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Une amitié de lettres - Ilse & Pierre Garnier, Carlfriedrich Claus

samedi 28 mars 2020, par Cécile Guivarch

Carlfriedrich Claus (1930-1998), Wortstamm (1960)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
Pierre Garnier à Carlfriedrich Claus, 6 avril 1964

J’ai étudié ce que tu m’écris sur les poèmes. Cela pose évidemment le grave problème de la séparation en deux de la langue : la langue visuelle foncièrement différente de la langue parlée et audible, dans le temps et dans l’espace – en fait tout notre mouvement consiste à mettre la langue en activité, dans toutes ses dimensions, granuleuses, explosives, dynamiques, statiques.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 
 

Ilse Garnier (née en 1927), Poème du vent

 
 
 
 
 
 
 

Carlfriedrich Claus à Pierre et Ilse Garnier, 2 avril 1964

Vous avez vécu certainement de belles journées en chemin, des rencontres, des conversations – avec des gens, des paysages, des nuages, des œuvres d’art. De plus, un tissu de lumière fantomatique, sous la terre, s’unit maintenant aux signaux du soleil. Tout est traversé d’une émotion phosphorescente. Le pâle, le fatigué, saisi de minuscules secousses de courant, disparaît.

 
 
 
 
 

 
 

Pierre Garnier (1928-2014), Soleil (1963)

 
 
 
 
 
 
 

Carlfriedrich Claus à Pierre et Ilse Garnier, 8 février 1964

Et là coulent les particules de ton mot traduit, le Soleil. Excitante – c’est ce que j’éprouve toujours à nouveau – cette manière de laisser briller cette constellation dynamique SOLEIL autour et au-dessus des corps de mots français éclatants et enflammés – ou de la maintenir au centre de l’espace cosmique qui sonne silencieux et qui s’ouvre de temps à autre après une intense réflexion sur le langage.
Combien d’ondulations différentes autour de nous – oui, mon cher Pierre – nous sommes allés par combien de chemins, quelle toile de chemins en nous – et toujours devant nous le feu rouge de l’étoile avec des lettres, dont le sens reste inépuisable.

 
 
 

 
 

Pierre Garnier (1928-2014), Mort mer

                     

Carlfriedrich Claus à Pierre et Ilse Garnier, 2 avril 1964

Je pense que les voyages en cette saison ouvrent des entités que sinon on néglige. Les signes écrits des morts, on les a sous les pieds. C’est en marchant que se forme cette lumière mêlée, cette secousse qui entoure de temps en temps certains édifices. Qui peut comprendre cet esprit fantomatique scriptural de la marche dans l’après-hiver ? Qui profite du système sensoriel que possède le pied ? Et pourtant je crois qu’en marchant des choses à peine remarquées résonnent dans notre voix, maintenant, dans la demi-clarté du printemps, ça passe par nos muscles, sort par la main. Questionnant. Éloigné. Un bruissement transparent. Lointain. Proche. Comme des astéroïdes. Anonyme.
 
 

 
 

Ilse & Pierre Garnier, Carlfriedrich Claus, Une amitié de lettres. Choix de lettres, traduction, notes, édition établie sous la direction de Violette Garnier. L’herbe qui tremble, 2019, 396 p., 35 €
https://lherbequitremble.fr/

© Éditions L’herbe qui tremble – Tous droits réservés

Page établie avec la complicité d’Isabelle Lévesque


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