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La revue Bacchanales

mercredi 9 janvier 2019, par Cécile Guivarch

Entretien avec Pierre Vieuguet, par Cécile Guivarch

C’est toujours un plaisir pour moi de faire l’acquisition d’un numéro des Bacchanales. Je suis sûre d’y trouver un beau format, de beaux sujets, de bons textes. Mais comment sont nées les Bacchanales, pour quelle(s) nécessité(s) ?

Les Bacchanales sont nées en juin 1992 pour remplacer une première Revue de la Maison de la poésie Rhône-Alpes née en 1987 (13 numéros parus) devenue trop chère et insuffisamment vendue. Les Bacchanales du N°1 au 23 sont tirées au photocopieur A3 et façonnées à la main : couverture pliée en 3 et hors-texte de 170 gr et feuillets de 80 gr (format 13,5 x 29,7).
Le coût de revient à l’exemplaire à 3 F ou 0,50 c d’Euro. Le choix est économique.
Le titre de cette revue se réfère aux Bacchanales, fêtes du solstices de juin, aux bacchantes (pour nous à ce moment là : gouvernement des femmes), à Bacchus et Dyonisos, Dieu du vin, de l’ivresse, du théâtre et de la transformation ou métamorphose

Comment se constitue un numéro des Bacchanales ?

Si au début Bacchanales réunit sous un titre arbitraire et attrayant les poèmes inédits envoyés librement par les auteurs et choisis par un comité de lecture et un(e) responsable du numéro, les Bacchanales vont rapidement être publiées par thème ou par pays, peuple ou domaine linguistique correspondant au thèmes choisis pour la Biennale ou du Festival de poésie (23 Biennales ou Festivals annuels depuis 1987) et à la programmation annuelle. Chaque anthologie d’environ 196 pages réunit de 50 à 100 auteur(e)s vivant(e)s que la Maison de la poésie Rhône-Alpes sollicite pour des poèmes inédits. Le choix des auteur(e)s est le fruit de nos nombreuses lectures de revues, recueils et manuscrits reçus et de nos auditions de poètes dans les festivals et manifestations littéraires. C’est la qualité littéraire du texte, l’invention de la forme et du thème abordé qui déterminent notre choix. Le peintre qui accompagne l’ouvrage pour sa couverture recto-verso avec rabats, son cahier quadrichromie, ses œuvres reproduites en noir et blanc va être sollicité très en amont et avoir accès à une grande partie des poèmes envoyés, pour que chaque Bacchanales soit « un livre de dialogue ».

Beaucoup de numéros sont consacrés aux poésies d’autres pays, je pense aux numéros sur la poésie marocaine, palestinienne ou encore d’Afrique du sud, et même à un numéro consacré à la guerre et à la paix. D’où vient pour vous cette envie de donner à lire ces voix d’ailleurs, ou ces voix tourmentées par des guerres ?

Et aussi états-uniennes et vietnamienne, russe, tchèque et slovaque, allemande, algérienne et française, haïtienne,calédonienne, corse, sarde ou ouessantine...
Dans toutes les poésies de chaque pays, de chaque peuple vivant en paix ou en guerre, on voit émerger cette langue des sens et de l’émotion comme une expression de la vie, comme une « fidélité à la vie ».
La poésie est l’expression profonde de chaque peuple dans chaque langue. Peut-on commercer, voyager, échanger, rencontrer l’autre d’égal(e) à égal(e) sans aller vers sa langue maternelle, sans la faire passer dans les équivalences langagières, rythmiques, phonétiques de sa propre langue. La poésie dans sa langue originale est langue de liberté et non langue de domination.
Les populations de Saint-Martin-d’Hères et de l’agglomération grenobloise, comme celles d’autres villes et communes, viennent de partout. La poésie, la littérature, l’art en général est leur bien propre et à partager. Ils doivent être d’un usage constant. C’est une des conditions d’une construction inlassable de la paix, de la connaissance et de la compréhension de l’autre, de l’étranger par-delà les frontières.

Il y a bien sûr aussi des anthologies sur des pays qui ne connaissent pas actuellement des situations de guerre : celle sur la poésie italienne, par exemple, parue en 2017. Pouvez-vous nous en parler ?

Cette anthologie a été préparée par Felippo Fonio, Emmanuela Nanni, enseignants et chercheurs à l’université de Grenoble et Claire Mouraby, conservateur des fonds italiens à la bibliothèque universitaire. Elle s’est attachée à réunir 17 auteur(e)s issus des milieux intellectuels sur l’ensemble du territoire italien, largement publié(e)s en Italie mais pas encore traduit(e)s en français et 5 poètes sardes traduits par Marc Porcu qui a consacré de nombreuses années à faire connaître la création littéraire en Sardaigne. Le peintre et éditeurs Robert Lobet a accompagné cette édition bilingue.
Cette anthologie réunit pour l’essentiel autour de la lumière et de l’image une poésie de l’intériorité et de l’intime. Dans une langue subtile, elle témoigne dans leur mouvement lyrique d’une résistance poétique comme une « survivance des lucioles ».

Publier des anthologies rassemblant des voix d’ailleurs, est-ce que cela vous permet de voyager, de vous rendre dans des salons internationaux et d’accueillir des auteurs ?

