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D’être plus que nu

mercredi 14 janvier 2015, par Cécile Guivarch

C’est un bout d’histoire qui commence avec

1 atelier
Dedans il y a une femme qui fait de la peinture qui connaît un homme qui fait de la photographie
Elle rencontre une fille qui fait de la danse qui connaît une fille qui fait de l’écriture
Ils sont donc 5
Et 6 avec le temps qui passe
Ils travaillent pendant 2 ans et demi, ils se retrouvent tous les mois, sans se donner ni projet, ni objectif, ni thématique, ni comptes de résultat
Ils s’installent de petits dispositifs : une planche, une corde, un escabeau, une table…
Les séances commencent par le mouvement du corps souvent mais pas que…
parfois par des mots, une musique, des rires
Ils dansent, écrivent, photographient, peignent
Chacun à sa tâche, ensemble et séparément
Parfois même, la fille qui écrit fait des photographies, la femme qui peint dessine le photographe, parfois la fille qui danse ne bouge pas et le photographe photographie la fille qui écrit ou celle qui peint et parfois les 3 ensemble. Mais ça c’est quand on est fatigués de travailler et qu’on discute.
Au bout de tout ce temps passé, ils voient une histoire, ou une évidence qui s’est dessinée, ils ont eu envie d’en faire un livre qui raconte cette histoire ou cette évidence.
" (Jeanne Robert)

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Je suis peintre, et revenue vivre dix ans à Lyon, de 2003 à 2013, au 4 rue du Bocage Lyon 8e, dans une maison jouxtant un atelier vaste et lumineux, ancien atelier de fabrication de métal pour une entreprise de mobilier urbain.
J’y ai travaillé dessin et peinture, et vu la place disponible, j’ai invité par moment des amis artistes sans atelier...
Et puis un jour, j’ai rencontré Jeanne, qui désirait faire partie des modèles à qui je fais appel pour mon travail personnel comme pour les séances ou stage de modèle vivant que je mets en place depuis quasi vingt ans maintenant. Comme je le fais habituellement, si cela m’est possible, j’ai travaillé avec elle une séance dans mon atelier avant de « l’embaucher ».
J’ai immédiatement été conquise par la « présence » de Jeanne, sa générosité et son investissement... qui dépassait de bien loin ce qu’on a coutume de voir avec la plupart des modèles... Elle était en chemin, et moi aussi, et nous avons donc fait un bout de route toutes les deux, pour le plaisir et la curiosité de chercher, d’être à l’écoute l’une de l’autre en même temps que dans sa propre bulle... Séances régulières sans aucun but précis.
Quelques mois plus tard, j’ai fait signe à Manu, photographe, que je savais intéressé par le travail sur le corps... Nous avons donc continué à 3, en se posant peu à peu des consignes de jeu (d’espace, de lumière, de rythme, d’interaction entre nous ou pas, etc...). Puis nous a rejoint plus tard Mary. Du triangle, nous sommes passés au rectangle."
(Cécile Beaupère)

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"Nous sommes un collectif de Lyon et nous avons travaillé ensemble pendant 2 ans sur cette aventure.
Mêlant la poésie, la danse, la peinture et la photographie...
L’atelier du Bocage était le lieu de travail de la peintre Cécile Beaupère. Un endroit maintenant disparu...
Nous nous retrouvions 1 à 2 fois par mois.
Au début, il n’y avait pas de mots. Simplement une « danseuse », même si Jeanne ne sera pas d’accord avec ce terme, la peintre et moi, photographe.
L’animalité du corps, sa transformation et une « sorte » de voyage intérieur sont les principales idées s’échappant de ces rencontres.
Le temps passant, découvrant nos travaux mutuels, nous avons fait le constat que quelque chose se passait et qu’il fallait mettre des mots sur ce que nous vivions.
L’arrivée de Mary, la poète, était une évidence."
(Emmanuel Spassoff)

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Vues, extraits du livre D’être plus que nu

Tu prends tes premières photos
Sans appareil
Sans rien
Que tes yeux qui ouvrent leur bouche
Pour laisser sortir cette promesse
Ce devoir de mémoire

Louper des instants
Les rattraper d’une photographie
Et dire j’étais là
Même si tu ne m’as pas vu
Même si tu ne m’as pas écouté
Regardé, considéré, fait exister
Dire j’étais là
Sous la glace.
(extrait, Mary Gréa)

On lit deux corps
On dit des corps
On crie et on saigne la rage
Liant nos corps
Remontant les réseaux sanguins
Avec un fil

Et toi, tu nous regardes
Tu as saisi entre tes mains,
La tête de cette petite fille
Qui a roulé à tes pieds
Te voilà - armé

(extrait, Mary Gréa)

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Peu à peu le corps se modifie malgré soi
Et si le travail exercé ne suffit pas
Le corps poursuit sa route
Inlassable
Les veines deviendront des traits
Ligotant
Toute main
Ce serait une prière enroulée de peau animale

(extrait, Mary Gréa)

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J’ai compris qu’il se passait quelque chose ailleurs
Hors de mon champ
Je n’ai plus froid
La faim m’a quitté
Je me transforme en une ligne de fuite
Déjà, vois-tu, je suis à l’intérieur
Je m’échappe de la route qui m’était tracée
Celle que j’emprunte
Est découverte
Je n’ai pas envie de la quitter
Derrière moi d’où je viens

(extrait, Mary Gréa)

