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Quelques pas hors de l’éternité
Entretien avec Roland Reutenauer par Isabelle Lévesque

lundi 7 février 2022, par Cécile Guivarch

Photographie par Olivier Reutenauer

Roland Reutenauer, Quelques pas hors de l’éternité
Photographies de Philippe Lekeuche
L’herbe qui tremble, 2021

 

Isabelle Lévesque : Quelques pas hors de l’éternité comprend six parties. Certains poèmes sont proches de notes, de réflexions, de choses vues. Parfois ce sont des souvenirs lointains, en particulier d’enfance. L’avez-vous composé comme un recueil ou comme un tout ?

Roland Reutenauer : Voilà comment je procède depuis que j’écris des poèmes : Après en avoir écrit un certain nombre, je décide, sentant qu’une période d’écriture s’achève, de les classer en chapitres, par veines d’inspiration, pour en faire un livre. Des titres de chapitres se retrouvent souvent de livre en livre, comme par exemple le titre « Jours contés » qui regroupe des poèmes issus du quotidien, ou le titre « Les mots » qui regroupe des réflexions sur les mots de la poésie.

I.L. : Vous écriviez dans Demain les fourches, il y a déjà plus de quarante ans puisque le livre est paru en 1978 : « Les mots usent les mots, la poésie use la poésie. » Mais, parallèlement, vous n’hésitez pas à employer des mots et expressions, des images que vos lecteurs retrouvent de livre en livre. Je pense en particulier à cet inquiétant « équarrisseur aveugle ».
Comment éviter l’usure des mots et de la poésie ? Percevez-vous chacun de vos livres comme un prolongement des précédents ou, au contraire, comme le début d’un autre parcours ? La 1ère section de Quelques pas hors de l’éternité porte le titre d’un livre que vous avez publié en 1986 (Jours contés). L’ensemble de vos livres n’en forment-ils qu’un seul ?

« Une parole définitive
je voudrais griffonner
en prélevant les mots
de mes anciens poèmes »
(Quelques pas hors de l’éternité, p.47)

R.R. : Une des fonctions de la poésie n’est-elle pas de rafraîchir les mots et par là même de « donner un sens plus pur aux mots de la tribu » comme disait Mallarmé ? C’est une activité sans fin, à la Sisyphe, de ne pas laisser les mots se faner, se racornir, s’empoussiérer, en les nettoyant sans répit, de livre en livre. Et revient périodiquement, dans les recueils, « l’équarrisseur aveugle » accomplir sa besogne. Cet « équarrisseur aveugle » n’a rien d’inquiétant, Isabelle, il équarrit du bois, un tronc d’arbre, les dégrossit. C’est la figure du poète qui travaille la matière de la langue dans la nuit de l’incertitude. Aux veines d’inspiration dont j’ai parlé plus haut, et qui parcourent presque tous mes livres, peut s’ajouter un thème nouveau qui s’impose. Oui, je crois qu’on peut dire que chacun de mes recueils forme un chapitre d’un seul livre.

I.L. : La troisième partie du livre évoque, au passé, un séjour à l’hôpital. Dans vos poèmes paraissent parfois des « ombres », des « fantômes »... Votre premier (à ma connaissance) recueil paru portait le titre Blessures. Les blessures et les failles sont-elles la source majeure des poèmes ?

R.R. : Vous pensez bien que je me serais volontiers passé de cette source d’inspiration qu’est le séjour à l’hôpital ! Il m’a inspiré des poèmes puisqu’il ne m’a pas laissé de trop mauvais souvenirs. Ni failles ni blessures ne m’inspirent particulièrement. Le recueil ancien que vous mentionnez, Blessures, contient des poèmes de jeunesse, d’amour et de mort.

I.L. : Les mots, avec leur singularité, se détachent toujours sans pourtant s’en éloigner, de ce qu’ils peuvent désigner. La quatrième partie de Quelques pas hors de l’éternité est titrée « Les mots ». Sont-ils plus importants que la syntaxe dans l’écriture du poème ?

