Les éditions de l’Aigrette ont vu le jour en 2015 avec pour ambition de proposer des livres qui ne laissent pas indifférent, dans le fond et la forme, privilégiant le cheminement d’auteurs qui bousculent un peu, beaucoup, tout en gardant une cohérence et une qualité d’écriture.
Extraits des livres publiés
Les heures de battement - Alissa Thor - 2017
J’ai toujours
Au fond
Des poches
Des mots
De papier
D’amour
Des bandelettes
Plissées
En accordéon
Sur lesquelles
On souffle
Pour chasser
Les diables
Ou à glisser
Comme le poème
Dans la pile
De linge
Frais
Case Pilote - Mikaël Saint-Honoré - 2017
Sur le frêle gommier
qui nous menait
au détriment de l’ennui
quelques vagues solitaires
ressac irrégulier
N’avions-nous pas déjà subi
l’éraflure du temps
tous les lendemains discrets
aux portes de l’ivresse ?
Déjà, nous courions pieds-nus
à travers les mangroves d’espoir
mangroves murmurées
racines saturées
de larmes fugitives
et d’absence
Rouges, anthologie poétique - 2016
« Il a neigé »
Comme s’il y avait là
Quelque motif de se réjouir
Claustrophobie
Aigüe
Des murs blancs
Vertige en deux dimensions plus de
Couleurs
Plus de sons
La neige a tout bouffé
Leur neige
Il a neigé
Contre-nature cet amour imbécile
De la mort blanche
Glaciale
Qui pèse
Étouffe
Aveugle et lisse
Tout
Tout
Ce coton dévoreur
De mondes
L’enfer est une station de ski au petit jour
La campagne un matin de janvier
Ce foutu chalet
Perché
Il a neigé
Et je rêve d’Afrique et du jaune des lions
Du rouge des aurores
Mais pas
Du Kilimandjaro
(Texte d’Ingrid S. Kim)
Allant vers et autres escales - Colette Daviles-Estinès - 2016
Il y a du sable dans le vent
et du vent dans la lumière.
C’est peut-être ça, ce tremblement
devant les yeux.
Comme des mirages brouillés
vos visages qui tournent,
et les pages s’envolent
du cahier répertoire.
La Tour de Babel désertée.
Et c’est le ciel des fenêtres
qui me traverse et me dérive...
Les flaques de soleil
sur le miroir des dalles,
et la lumière du lac
qui danse sur les murs.
Et c’est peut-être ça,
ce pincement au cœur,
cette attente oubliée des rires improvistes,
quand on rajoute
quelques assiettes
sur la table,
et une planche de coffrage
entre deux tabourets...
Au fil de la vie - Jac Kallos - 2016
Bientôt, quand renaîtront les bonheurs terre à terre
nous nous égarerons au hasard des futurs,
ignorant les chemins, méprisant les barrières,
des jalons du passé affranchissant les murs.
Bientôt nous reviendrons en nouveaux découvreurs
deviner sous la mer tout le poids du néant,
écoutant des ailleurs remonter les rumeurs
de ceux qui psalmodiaient leurs prières aux vents.
Bientôt, imaginant d’une oreille attentive,
au-delà du fracas d’océanes fureurs,
d’une antique sirène une chanson plaintive,
des marins de jadis nous revivrons les peurs.
Bientôt, nous marcherons à grands pas sur la dune
respirant les embruns que portera le vent,
les nuages courant se joueront de la lune
et tu te serreras contre moi comme avant.
Bientôt, lorsque la pluie en douce trouble-fête
à un détour de nuit au loin nous surprendra
nous rentrerons mouillés, je sècherai ta tête,
te déshabillerai et tu me souriras.
Rivages, anthologie poétique - 2016
Lorsqu’il pleut, les lignes ne sont plus
les mêmes, l’horizon croise une forêt
dont chaque arbre abstrait
ne répond plus à aucun autre.