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Une chose importante à comprendre pour ce projet : aucun texte n’a été écrit à partir de photos, dessins, et aucune image n’a été créée à partir d’un texte. Mais nous avons travaillé dans le même espace et créé dans le même temps aux aguets des mouvements du corps, du silence, des contraintes de mots ou à l’aide de petits dispositifs.
Nous avons observé nos différentes productions bien une année plus tard, et c’est avec un regard amusé que nous avons découvert le dialogue qui s’était fait entre nos pratiques. Des centaines de dessins, photos et textes sont nés de ce projet. Nous avons ensuite opéré une sélection de textes et images qui nous parlaient à tous et ainsi à partir d’un chemin de fer (que vous pouvez voir sur l’invitation de l’expo à Voiron), nous avons affiné notre histoire. Le livre peut se lire librement en ouvrant n’importe quelle page au hasard, mais il porte également en lui une pensée, qui suit le fil ténu d’une histoire.
(Mary Gréa)

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Collectif de l’Atelier du Bocage
Textes : Mary Gréa
Photographies : Emmanuel Spassoff
Dessins : Cécile Beaupère
Danses : Jeanne Robert
Editeur : jacques andré éditeur, 2013
Ce livre voyage depuis sa publication en Mai 2013.
Il a vu le jour au marché de la poésie, Place St Sulpice en juin 2013.
2 lectures ont suivi au Café Mutinerie à Paris et au Cabaret Poétique du Périscope à Lyon
et 2 expos, au café Mutinerie toujours et en ce moment à la galerie place à l’art, à Voiron, voici le site :
Actualités - GALERIE Place à l’ART

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Biographie des auteurs

Cécile Beaupère

Cécile Beaupère, peintre, naît à Lyon en 1962.
Elle vit actuellement à Voiron, en Isère (domicile et atelier).
Formation aux Beaux-Arts du Havre (DNSEP en 1990) et LEM (Laboratoire d’Études du Mouvement), école Lecoq-Paris.
Expositions régulières de son travail de dessin, peinture et estampe en galerie depuis 1994 (Grenoble, Strasbourg, Limoges, Lyon, Thonon, Crest...).
Participations sur des livres d’artistes :

  • « Quelques usages des fleurs » avec Chantal Ravel (éditions Sang d’encre - 2010)
  • « Légende » avec Robert Piccamaglio (éditions La petite fabrique - 2010)
  • « Louve » avec Elisabeth Chabuel (éditions La petite fabrique - 2013)

Mary Gréa

Née en 1982, Mary vit aujourd’hui dans un petit village au pied des vignes, près de Lyon. Elle écrit des nouvelles, des récits et des fragments depuis qu’elle a l’âge de marcher dans une rivière et d’y pêcher quelques truites. Ces deux activités deviennent indissociables au point qu’elle décolle pour vivre un temps en Nouvelle Zélande. Là-bas, elle consacre du temps aux rivières et à un travail sur le manuscrit « Au pays du long nuage blanc » de Charles Juliet, qui résonne avec son goût de raconter des moments éclairs. De retour en France, elle tisse des liens avec des explorateurs risque-tout. Elle renoue alors avec la magie du contre-courant et fabrique des textes sur le fil.

Publications et collaborations diverses
Publication de la nouvelle « D’où tu viens » (éditions des ateliers - 1998), écriture et co-réalisation d’un one man show « Pur Produit » avec JC Ramos (2008, 1er prix tremplin), en revue « L’album de Lesley », Kahel (Février 2014), sélection de textes dans l’anthologie de poésie contemporaine « l’éveil du myosotis » (juillet 2014), et à l’invitation d’Hervé Bougel, participation au projet oulipien « 36 choses à faire avant de mourir » (éditions pré#carré 2014).

Jeanne Robert

Jeanne Robert se forme à l’anthropologie, avant de dériver vers les langages du corps par le biais de la pose. Pendant ces sept années où elle est modèle pour le dessin et la peinture, elle se forme à la danse et développe une pratique hybride engagée dans la dilatation du temps et de l’espace. Une autre dérive l’emmène dans le même temps à se former à la vidéo expérimentale et documentaire et à développer une pratique pédagogique. Aujourd’hui, anthropologue, vidéaste et danseuse, elle continue l’exploration.

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Emmanuel Spassoff

Le jour de la St Thomas d’Aquin 1972, naît Emmanuel. Il gardera des années 70 de sa prime jeunesse, les souvenirs d’une certaine lumière, de couleurs... Après une traversée en solitaire de la vie scolaire, il découvre la photographie. Un procédé qui lui permettra de capturer le temps qui passe. Il apprend d’abord tout seul, regarde des milliers de photographies faites par d’autres. Essaye, se trompe, recommence...Puis, il s’inscrit dans une école, l’Atelier Magenta de Dominique Sudre, où il découvre la magie des images apparaissant dans le révélateur...
Il y rencontre des amis solides qui partagent sa passion et finit par se lancer dans cette grande aventure qu’est l’écriture avec la lumière...

Expositions

  • En collectif, au Festival des jardins ouvriers, Lure (Haute-Saône - 2001)
  • En collectif, « Grains de peau » à l’École Nationale des Beaux-Arts de Paris, 1er prix du concours (2002)
  • En collectif, à l’Atelier Magenta, Villeurbanne (2001 et 2008)
  • Off des RIP d’Arles (2007 et 2008)
  • « Springsummer 2010 », Bourgoin-Jallieu (2010)
  • « Identités », Off de la Biennale de la Danse, Atelier Ahtzic Silis, Lyon (2008)

Photos : copyright Emmanuel Spassoff
Reproductions photographiques des dessins de Cécile Beaupère : copyright Christophe Daviau


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