« Les perce-neige dans mes vieux poèmes
refleurissent aujourd’hui
sous le magnolia »
(Quelques pas hors de l’éternité, p.9)

« s’il y a de l’éternel
et pas entièrement muet
quelques-uns de ses mots
peut-être à l’instant même
cherchent à se poser
dans le poème qui ne s’écrit pas »
(Élégies et pierres de fronde, p.64)

R.R. : La syntaxe, pour moi, est importante dans l’écriture du poème, afin d’éviter une trop grande dispersion du sens. Elle rend lisible le poème. J’ai l’impression que mes poèmes sont de plus en plus « syntaxés »

I.L. : Dans vos livres, vous évoquez parfois vos deux langues. Mais, à ma connaissance, vous ne publiez qu’en français. Écrivez-vous également en alsacien ? Cette langue est-elle pour vous la première ou la seconde ? Influe-t-elle sur votre écriture en français dans le choix des sonorités, du lexique, dans la construction de vos phrases ou dans votre versification ? La syntaxe du français est-elle moins « amère » que « celle du dialecte » (Un jour ou l’autre p.64) ?

« Accroché mes deux langues
à la patère de mon patronyme
il m’en viendra une troisième
avec le vent il m’en viendra une
qui lèchera les poèmes
jusqu’au blanc

– tout à recommencer
autrement et mieux »
(Avant longtemps, p.75)

R.R. : Ma langue maternelle est l’alsacien et ma langue naturelle le français. Je n’ai pas écrit la moindre ligne en alsacien. Le français a pris le dessus grâce à (ou à cause de) l’école. Je pense qu’il faudrait regarder de près si l’alsacien influe sur mon écriture. En tout cas, j’aimerais bien que le substrat alsacien gauchisse de temps en temps mon français.
En effet, dans un poème je parle de la syntaxe « amère » de ce dialecte qui est de moins en moins parlé, qui a quasiment disparu dans les villes, et qui se réfugie dans la nostalgie de ceux qui ne le pratiquent plus, ou le pratiquent de moins en moins souvent.

I.L. : On voit apparaître Schelling, Nietzsche et d’autres dans vos poèmes. Quel rapport votre poésie entretient-elle avec la philosophie en général et la philosophie allemande en particulier ?

R.R. : J’étais un grand lecteur de philosophie dans mes jeunes années, de Schopenhauer et de Nietzsche en particulier. Je crois que ces lectures n’ont pas trop déteint sur ma poésie. Aujourd’hui, je n’en lis presque plus. J’aime citer René Daumal qui dit : « Désapprendre à rêvasser, apprendre à penser, désapprendre à philosopher, apprendre à dire, cela ne se fait pas en un jour. Et pourtant nous n’avons que peu de jours pour le faire. »

 

© Philippe Lekeuche

 

I.L. : À la fin d’un poème en prose de Repères / Grille (publié en 1972) vous écriviez : « En écrivant le texte de ma poussière, en ce texte, avec lui, je co-nais perpétuellement, « ad vitam æternam ». / C’est aussi ça, la poésie » La poésie est-elle toujours pour vous une sorte de naissance perpétuelle ? Un éternel retour ? Un éternel retour du même ?

« Se mettre à danser
une danse nietzschéenne
sur la piste d’aucune illusion
entourée de fleurs et d’arbres familiers
au dernier soir qui luit
telle une aurore »
(Quelques pas hors de l’éternité, p.70)

R.R. : Je crois que la poésie nous redonne le monde dans sa fraîcheur, nous fait toucher son mystère, la poésie lyrique du moins. C’est en ce sens qu’avec la poésie nous « co-naissons », ou nous renaissons à chaque fois qu’elle nous ouvre à une vision du monde débarrassée des représentations pratiques et triviales. Ainsi, nous ne voyons plus l’arbre en bois de chauffage ou en meuble, il est débarrassé de son utilité, il est l’arbre de son nom dans le poème. Comme la rivière n’est pas la rivière du pêcheur, mais la rivière de son nom.

I.L. : De l’expression « ad vitam æternam », nous arrivons vite à l’idée d’éternité présente dans le titre de votre nouveau livre. Le temps est très souvent mentionné dès le titre pour vos livres précédents : Demain les fourches, Un jour ou l’autre, Avant longtemps, mais encore les Chroniques... Et puis les évocations de parcours : Périples et détours, Le voyage en Argovie... Si la tradition distingue le temps divin infini, le temps cyclique de la nature et le temps humain, où se situe le poème ?

R.R. : On nous extrait de ce que nous appelons l’éternité, qui n’a ni début ni fin, pour nous précipiter dans le temps, le temps de notre existence, qui a un début et une fin. Nous venons de l’éternité, nous y retournons. Rien de plus banal, rien de plus mystérieux. C’est le sens du titre de mon dernier recueil.
Mes poèmes sont tributaires du temps, fortement. Ma poésie en général est imprégnée des réflexions du moment, des émotions vécues, des évènements (comme ce séjour à l’hôpital), des voyages, etc... Mes recueils forment ensemble le journal de ma vie, en quelque sorte.

