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Collection Oscilantes - éditions L’herbe qui tremble - Entretien avec Meritxell Martínez par Isabelle Lévesque

lundi 22 octobre 2018, par Cécile Guivarch

Meritxell Martínez co-dirige la collection bilingue (espagnol — français) « Oscilantes » co-éditée par les éditions espagnoles incorpore et les éditions françaises L’herbe qui tremble, par Isabelle Lévesque (suivi d’extraits d’ouvrages édités de la collection et de présentation de couvertures).

Isabelle Lévesque : Pourriez-vous nous présenter la maison d’édition incorpore  ? Depuis quand existe-t-elle ? Quelles sont ses lignes directrices ? Combien de livres publiez-vous par an ?

Meritxell Martínez : incorpore est né en 2013 d’un désir et d’une nécessité : partager des livres, partager des lectures.

Dès le commencement, incorpore se constitue en maison d’édition associative délibérément oscillante : toujours un pied ici et l’autre pied là-bas. Un ici et un là-bas qui s’établissent principalement sur un côté et l’autre des Pyrénées, donnant lieu à deux associations, la première à Paris, la suivante à Barcelone. Un ici et un là-bas, proportionnellement inversibles, immergés dans un incessant troc-truc qui fait danser les coordonnées géographiques, linguistiques et culturelles. Un incessant troc-truc qui ne cherche rien d’autre que partager et donner envie de partager et de lire.

Partager la pensée qui (que) porte notre corps et qui parfois l’inonde et le déborde. Partager cette(ces) langue(s) qui se frotte(nt), entremêlant ce qui répond au nom de philosophie, littérature, poésie, politique, art… Partager des auteurs marginaux ou pas assez reconnus, édités en une ou plusieurs langues (édition bilingue).

Partager, lire, partager. C’est ainsi que naissent ses collections : disilà (littérature), disilà…là (essai), babil(poésie), oscilantes (poésie traduite en français), les petits bilingues (récits pour apprendre des langues), un libro, una colección (hors collection) et leporello (livre-accordéon artistique).

Nous publions environ six livres par an.

I.L. : Qui est à l’initiative de la création de cette collection ? Qu’est-ce que la co-édition peut lui apporter ?

M.M. : Cette collection est le fruit du hasard, de l’amour et du désir. D’abord, le hasard a voulu que nous habitions en face de Thierry et Lydie (L’herbe qui tremble) ; ensuite l’amour des mots, lus, écrits et dits, des mots d’horizons culturels divers ; finalement, le désir de partager la joie d’un bon livre et d’un bon verre de vin… Voilà ce qui a vraiment permis d’initier cette collection, bien avant que nous en prenions l’initiative. Nous aimions (et aimons) tous la lecture, la poésie, les voix inconnues, les livres, les langues, les voyages… C’est pourquoi nous leur avons proposé d’unir nos forces et nos idées pour faire circuler des recueils de poètes espagnols contemporains peu ou pas du tout connus en France. La co-édition ne peut être qu’avantageuse et heureuse : on partage les tâches et les réseaux, ce qui enrichit énormément l’expérience éditoriale et élargit les possibilités de diffusion. Les efforts se divisent, les bonheurs se multiplient !

I.L. : Quand a eu lieu le démarrage de la collection ? Combien de livres avez-vous déjà édités ?

M.M. : La collection a débuté cette année 2018. Les deux premiers titres, d’une jeune poète espagnole, Teresa Soto, ont déjà vu le jour : Chutes/Caídas et Nœuds/Nudos.

I.L. : Combien de livres éditerez-vous par an ?

M.M. : Deux.

I.L : Pourquoi cette collection s’appelle-t-elle « Oscilantes » ?

M.M. : D’autres mots figuraient parmi les candidats, mais celui-ci l’a emporté très vite. Il nous plaisait à tous pour des raisons évidentes : la collection oscille, va-et-vient d’une langue à l’autre, d’un pays à l’autre, d’une culture à l’autre, d’une page à l’autre... L’autre et le mouvement perpétuel nous semblent essentiels dans le souffle poétique, la musique aussi. Car c’est la musique du mot « Oscilantes » qui a finalement fait pencher la balance en sa faveur : il est doux, puissant, perméable, on peut presque entendre le bruit du sable et de l’eau en le répétant : Oscilantes, oscilantes, oscilantes En plus, on peut le prononcer aussi bien en français qu’en espagnol ! Il n’y a qu’une petite lettre qui fait la différence, un petit « l » qui s’est évaporé, liquéfié…

I.L. : Souhaitez-vous publier et défendre une poésie appartenant à un ou des courants précis ou bien restez-vous ouverts à des formes diverses ?

