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Clodine Porte-Plume, avec un accompagnement de Clara Regy

mercredi 15 juillet 2020, par Cécile Guivarch

Clodine

Ce fut comme un jeu partagé entre nous, avec simplicité et confiance. Je lui ai proposé d’ouvrir un pan sur son univers si particulier à travers textes et photographies, je n’ai pas pu résister au plaisir de donner des titres à ses si belles photos, et Clodine a accepté et a bien voulu poursuivre avec ses mots à elle... On retrouve aussi quelques uns de ses textes à la fin de ce petit dossier pour vous donner envie de la connaître encore davantage...

 

 

Chut... Cézanne mange

Chut ...Cézanne mange
Mais ne mange que la blancheur des pages et l’éclat du ciel.
Le reste, n’y touchera pas.
Ne mangera que cela.

 

 

Le phonographe qui aimait le blanc

Le phonographe qui aimait le blanc
Aux noces, s’accordait.
Hissait pavillon blanc.
Aimait donner à danser, à valser.

La mariée était en blanc et ses yeux qu’il avait multiples, ne voyaient qu’elle.

Parfois, il hissait pavillon noir
Donnait à entendre une marche funèbre.
Ça, il aimait beaucoup moins ...

 

 

L’herbe est si verte sous la roulotte...

L’herbe est si verte sous la roulotte...
Que l’invisible y est descendu déposer son ombre,
goûter la fraîcheur du sol
et tenir conversation
avec les fourmis et les papillons gris.

 

 

Les pinces à linge n’ont jamais froid

Les pinces à linge n’ont jamais froid,
qu’elles disent...

Si elles claquent du bec,
ce n’est pas de froid, affirment-elles.
Si elles bégaient ainsi,
c’est pour répéter à l’infini leurs mots d’amour.
Ne pas les perdre dans le brouillard.
Les tenir dans les plis du ciel jusqu’au printemps prochain.

Les pinces à linge n’ont jamais froid, disent-elles.
Pourtant, sur le fil,
elles tremblent.

Ne serait-ce que d’amour funambule ?

 

 

Le ciel à la renverse

Le ciel à la renverse

Ma plume comme gouvernail,
je navigue au fond des cieux silencieux.

Plume dans mes cheveux,
antenne tendue vers un monde mystérieux,
mes rêves agités.

Merci joli corbeau de ce grand cadeau !
Et toi vers quoi voles- tu ?

 

 


Tes photos ont toujours ce je ne sais quoi « d’envoûtant », alors que cherches-tu à saisir lorsque tu arrêtes le temps ?

Je ne prends pas de photos, ce sont elles qui s’imposent à moi, qui me prennent, que je marche ou je sois attablée ou encore allongée, je regarde tout le temps.
Je crois que je suis une « regardeuse » en permanence.
La beauté des choses m’apparaît en fulgurance.
Il m’arrive souvent, lorsque je marche, d’effectuer quelques pas en arrière pour retrouver ce qui m’est apparu en éclair, un angle de vue. D’interrompre une conversation : « Attends ! Là j’ai vu – hop ! Je prends la photo … Tu disais ? »
Si je roule en petit camion blanc, je peux faire demi-tour pour retrouver l’image.
Quand je marchais auprès de la roulotte , je tournais sans cesse autour d’elle pour les paysages.
Je n’ose capturer les visages, pourtant, lors de ce voyage et maintenant aussi, j’ai photographié beaucoup de fragments d’âme... dans ma tête.
Quant aux mots, ce sont souvent les images qui les réveillent.
Avec eux, je trouve pourquoi j’ai pris la photo ou pourquoi je relève ce que je vois,
De là à dire que j’écris avec mes yeux !

Et voici 3 textes extraits de : « le temps qui passe », travaux en cours...

Premier jour

L’automne veut tenir son rang et entrer dans la ronde avec quelques obscurités à ses bras.
C’est jour de fête pour lui, le premier de sa saison.
Au sol, il est déjà chez lui depuis longtemps.
Rouille et or.
Mais le ciel en résistance, bleu, si bleu !
L’été se moquait, se rebiffait.
Regard hautain, ne voulait mourir.

Ce matin la forêt est à l’honneur.
Les arbres dansent, depuis la nuit, une sorte de Ola très douce.
Quelques gouttes de pluie très fines trouvent passage entre les feuilles.
Parfois se décrochent glands.
Bruits sourds au sol.
Tourbillons feuilles, faines, froufrous.
Un autre pas de danse dans la vague sylvestre.

Le silence du vent soudain troublé.
Chiens et trompette s’invitent, s’imposent, avertissent,

Aujourd’hui, la chasse vient d’ouvrir.
Elle arpente, épie, traque.

Une autre ronde dans la ronde.
Un autre monde.

Aboiements et coups de feu tournoient au loin, se rapprochent.

Suis heureuse d’avoir choisi le sweet à capuche rouge.

Je reste lovée au pied d’un arbre moussu, adossée à sa sève
Soudain, devant moi, très près,
Trois bonds majestueux
Un chevreuil.
Trois bonds, certainement de peur.

De l’autre côté

J’habite derrière les bottes de foin, de l’autre côté de l’ombre.
Chez moi le soleil traîne des pieds pour aller se coucher,
part à reculons rejoindre l’horizon.
Il s’idée fixe sur l’odeur de l’herbe séchée,
cherche encore à donner éclat aux petits brins dorés collés paillettes sur cheveux ébouriffés.