I.L. : Dans Périples et détours, on voyait apparaître un personnage, un « ancêtre » qui semble une incarnation peut-être du Vieillard Temps, de la Mort ou de la Mélancolie... Entrer, sortir, comment faire ? La mélancolie qui court souvent dans les poèmes est-elle plutôt proche de celle de Dürer, liée aux lectures et à la connaissance, ou bien celle du tableau de Caspar David Friedrich, un être infime perdu dans l’immense ?

« Un ancêtre

Une faux qui scintille
et une botte de fourrage sur le dos
il entre dans l’éternité
par la porte de l’étable »
(Périple et détours, p.75)

« Il faudra qu’il sorte à la fin
de mon poème cet équarisseur aveugle »
(Périple et détours, p.31)

R.R. : Non, cet ancêtre n’est pas une incarnation du Vieillard Temps, c’est un personnage réel qui a existé, mon grand-père qui était ouvrier-paysan. Me souvenir de mes parents et de mes grands-parents me rend souvent mélancolique. La mélancolie, je l’associe aussi à la lucidité sur notre sort de mortel, une lucidité plus ou moins vive selon les jours et les époques. La mélancolie qui imprègne mes poèmes, un critique l’a qualifiée de « rhénane » Oui, je la sens proche de beaucoup de tableaux de Caspar David Friedrich, l’un de mes peintres préférés.

 

© Philippe Lekeuche

 

I.L. : Quelle sorte de consolation l’écriture ou la lecture du poème peuvent-elles apporter ? Que « sauve » la poésie au juste ?

« le temps d’écrire un poème
qui me console un peu
de savoir nommer
sans rien déchiffrer »
(Élégies et pierres de fronde, p.63)

« Des journées bruyère et sable
– l’enfance en connaît
je prélève saveur que je porte à la langue
d’une infime consolation »
(Un jour ou l’autre, p.98)

« Il n’y a que les mots qui sauvent »
(Surfaces de la nuit, p.100) 1980

« Et c’était temps de souffrance
Quand te manquaient soleil arbre nuage
Les mots qui font le paysage réel »
(Surfaces de la nuit, p.53) 1980

« pas même un haïku
ne garde au frais
une précieuse minute
 » (Avant longtemps, p.62)

R.R. : « Il n’y a que les mots qui sauvent » je suis moins péremptoire aujourd’hui. En revanche, je peux vérifier encore aujourd’hui que l’écriture d’un poème « me console un peu / de savoir nommer / sans rien déchiffrer »
Ce que je crois profondément, c’est que la poésie sauve notre humanité en nous, en nous plongeant dans notre destin de mortel, en nous ouvrant à la stupeur d’être ici. Elle sauve également l’attention portée à la langue, à son grand pouvoir d’évocation, à sa beauté.

 

© Philippe Lekeuche

 

I.L. : « Écrire un paysage ça n’est pas le photographier / Pas le peindre non plus, ni même le décrire / Écrire un paysage on ne sait pas trop / Ce que cela veut dire », écrit James Sacré (Broussaille de bleus Le Réalgar, 2021) avant de donner sa propre définition. Êtes-vous un poète paysageur ? paysagiste ? Selon vous, qu’est-ce qu’« écrire un paysage » ?

« Une lisière aux branches basses
longe les roseaux du marais

ce voisinage
entre l’opaque et le flou
c’est en réalité
l’illisible du monde

tu n’attends pas que du marais
jaillisse une étincelle de sens »
(Quelques pas hors de l’éternité, p.59)

R.R. : Je ne sais pas non plus ce que veut dire « écrire un paysage »
Un paysage peut m’émouvoir, je suis un amateur de paysages. Cette émotion, j’essaie de la verbaliser. Les paysages qui m’émeuvent le plus sont des paysages qui semblent désigner ou même représenter un arrière-monde, un monde qui se situe dans l’ailleurs et ici en même temps. La lumière y joue un grand rôle. Ces paysages me disent que c’est ici que nous est donné un aperçu de la face cachée des choses. Platonisme, idéalisme sans doute, mais vécus. Alors que d’autres paysages restent impénétrables.

I.L. : Écrire un poème, c’est souvent compter des syllabes sur ses doigts dans vos livres, alors que vos vers sont généralement non-mesurés (même si l’extrait qui suit commence par un alexandrin). Cela vient-il de l’enfance (celle de la poésie ou la vôtre) ?

