression de la réalité que nous fournissent habituellement nos sens. Un « dérèglement » écrivait Rimbaud.
Le premier trait, la tache initiale ont en commun d’ouvrir et de libérer l’espace et en même temps d’instaurer sur la toile une certaine tension. Ensuite la peinture se répand et le travail commence. Le peintre est absorbé par son voyage, il oublie qu’il est entré là par effraction. Personne ne devine où se cache l’origine du tableau, et pourtant il y a bien un commencement.
 

 

L’atelier est silencieux, un ilot dans la nuit qui commence. La peinture prend un air de conspiration, comme si le mystère ne se manifestait qu’après le coucher du soleil. La lumière artificielle est propice aux expériences. Je travaille plus librement, laisse aller le pinceau et les couleurs sans projet défini, sans calcul. Le résultat sort souvent de la veine exploitée le jour. J’ouvre des pistes secondaires que je retrouverai le lendemain.
J’envie ceux qui ne se trompent jamais et en même temps je les plains. La peinture est aussi un jeu de hasard.
Avant de me lancer sur un grand format je réfléchis beaucoup. Et finalement quand je suis prêt, debout devant la toile j’oublie en quelques minutes mes résolutions et me jette dans le grand bain de la peinture avec une bouée dégonflée.

 

Écrire peindre, le geste paraît sourdre de la même origine, mais quelle différence ensuite. Ecrire est le ruisseau, la rivière, peindre la cascade et le torrent. Un point de connexion, poésie-peinture même urgence.

Biographie Jacky Essirard

Né en 1949, vit et travaille à Angers. Peintre, graveur, écrivain, poète, il cherche par ces différents moyens d’expression à définir son pays intérieur. Il crée l’Atelier de Villemorge en 2001, lieu de rencontre entre l’écrit et les arts graphiques. Ses gravures ont accompagné des poètes dans des livres d’artistes notamment : Guillevic, Bernard Noël, Gérard Titus-Carmel, Paul Louis Rossi, Jean-Claude Schneider, Antoine Emaz, James Sacré, Valérie Rouzeau, Jean-Claude Pirotte, Frédérique Germanaud. Il a écrit pour les peintres Edward Baran, Jean Rustin, Yves Doaré, Ali Silem, Lawand, Philippe de Latour, Jean-Gilles Badaire…
En écho à la poésie il prend plaisir à raconter des histoires sous forme de nouvelles ou de récits où la fiction se mêle à la réalité.

Bibliographie succincte

Romans

  • La Solitude du Quetzal, roman, éditions Yovana (2016)
  • Eté 70, roman, éditions Yovana (2018)
  • Les Oiseaux de pierre, roman, éditions La Part commune (2021)

Livres d’artistes

  • Plein soleil, poésie/gravures, éditions Atelier du Groutel (2018)
  • Apocalypse, gravures sur un poème de Paul Louis Rossi, éditions Collodion (2018)
  • Regards, peintures, texte de Lionel Bourg (2019)
  • Ressacs, poèmes, peintures d’Yvon Daniel (2019)
  • Lettre à celle qui dévorait les hommes avec leur consentement, éditions Le réalgar (2019)
  • Brasier noir, poème Erwann Rougé, gouache J. Essirard (Atelier de Villemorge 2021)
  • Rivages, poème Denise Desautels, gouache J.E. (At. de Villemorge 2021
  • La Maison étrangère, poème Joël Bastard, gouache (At. de Villemorge 2021)

Page établie avec la complicité de Clara Regy


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