A quelques mètres de là,
dans l’autre pays,
il paraît que c’est déjà l’heure des grandes ombres,
que déjà le froid vient, qu’il faut rajouter un paletot sur son dos,
que la lumière baisse,
qu’il faut allumer le falot.
Tout ça, c’est le grand chêne qui me l’a dit,
Car ici chez moi, c’est encore chaleur sur peau cuivrée.

Le soleil attend
Le temps s’écoute
Guette les signes de l’entre-deux.
Les oiseaux chantent encore.
Tout à l’heure ils se tairont
La nuit viendra aussi de ce côté.
On le sait
Viendront les cris et hululements.
Pour le moment
Le soleil attend
Attend son relais
Ne partira pas avant

De l’autre côté

Pointe le bout de son nez, timide, un tout petit croissant.
Il suffira.

Le soleil l’attend.

Si déjà chez vous
vous frissonnez,
Si déjà chez vous
la nuit et le froid sans ménagement
Venez donc chez moi, je vous invite...

Je vous attends.

Je suis (extraits)

Je suis bébé, hors de ma mère. Cordon coupé ou presque.
J’apprends mon nouveau monde.
Je suis en joie, en chagrin, en paix, en colère, en amour, en peur, en confiance...
J’apprends, j’apprivoise.
Je grandis et j’entends que le temps n’a qu’un temps.
Je ne comprends pas grand chose à l’affaire.
Moi je joue avec mes poupées, mes cailloux, les fleurs et les framboises,
les feuilles de mon arbre et les flocons de neige.
Je vois que les choses changent.
Au début, je ne comprends pas, je pleure.
Je perds mes trésors.
Ma fleur se fane, ma framboise pourrit, ma feuille sèche et se recroqueville.
Fleur, framboise, feuille, éprouvent-elles quelques souffrances ?
On dit de ma feuille, qu’elle est morte. Morte ?
De fanée à séchée ou pourrie, la fleur, la framboise
et la feuille finissent par disparaître de ma vue, deviennent invisibles.
Dans ma main, le flocon n’est plus.
C’est quoi toute cette eau maintenant ?

Je grandis encore et j’apprends le temps annuel et ses rituels.
Ça fait comme des boucles. Les choses reviennent.
Les fleurs, les framboises et les feuilles reviennent aussi.
Même la neige.
Mais j’apprends aussi les choses qui ne durent pas.
Mon gentil chien disparu.
Je ne sais plus où ma joie, sa joie, sont parties.
Pourtant quand je pense à lui,
quand je me souviens de nos jeux, et bien je ris.
Je ris folie, je souris douceur.
Comme avant.
Ma joie toujours là.

La joie, est-ce comme le vent ?
Le vent, que l’on sent dans les cheveux et dans les arbres,
mais que l’on ne voit vraiment.
Sentinelle discrète ou explosive toujours là ?


CHANTIERS

Cet été, j’ai envie de m’attaquer à un gros chantier.
Trier, classer mes photos et laisser aller les mots.

Des photos textes chaque jour sur mon compte fb : Clodine Porte-Plume
Mes activités ateliers d’écriture et éditions : le blog de Porte-Plume
http://porte-plume.ecriture.over-blog.com

BIO

Née le 24 juillet 1960.

Issue du « monde végétal », productions -art floral - jardins- paysages, je suis passée des feuilles aux pages par l’écriture de récits de Vie, tout en animant des ateliers d’écriture.
Ce sont certainement mes nombreuses années en tant que formatrice en insertion qui m’y ont amenée.

Depuis 2019, je propose avec l’association Porte-Plume, des ateliers, principalement un situ, sur un bateau, dans un château, une boulangerie, un troglodyte ou au fond d’un lac...
J’invite à écrire de manière sensitive dans des endroits insolites ou intimes.
Écrire avec tous, pour tous et partout, telle pourrait-être la devise de Porte-plume.

En mars 2017, je suis partie feuilleter la France rurale et littéraire, d’abord en petit camion blanc puis en roulotte.
Aujourd’hui je reste nomade en arpentant plus souvent l’Anjou et la Bretagne, avec l’envie de créations d’objets photos-textes, d’inscription dans des projets collectifs, de navettes reliance entre paysage et écriture poétique.

BIBLIO

  • Recueil de nouvelles Des Ils et des Elles. Edition Petit Pavé. 2015.
  • Récit de vie Aime trop la Vie. Edition L’Harmattan. 2016.
    Dire le traumatisme et son apaisement, de manière fragmentaire.
  • Autobiographie environnementale, ouvrage collectif Dehors, ces milieux qui nous transforment . Édition L’Harmattan. 2017.
  • Participation poétique aux Plumus d’Elice Meng. 2019.
  • Carnets de voyage, photos-textes.
    Dire ces voyage d’un jour ou de plusieurs années. La vie en roulotte, dans une maison sur pilotis, dans un jardin ...
    Autoédition. 2019/2020

Voici en quelques images et mots un « petit morceau » de l’univers de Clodine Porte-Plume, j’ai eu grand plaisir à construire ce petit ensemble avec elle.


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