M.M. : Nous n’avons pas l’intention de défendre un courant, le seul désir c’est de partager des poètes qui nous touchent, de les faire sauter dans une nouvelle langue d’accueil, le français, pour qu’ils prennent le large et arrivent au plus grand nombre de lecteurs.

I.L. : Que pensez-vous de la réception des poésies espagnole et catalane en France actuellement ? Et de la poésie française en Espagne ?

M.M. : Sans doute la poésie espagnole est plus lue en France que la poésie catalane, ce qui ne lui octroie cependant pas une place privilégiée, car ce sont surtout les autres genres littéraires, notamment les romans, qui conquièrent souvent les rayons des librairies françaises. Dans l’autre sens « la formule » marche aussi : la poésie française n’est pas prépondérante dans les traductions littéraires espagnoles ou catalanes. Malgré cela, on peut trouver de très beaux poètes espagnols ou catalans, classiques et contemporains, traduits en français. Il y a bien sûr Federico García Lorca, mais aussi Joan Salvat-Papasseit, Joan Brossa, Maria-Mercè Marçal, Leopoldo María Panero, Chantal Maillard, Núria Martínez Vernís... Et maintenant Teresa Soto, bientôt Laura Casielles. Cela nous fait plaisir de pouvoir apporter notre grain de sel à la diffusion de la poésie espagnole en France.

I.L. : Étendrez-vous votre domaine à l’ensemble de la littérature hispanophone, ou vous concentrerez-vous sur la poésie espagnole ?

M.M. : La règle du jeu de départ c’est de publier la traduction des textes rédigés en langue espagnole, ce qui rend tout à fait envisageable l’édition d’un ou d’une poète sudaméricain(e).

I.L : Publierez-vous également dans cette collection des poètes catalans ? Et des poètes francophones ?

M.M. : Les deux prochains livres, à paraître en 2019, sont écrits par deux auteurs espagnols, mais nous ne fermons pas les portes de nos pages à d’autres langues (le catalan, le basque, le galicien…). Le temps dira, les rencontres diront. En revanche, nous n’envisageons pas pour l’instant d’inverser le sens de la traduction, c’est-à-dire que nous souhaitons que la langue cible, la langue d’arrivée soit le français.

I.L. : Vous commencez par l’édition de deux ouvrages d’une jeune poète (née en 1982), Teresa Soto. Pourriez-vous nous dire quelques mots sur elle et sur son importance ? Cela est-il une indication sur ce que sera la collection ?

M.M. : Teresa Soto est une grande poète, il était pour nous évident qu’elle inaugurerait la collection. Elle a notamment reçu le prix Adonáis de poésie (2007), considéré comme l’un des plus prestigieux de la langue espagnole, pour son premier livre Un poemario (Rialp). À cet ouvrage ont succédé Erosión en paisaje (Vaso Roto, 2011), Nudos (Arrebato Libros, 2013) et Caídas (incorpore, 2016).

Elle a étudié la philologie arabe et la théorie de la littérature, actuellement elle s’intéresse aux liens qui unissent discours poétique, rhétorique et spatialité. Elle a vécu aux États-Unis, en Italie, en Égypte et au Liban. Elle a traduit de l’arabe et de l’anglais des auteurs tels que Buland al-Haidari, Richard Brautigan et Etel Adnan. Elle termine sa thèse de doctorat sur la poésie mauresque à l’université de Salamanque et au Centre supérieur de recherches scientifiques de Madrid.

C’est un esprit inquiet, sincère et généreux ; c’est une parole dépouillée qui murmure, parle, crie, creuse et caresse. Sa poésie a été définie comme « l’expression épurée d’une voix singulière et lisse, qui se tourne vers une origine qu’elle tente de récupérer, et dont le chemin se passe d’afféteries tout comme d’ornements » (J. L. Clariond).

La collection « Oscilantes » sera sans doute éclectique, mais la « voix singulière » qui « se passe d’afféteries comme d’ornements » marquera à coup sûr la cadence de la dérive éditoriale.

I.L.  : Quelle importance accordez-vous à la traduction ?

M.M. :La traduction est essentielle dans tous les livres traduits que nous lisons. Nous oublions souvent qu’en France nous ne lisons pas Federico García Lorca, mais Lorca et sa traductrice, Line Amselem ; nous oublions souvent qu’en Espagne nous ne lisons pas Marcel Proust, mais Proust et son traducteur, Pedro Salinas. Cependant, ce ne sont pas deux, mais trois : il y a la naissance d’un troisième lieu, d’une troisième plume, une plume qui n’est ni tout à fait le traducteur ni tout à fait l’auteur, mais qui est en même temps l’un et l’autre, qui va de l’un à l’autre, de la langue de l’un à la langue de l’autre, tout en les dilatant et les détachant. Cette balançoire linguistique, culturelle, vitale est la clef de toute mutation textuelle.