Beaucoup de membres de notre association loi 1901 depuis 33 ans ont voyagé à titre individuel sur tous les continents, ont vécu dans d’autres pays (Brésil, Tunisie, Algérie, Grèce, Danemark, Grande-Bretagne, Russie...).
Nous sommes curieux de toutes les cultures.
Nous rencontrons des poètes et des créateurs de tous pays au Marché de la poésie de Paris, au Salon du livre de Paris ou de Genève, sur les petits ou grands salons irremplaçables : Alberville, Le Magny, Montfroc, Port-Louis, Romorentin, Saint-Malo, Sète, Thonon-les-bains...
Nous avons bien sûr été quelques fois invités par des festivals ou des manifestations dans d’autres pays (Trois-Rivières au Québec, Hanoï, Bahrein). Nous avons toujours payés nos déplacements dans ses pays. C’est le gage de notre liberté et de notre libre choix d’auteurs.

Vous avez aussi des numéros sur des thèmes très précis, par exemple celui sur le travail ou encore le cinéma, le corps (le sport) : qu’est-ce qui motive ces choix ?

Nous ne sommes pas hors-sol, hors-socièté, nous travaillons dans des lieux et des métiers différents ou sommes précaires. Nous sommes partie prenante de la vie associative, de la vie locale, de la vie de la cité (le cinéma, le corps et le sport, les sciences concernent les poètes et les créateurs de Prévert à Thierry Metz, de Pasolini à Claude Ber, de Desnos à Jean-Pierre Luminet, d’Etienne Klein à Hubert Reeves).
Pourquoi diviser le travail, compartimenter les savoirs, segmenter le vivant.
La poésie pour René Char est un art de l’intranquillité.

Pourquoi avez-vous eu envie de publier l’anthologie DUOS qui rassemble 118 poètes nés à partir des années 1970 ?

Nous souhaitions éditer une anthologie consacré à la jeune poésie. De son côté, Francis Combes pour le Temps des Cerises, préparait un manifeste de la Jeune poésie. Nous avons rencontré Lydia Padellec en juin 2017 qui avait, depuis 2015, sollicité des poètes de langue française né(e)s après 1970 et son choix arrêté à 118 poètes, 59 femmes et 59 hommes se faisant écho par leurs textes en vis-à-vis constituait un bel état des lieux d’une nouvelle génération de poètes. Nous en avions publié ou invité une quarantaine. Ce choix n’était pas exhaustif, il était arrêté et signé par une auteure dont nous apprécions la création, les éditions, l’engagement dans la diffusion de la poésie contemporaine. Sa terre d’élection, la Bretagne, étant à mille kilomètres de la nôtre, au deux bouts de l’hexagone, était un argument supplémentaire. Cette anthologie est accompagnée des œuvres d’Anne-Laure Héritier-Blanc : langues de brindilles et de bois flottés sur des étangs ocres, verts et bleus.

Si vous aviez un numéro que vous aimeriez recommander en particulier, lequel serait-ce ? Et pourquoi ?

C’est le Bacchanales N°60, dernier paru en juillet 2018 : « La valeur décimale du bonheur » qui réunit 85 poètes de 15 pays (Maghreb, Proche et Moyen-Orient), 64 femmes et 31 hommes choisis et traduits de l’arabe par Souad Labbize. Là encore, une jeune génération de poètes qui dans un style remarquable se confronte à la vie, à l’amour, à la guerre, à leurs terres d’origine, à leurs pays... à l’espoir. Il est accompagné par les œuvres de la peintre libanaise Annie Kurkdjian.

Vous m’avez parlé d’une nouvelle collection à venir. Bien sûr cela m’intrigue mais cela intrigue sûrement aussi les lecteurs, en quoi va-t-elle consister ?

Cette nouvelle collection s’appelle Zeste. Elle réunit dans un format à 66 % des Bacchanales habituels, dans une pagination inférieure à cent pages, et pour un prix inférieur à dix euros :

  • des anthologies annuelles des textes des poètes invités à chaque fpoésie
  • des ouvrages et guides pratiques, des manifestes

Donc, vous organisez tous les ans un festival avec la Maison de la poésie Rhône Alpes. Comment s’articule-t-il ?

La Maison de la poésie Rhône-Alpes organise, depuis 1987, un festival de poésie aujourd’hui appelé Gratte-Monde, festival de poésie qui accueille dans un temps fort (le dernier week-end de novembre) des spectacles, des lectures, des débats, des rencontres avec quinze à vingt poètes invités, des ateliers d’écriture, un Salon du livre, avec la présence d’une librairie et d’une quinzaine d’éditeurs. En novembre et décembre se sont des manifestations périphériques sur le département de l’Isère et en région Rhône-Alpes, des rencontres et des ateliers pour les scolaires et étudiants (primaires, collèges, lycées, universités)

Pour conclure, quels sont vos projets à venir ?

En 2019, deux nouveaux Bacchanales (n° 61 et 62) :

  • Anthologie de la jeune poésie palestinienne
  • Anthologie sur le thème La rencontre/la frontière qui sera aussi le thème de notre Printemps des poètes en mars et notre 24e festival en novembre et décembre 2019

En 2020, deux nouveaux Bacchanales (n° 63 et 64) :

  • Anthologie de la poésie suisse
  • Anthologie sur le thème Nature/environnement qui sera le thème de notre 25e festival en novembre et décembre 2020

Le site de la revue Bacchanales


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