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Le Manque / Entretien avec Christophe Esnault et Lionel Fondeville

lundi 5 juillet 2021, par Cécile Guivarch

Cécile Guivarch : Cher Christophe Esnault, cher Lionel Fondeville, Le Manque, un projet multimédia, qu’est-ce que c’est ?

Christophe Esnault : Au départ il y a un texte envoyé à Lionel qui devient une chanson composée et enregistrée dans la journée. Et puis quand on en a eu une dizaine, on a cherché un nom de groupe qui s’est vite imposé avec des références à Sarah Kane, Léo Ferré, le désir en psychanalyse… Comme un mp3 n’intéresse personne, Lionel a pris la caméra et dès le clip Mourir à Chartres, on a eu un succès. Pourquoi s’arrêter ?

Lionel Fondeville : Quand on aime créer beaucoup de choses différentes avec des moyens et des gens différents, on appelle ça un projet multimédia. C’est un terme de novlangue. On aime écrire, chanter, composer des musiques, faire des films, des livres... Ce n’est pas vraiment un choix, mais ça devient politique dans une société qui fabrique des spécialistes à la chaîne (d’info) pour se protéger des regards distanciés, en biais, tordus, incomplets. Ces regards pourraient la fragiliser. Voire l’anéantir. Et puis l’entente entre Christophe et moi pour mettre en forme ces histoires ne faiblit pas, le désir et le manque sont toujours là...

 

Cécile Guivarch : C’est arrivé comment et quand cette aventure, car je suppose que cela en est une d’aventure ? Un duo aussi ?

Christophe Esnault : Je rencontre Lionel dans une soirée poésie, dans un bar de Chartres en 2003. On a des lectures communes. On écrit l’un et l’autre. Je montre un texte à Lionel et le soir même il me fait écouter la chanson. Quand je lui montre mes nouvelles, Lionel les remixe et ça donnera vie 15 ans plus tard à Mollo sur la win, fraîchement paru chez Cactus inébranlable, éditeur basé en Belgique. En marge des chansons et des films on publie des livres l’un et l’autre. Lionel a fait paraître La Péremption chez Tinbad cette année et j’arrive à mon quinzième livre.

Lionel Fondeville : J’ai un karma contrarié d’éducateur spécialisé. Christophe me permet de l’assouvir.

 

Cécile Guivarch : Un côté décalé, un côté insolite, mais aussi beaucoup de poésie dans ces vidéos. Parfois cela n’a l’air de rien, un geste, un silence, une musique. Et pourtant les vidéos de Le Manque chaque fois me touchent. Je suis alors curieuse de savoir comment une vidéo de Le Manque voit le jour ? Quels sont vos moyens ? Vos sources d’inspiration, car oui, où allez-vous chercher toutes ces idées ? Comment procédez-vous au montage ?

Christophe Esnault : J’ai quinze idées de textes de chanson par jour. Lionel réécrit et remixe ce qui lui plaît. Ensuite, on fixe une date de tournage et on peut filmer plusieurs films la même journée. La question de l’inspiration ne se pose pas, on déborde d’idées. Je ne comprends pas bien qu’on doive retourner au boulot alors qu’on pourrait faire des chansons et des films jusqu’à fêter le dix-millième. On est en retard, on arrive seulement à 200 films dont 70 haïklips filmés par Aurélia Bécuwe, et d’autres films de Franz Griers comme Je veux un enfant médiocre, un grand succès. Sans oublier Brice Vincent (Vider les poulets) et plein de collaborations avec des artistes et musiciens. La poésie était là avant Le Manque, chez chacun de nous deux. Puis on a évoqué Sergueï Essenine dans Ulan bator, dont certains pensent qu’il s’agit de notre plus belle chanson, et bien d’autres auteurs. Le langage poétique et ses ressorts traversent nos chansons, nos films, notre regard en général.

Lionel Fondeville : Après avoir longtemps collé des images sur des chansons, je procède souvent à l’inverse depuis quelque temps. Je filme des séries de plans, sur un thème encore vague, ou une situation liée au corps de Christophe et de son rapport singulier au monde. Je réalise un montage muet, qui fonctionne sans son, puis nous tissons un texte que je chante et met en musique, en contrepoint des images. Il naît de ce procédé une tension particulière, que j’aime vraiment beaucoup.

 

 

Cécile Guivarch : Un album Nichon chaton, enfin des albums car il y en a eu d’autres, il y en aura d’autres, n’est-ce pas ? Alors, ces albums ? Dites-nous !

Christophe Esnault : Nichon chaton est un album de reprises par 30 artistes, dont Gontard, Chevalrex, David Fenech, Tycho Brahé… sorti chez la Souterraine en 2018, avec qui on a aussi fait 20e fan.

Lionel Fondeville : Après en avoir fabriqué cinq, on s’est un peu éloigné de l’album. Le recueil, la collection de chansons à l’ancienne me semble moins adapté à l’éclatement des pratiques d’écoute et de découverte musicales, ou visuelles, aujourd’hui. Quel être humain de moins de 30 ans, sur cette planète, a acheté un album, même numérique, depuis cinq ans ?

 

 

Cécile Guivarch : Dernièrement, vidéos avec des poètes, je pense à celle sur un texte de Pierre Vinclair. Vous m’avez dit que vous avez envie d’explorer cette voie. Bien sûr, je l’ai entendu cela ! Mais racontez, racontez !

Christophe Esnault : Oui, travailler avec des artistes, réalisateurs, écrivains, c’est toujours la fête, et là on est assez tenté de faire une série avec des poètes. Mais bien sûr quand un auteur de B.D. nous fait un signe, on y va aussi pour un dessin-animé, on ne va pas se freiner, ni se contraindre. Nous sommes, Lionel et moi, de grands lecteurs de poésie. Nous connaissons beaucoup de poètes que l’on a déjà croisés, l’idée est bien là de les solliciter, de créer, et donc : de vivre.

Lionel Fondeville : Christophe est vraiment quelqu’un de très sociable, très agréable. Il contacte les gens dont il aime le travail et le courant passe toujours très bien. Il a l’art de donner envie aux gens de le connaître, de travailler avec lui. Je ne sais pas comment il fait. Moi je suis très timide, très introverti. Je n’accepterais jamais de me déguiser pour tourner dans un clip, par exemple.

 

Cécile Guivarch : Allez, je vous laisse le mot de la fin, la phrase ou le discours, à vous !

Christophe Esnault : Merci Cécile, on a refusé la couv’ des Inrocks cette semaine pour que tu aies une chouette actu, et une exclusivité. Les rares amoureux de poésie qui passeront ici : on se sent en proximité, on vous aime déjà.

Lionel Fondeville : Savoir que l’on a touché une personne avec nos films et chansons est toujours très doux, et répondre à ses questions, une joie !

 

 

Les 200 films (clips et haïklips) qui vont changer ta vie :
https://www.youtube.com/user/LEMANQUE/videos

Les 3 premiers albums dont personne ne s’est vraiment remis :
https://lemanque.bandcamp.com/

20e fan :
https://souterraine.biz/album/20e-fan

Nichon chaton, la compil :
https://souterraine.biz/album/nichon-chaton


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