Dans cette collection, la traduction est particulièrement importante, car il y a bien sûr le sens, mais aussi et surtout les sens, les directions d’un courant de mots : leurs silences, leurs poids, leurs textures, leur vitesse… De là le choixd’une édition bilingue ; de là le pari d’une co-traduction qui rassemble avant tout des lecteurs avides, sensibles et attentifs, des lecteurs qui chantent (la métamorphose) des langues. Ça a été ainsi pour Chutes/Caídaset Nœuds/Nudos. Nous avons eu la chance que des poètes (Bernard Noël et Deerie Sariols) et des traducteurs (Saberi Hudélieau et moi-même) parviennent à restituer les poèmes de Teresa Soto.

I.L. : Vous apportez un soin particulier au format, au papier et à la couverture des ouvrages de cette collection. Pourriez-vous nous dire pourquoi ?

M.M. : En effet, le corps du livre parle. Avant que nous ne l’ouvrions, il est déjà en train de nous raconter quelque chose. C’est la porte d’entrée... Nous devons donc lui consacrer le temps nécessaire pour qu’il puisse commencer à dire ce qui nous attend à l’intérieur, pour qu’il nous invite à franchir le seuil. Le processus de création de l’objet-livre engage plusieurs personnes : le dessinateur, le maquettiste, l’imprimeur… Nous travaillons tous main dans la main pour le façonner. Nous sommes ravis d’avoir pu habiller ces deux premiers corps oscilantes avec les illustrations de deux artistes exceptionnels : Nicholas F. Callaway pour Chutes / Caídas et Laia Domènech pour Nœuds / Nudos.

I.L. : Organiserez-vous des événements, rencontres et lectures, pour faire connaître les livres que vous éditerez ? Seront-ils présentés sur un blog ou sur un réseau social ?

M.M. : Oui, bien sûr ! Nous avons déjà fait une première présentation de ces deux livres à Paris, le 3 juin 2018, à la Halle Saint Pierre, en présence de l’auteure et de deux traducteurs, Bernard Noël et Deerie Sariols ; et une deuxième à Madrid, le 9 juin, à l’occasion de la Feria del Libro (Salon du livre). Les prochaines rencontres parisiennes auront lieu le 18 octobre, au P.E.N. Club Français (6 rue François Miron, 75004) et le 19 octobre, à la Casa Regional Valenciana de Paris (7, rue Jean Macé 75011). Et puis le 24 novembre nous organisons une rencontre chez Libralire (116 rue Saint-Maur, 7501) avec Bernard Noël autour des poèmes de Teresa Soto a priori sans la présence de la poète espagnole. Nous vous y attendons nombreux et nombreuses ! Il y aura des lectures de poèmes en plusieurs langues et une rencontre-dédicace avec l’auteure et petite surprise visuelle.
Tous les événements que nous proposons sont annoncés sur notre site, nos comptes Facebook et Twitter, ainsi qu’à travers la newsletter que nous envoyons régulièrement. Nous organisons des présentations des livres, des lectures, des bi-lectures (lectures en plusieurs langues sans traduction), mais aussi des jeux avec les livres et les langues.
Nous enregistrons également pas mal d’extraits de nos ouvrages (disponibles sur notre site et/ou sur nos réseaux sociaux) afin de pouvoir les diffuser et les partager, de pouvoir faire vivre les livres le plus lointainement possible, le plus longuement possible.

I.L. : Comment les livres que vous éditez sont-ils diffusés ?

M.M. : En France, cette tâche repose sur les vertes épaules de L’herbe qui tremble. Les livres de la collection Oscilantes sont diffusés dans le même réseau que ceux de L’herbe qui tremble, dûment entretenu par Thierry Chauveau. En Espagne, c’est incorpore qui en assume la distribution et la diffusion dans les librairies francophones de grandes villes.



Pour commander les livres :

http://incorpore.org/fr/accueil

https://lherbequitremble.fr/index.html

Déjà parus dans la collection bilingue « Oscilantes », Éditions L’herbe qui tremble / incorpore :

  • Teresa Soto, Chutes / Caídas, Traduction de Meritxell Martínez et Bernard Noël
    préface de Bernard Noël
  • Teresa Soto, Nœuds / Nudos, Traduction de Saberi Hudélieau et Deerie Sariols

COORDONNÉES
Éditions incorpore / Ediciones incorpore
Web en français : http://incorpore.org/fr/accueil/
tél. +34 629 819 045
Responsables : Albert Coma, Meritxell Martínez
Courriel : incorpore@incorpore.org
Éditions L’herbe qui tremble25, rue Pradier — 75019 Paris (France)
tél. : 01 42 38 10 05
Responsables : Lydie Prioul, Thierry Chauveau
Courriel : contact@lherbequitremble.fr


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