« je ne m’attendais pas à compter des syllabes
sur mes dix doigts ce jour de février
afin d’inclure ces fleurs précoces
dans un nouveau poème un peu musical »
(Quelques pas hors de l’éternité, p.9)

R.R. : Je me suis rendu compte, en relisant Chronique des voyages sans retour qui venait de paraître, que le recueil comptait nombre d’alexandrins. Je n’étais pas étonné, travaillant le premier jet d’un poème à haute voix. L’alexandrin est le rythme de l’oralité, il suffit de penser aux tragédies de Racine ou de Corneille. De manière générale, j’ai un faible pour un nombre pair de syllabes dans le vers. Je privilégie la fluidité du vers, en étant attentif à l’euphonie. Des ruptures de rythme interviennent également, sans que la forme soit calculée. Les relectures se chargent de redresser certains vers, comme de veiller à l’emploi du mot le plus juste.

 

© Philippe Lekeuche

 

I.L. : Bien avant Wittgenstein, l’abbé Dinouart, en 1778, faisait la promotion de l’art de se taire : « PREMIER PRINCIPE : On ne doit jamais cesser de retenir sa plume, si l’on n’a quelque chose qui vaille mieux que le silence. » Il incitait également à « bien taire ce qu’on ignore ». Dans Repères / Grille, vous écriviez : « Faire parler le caillou, le chêne, ce n’était plus possible. Les faire taire, cependant, devenait indispensable. Le langage y parvint. » Quelle place faites-vous aujourd’hui au silence dans vos poèmes ?

« Celui qui repart à zéro

Rayons et tiroirs vides
bouts de papier reniés

par la fenêtre ouverte je frotte ma joue
contre la joue rose du présent
qu’il vienne le premier mot qu’il vienne
saluer mon innocence retrouvée »
(Chronique des voyages sans retour, p.60)

R.R. : Si l’injonction de l’abbé Dinouart était suivie, les rayons de nos bibliothèques ne se rempliraient pas aussi vite !
Pourquoi cette attirance du silence ? Pourquoi ajouter des poèmes encore et encore à cette longue cohorte de poèmes depuis l’Antiquité ?
Il est vrai que les thèmes sont restés grosso modo les mêmes. Alors, ce qui nous importe n’est-ce pas la couleur propre qu’apporte chaque poète, sa voix unique et reconnaissable ?
On pourrait imaginer le poème parfait qui aurait perdu ses mots un à un, jusqu’à rejoindre le silence ! Ce serait de la poésie véritablement blanche !
Les silences dans mes poèmes voudraient favoriser une lecture lente qui accorde une place importante à chaque mot.

I.L. : Le conditionnel apparaît fréquemment dans vos livres. Dans Ombres donatrices, paru en 1984, par exemple, vous écriviez : « je voudrais vivre en amont des phrases / et des routes / sur une terre que le soleil aurait comprise » (p.44), ou encore : « Je voudrais revenir // ici » (p.29). Que rend possible le poème ?

« je voudrais vivre dans l’à-peu-près
et l’inexprimé je voudrais m’y complaire »
(Quelques pas hors de l’éternité, p.73)

R.R. : Le conditionnel, le mode par excellence du rêve et de l’impossible. L’époque n’est plus aux rêves irréalisables. Tout au plus le conditionnel peut-il m’aider aujourd’hui à formuler vers quoi je continue de tendre. Ceci, le poème s’en fait le réceptacle.
Que rend possible le poème ? Vaste question. Le Zarathoustra de Nietzsche nous enjoint : « restez fidèles à la Terre » Le poème approuve en nous ouvrant à la grandeur et au miracle de notre séjour sur Terre.

I.L. : Dans Quelques pas hors de l’éternité vos poèmes sont accompagnés de photographies du poète Philippe Lekeuche. Comment s’est faite la collaboration ? Selon vous, que produit la rencontre entre poèmes et photographies ?

R.R. : La poésie, à l’évidence, peut se passer d’illustrations, elle produit elle-même des images, verbales certes. L’éditeur, Thierry Chauveau, m’a proposé des photographies de Philippe Lekeuche, qu’il a insérées dans le manuscrit de Quelques pas hors de l’éternité. A vrai dire, nous sommes tombés d’accord assez vite après deux ou trois changements seulement. Le critère du choix, selon moi, et c’était certainement aussi celui de Thierry Chauveau, consistait à retenir des photos auxquelles on trouvait un lien avec l’atmosphère des poèmes. Naturellement, des photos n’ayant aucun point commun avec les poèmes du recueil auraient relevé de l’artificiel. Les photos retenues, je crois qu’elles prolongent les résonances que peuvent susciter les poèmes.