Le lieu n’est visible qu’en pensée. On ne quitte pas sa chaise
on se perd dans cet élan de la chute d’où l’on ressort vivant.
La vie est maintenue,
la chanson d’eau couvre le silence
et le silence est continu entre chaque regard
errant sur les bords de lumière.
(Texte de Fabrice Farre)
Vie imaginaire de Marie Molina de Fuente Vaqueros - Samaël Steiner - 2016
J’ai rêvé que ton visage était un fruit posé sur ta clavicule,
que ma poitrine, mon bassin, mes jambes étaient nées aux vendanges,
de rage et du besoin de liberté !
Emmène-moi Maria
le soir est là, le vieux ciel craque
les trains sifflent en décousant mer et ciel
Emmène-moi
les actionnaires affûtent
leurs fusils silencieux
tournons plus vite
vidons nos rêves
Emmène-moi
tu as dans les yeux les poissons les plus beaux.
Poètes drômois 12, anthologie poétique - 2015
Pour aller vers quel vent
Ces oiseaux pourchassés
Ont fui la haie des amandiers
En nuée vers la plage ?
Pour longer quels murs sourds ?
Pour aller vers
quel chant ?
Et le souffle brûlant
Est venu de la mer
Comme foudre à l’orage
Comme au poteau dressé l’aveugle
fusillade...
Pour aller vers quel vent
Ces enfants qui couraient
Aux chemins désertés
Aux haies des amandiers
Sont couchés sur la plage ?
(Texte de Francis Pont)
Mini-entretien avec Mikaël Saint-Honoré par Roselyne Sibille
Comment est née votre maison d’édition ?
Les éditions de l’Aigrette sont une des émanations d’une structure associative : la Maison de la poésie de la Drôme.
Après avoir bourlingué aux quatre coins, publié et filmé un peu du monde durant dix années, j’ai posé un temps mes sacoches en Drôme pour m’occuper d’une galerie puis d’une résidence d’artistes.
En 2014, l’idée de créer cette maison d’édition a suivi son chemin et germé, grâce à la collaboration fructueuse avec le photographe et poète Jac Kallos et la rencontre décisive avec une galeriste, Isabelle Bost.
En 2015, l’aventure des éditions de l’Aigrette commençait !
Quelles sont ses particularités ?
Cette volonté de créer des passerelles, la recherche partagée avec une expression artistique qui prolonge les mots, offre un autre point d’observation, de rencontre, de rêve. Ce respect des mots qui nous émeuvent et un travail avec des artistes dont nous apprécions la démarche.
Quelle idée de l’écriture défendez-vous ?
L’authenticité dans l’écriture, la voix qui toque à l’oreille et sur le cœur, des mots habités qui sauvegardent notre capacité d’indignation, deviennent une nécessité, des mots qui donnent…
Avez-vous plusieurs collections ?
Deux collections sont sur le point de naître en septembre et octobre de cette année :
Les cahiers poétiques, qui proposeront dès septembre des textes denses dans une forme moins longue.
Imaginaires, un travail artistique allié au mot dans la forme et le fond pour des rencontres atypiques, une collection inaugurée courant octobre avec Donnez-moi un peu de F du K et du S de Gabrielle Jarzynski.
Comment choisissez-vous les textes que vous publiez ?
La première lecture est importante…
Quel est votre meilleur souvenir d’édition ?
Le SMS d’Alissa Thor, le jour de la parution des Heures de battement et de mon arrivée au dernier Marché de la poésie : « Veux-tu que j’amène quelque chose ? »
Des projets, des publications à venir ?
Des projets, bien-sûr.
De belles réalisations, avec Ingrid S. Kim et le travail de Carotide, le livret (il y en aura plusieurs) de Gabrielle Jarzynski et le travail de Claude Rouyer, les mots de Jacques Brossard, un entretien…
(Page réalisée grâce à la complicité de Roselyne Sibille)