Biobibliographie

Né le 29 juillet 1943, à Wingen-sur-Moder (Alsace) où il passa son enfance.
Etudes secondaires et universitaires à Strasbourg.
Enseignant à Wimmenau, puis à Westhoffen dans le vignoble alsacien, jusqu’en 1999.
Depuis 1999, vit à nouveau dans son village natal.

Bibliographie

Poésie aux éditions Rougerie (Mortemart)

  • L’Equarrisseur aveugle, 1975
  • Chronique du visible et du transparent, 1976
  • Demain les fourches, 1978 Prix Antonin Artaud
  • Surfaces de la nuit, 1980
  • Ombres donatrices, 1984
  • Jours contés liqueurs du dasein, 1986
  • Graminées au vent, 1988
  • Chronique des voyages sans retour, 1991 Prix de l’Académie des Marches de l’Est
  • Biographie des songes, 1994 Prix wallon de poésie Arthur Praillet
  • Un jour ou l’autre, 1998
  • Avant longtemps, 2001
  • La rivière le chêne, 2004
  • Périple et détours, 2006
  • Elégies et pierres de fronde, 2009
  • Passager de l’incompris, 2013
  • Le Voyage en Argovie, 2015
  • Le Portail dans les ronces, 2018

Poésie chez d’autres éditeurs :

  • Ouvertes (éd. Origine, Luxembourg 1977)
  • L’œil de César (éd. La Galaxie Gutenberg, Mulhouse, 1981)
  • Quittant le poème (éd. Tétras Lyre, Liège, 1995)
  • Tuyen Tap Tho (choix de poèmes traduits en vietnamien par Diem Chau, éd.Trinh Bay, Strasbourg et Garden Grove Californie, 2001)
  • Quelques pas hors de l’éternité, (éditions L’Herbe qui tremble, Billère, 2021)

Poèmes traduits en italien, allemand, espagnol, roumain, hongrois, vietnamien, indonésien

Grand prix international de poésie Guillevic – ville de Saint-Malo 2016 pour l’ensemble de son œuvre.

Sur internet

Terre à ciel des poètes
Page wikipédia
Site personnel : Roland Reutenauer poésie à livre ouvert
La Poéthèque du Printemps des poètes
Éditions L’herbe qui tremble
Éditions Rougerie

Quatre poèmes extraits de
Quelques pas hors de l’éternité
éditions L’herbe qui tremble, 2021

soir d’été à Fénétrange en Lorraine

Une petite ville
l’intérieur d’un oriel
éclairé faiblement
j’y vois une silhouette
penchée sur quoi
la rue est sombre sans bruit
sous les traînées cendre et rouge
d’un ciel rayonnant
de la nuit toute proche
        p. 62

 
*

 
le même soir à Fénétrange,
rue du Pensionnat

Le lampadaire brûle
dans le feuillage
une minuscule pomme tombe
sur le trottoir

des chambres sans lumière
aux fenêtres ouvertes
le long d’une façade

le vent soulève les rideaux
parcourt le silence
de la grande maison
        p. 63
 

*

 
Si cette rage d’anéantir
qui s’empare souvent
des aménageurs de tout poil
veut s’exercer un jour
sur un paysage de mon enfance
j’appellerai pour le défendre
la meute de loups
réfugiés depuis des siècles
au plus secret de la forêt
        p. 60

 
*

 
On se familiarise vite
avec l’inexorable
qui érige tout au long des jours
des murs à s’y prosterner
à s’y heurter

on se tricote une raison
avec la laine usée des mots
comme on se tricote un pull
pour les frimas de l’âge
        p. 84

Deux poèmes inédits

La canne

 
1
 

Tu marches sur trois pieds à présent
tu te prends pour le vieil Œdipe claudiquant
le dos voûté la vertèbre brisée
mais l’œil intact
toi qui n’as pas tué ton père
ni épousé ta mère
fils quelconque

tu chemines vers le couchant
la canne s’allonge et s’embrase

 

2

 
Déjà tu te voyais en silhouette noire
dans la lune pleine
silhouette à trois pieds
en chemin vers le touffu de la nuit
au cœur de l’été
chassant devant toi à coups de canne
la cohorte des regrets


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