Entretien avec Daniel Damart par Cécile Guivarch
Cher Daniel Damart, vous êtes à la tête des éditions Le Réalgar, cette maison a su acquérir une belle renommée en quelques années. Pouvez-vous nous parler un peu de sa naissance, de quel désir est-elle née, comment, avec qui... ? Vous l’aurez compris la question est assez large, c’est que j’ai envie de tout savoir !
Tout d’abord, bonjour et un grand merci pour votre intérêt pour le Réalgar.
Le Réalgar fut au tout début une galerie d’art contemporain située à Saint-Etienne ou je vis et que j’ai animé de 2007 à 2016. Pendant ces dix années furent organisées 59 expositions personnelles ou collectives, essentiellement de peintures mais aussi de sculptures et de photographies.
Quelques mots également sur ce mot de Réalgar. Quand, en 2007, j’ouvrais la galerie, je souhaitai lui donner un nom en rapport avec la ville de Saint-Etienne qui est encore marquée par son passé minier. Le Réalgar est en fait un vieux mot de la langue française d’origine arabe, qui désigne un cristal de soufre et d’arsenic que l’on trouvait dans les mines de charbon de la ville. Mais c’est également le premier mot de l’un des poèmes de François Villon.
Les premiers textes publiés par le Réalgar sont ainsi parus en marge d’exposition que j’organisais où je préférais un court texte de littérature en accompagnement de l’œuvre d’un plasticien plutôt que ce genre de texte souvent abscons que l’on peut trouver dans certaines galeries. Puis le hasard d’une rencontre en 2009, avec un artiste proche de Michel Butor a permis de faire le premier « vrai » livre édité par le Réalgar (Talus). Les choses se sont ensuite enchaînées assez vite grâce à la confiance de quelques auteurs.
Et pour poursuivre avec la curiosité qui m’anime, mais qui permettra aussi de mieux poursuivre cet entretien, Le Réalgar comporte plusieurs collections. Quelques mots sur chacune d’elle ?
Aujourd’hui les collections qui ont trouvé leur chemin sont au nombre de 4 :
Le Réalgar qui réunit des romans, récits et nouvelles
L’Orpiment qui est la collection de poésie dirigée par Lionel Bourg
Ligne de crête, une collection de textes courts souvent consacrés à un personnage ou un lieu
Et La collection de Lettres ouvertes qui sont des billets d’humeur où j’offre la possibilité aux auteurs de s’exprimer sur un format de 20 pages sur un sujet qui les « taraude »
Et comme je considère l’édition indépendante avant tout comme un espace de liberté, je n’hésite pas à sortir du format de ces collections quand un texte le mérite.
Des auteurs, des artistes... Pour vous quelle importance l’art ? Quelle importance l’écriture ? Qu’est-ce qui vous conduit à la nécessité les relier art et poésie, de relier auteurs et artistes ?
Relier art et littérature est une approche assez ancienne. Je ne suis pas un spécialiste des éditions anciennes, mais déjà au XIXème et peut-être avant on trouve des ouvrages offrant art et poésie. Je ne fais que continuer une pratique assez traditionnelle. Et lors des échanges avec les auteurs ou avec les artistes il est constant de voir les uns parler du travail des autres. J’ai rarement croisé un poète ne s’intéressant pas à la peinture ou un peintre ignorant la poésie. Bien sûr, il n’est pas question d’illustrer un texte avec une peinture mais plutôt de trouver une résonance, un accompagnement équilibré entre l’un et l’autre, d’offrir au lecteur deux propositions dans un même ouvrage. Cela ne reste malgré tout qu’une possibilité. Nombre d’ouvrages édités par le Réalgar ne sont pas « illustrés ».
Vous publiez Romans, nouvelles, récit ou poésie. Mais tout de même beaucoup de poésie. Je suppose que vous accordez de l’attention à tous les genres littéraires, mais en quoi est-ce important pour vous publier et de mettre en avant la poésie ?
Je crois que j’ai publié environ moitié poésie, moitié romans, récits et nouvelles. La classification par genre littéraire est un peu arbitraire et formelle. Et la poésie se retrouve parfois là où on ne l’attend pas forcément.
Les auteurs, les auteurs... Des livres, des livres... De Françoise Ascal à Mary-Laure Zoss, en passant par Armand Dupuy, Jean-Pierre Chambon, Jacques Josse, Lionel Bourg ou Frédérique Germanaud, vous défendez la poésie contemporaine. Comment choisissez-vous les livres que vous publiez ? A quelle(s) exigence(s) doivent-ils répondre ?
J’avais pris l’habitude par le passé de lire l’intégralité de l’œuvre parue d’un auteur avant de la publier. Il me semblait important de bien connaître son œuvre, chaque livre se situant dans une continuité. Bien sûr cela devient de plus en plus difficile. Le choix d’un texte est bien sûr toujours une chose délicate, l’exigence de la langue est primordiale. Mais j’attache également beaucoup d’importance à la relation avec l’auteur. Il m’est nécessaire de sentir une sorte de connivence, de confiance.
Plusieurs livres pour 2021... Une joie de publier je suppose en cette période particulière. Mais publier en temps de pandémie, est-ce difficile pour vous ? Et en règle générale, éditer, défendre la poésie quelles en sont les joies et les douleurs ?
La publication de poésie est un travail au long court. La vie d’un livre de poésie est longue, contrairement à celle de certains romans à la mode et c’est la grande satisfaction de l’édition de poésie que de voir les livres trouver leurs lecteurs sur la longue période. Bien sûr on aimerait toujours que chaque livre soit plus lu. Mais je ne me plains jamais de la soi-disant faible audience de la poésie. Il existe un lectorat fidèle en France que nous envient sûrement les éditeurs de bien d’autres pays. Ce sont souvent les libraires qu’il est le plus difficile de convaincre.
Et votre plus beau souvenir en qualité d’éditeur, quel est-il ?
Il y en a plein bien sûr. Le métier d’éditeur est métier de passeur entre auteurs et lecteurs et les plus beaux moments sont ceux des rencontres entre les uns et les autres.
Donc... plusieurs livres, tout au long de 2021... Souhaitez-vous nous en parler ?
Pourquoi ces livres, comment s’est passée la rencontre avec chacun d’eux ?
Oui 2021 sera encore une belle année avec des textes de nouveaux auteurs pour le Réalgar comme Patrick Laupin, Jean-Claude Leroy, Albert Bensoussan ou Emmanuelle Le Cam. Ou d’auteurs déjà publiés comme Lionel Bourg ou Jean-Noël Blanc. Et quelques premiers livres également. Difficile d’évoquer la façon dont se fait chaque rencontre. Rien de bien exceptionnel je crois. Quelques textes qui arrivent par la poste, d’autres issus de rencontres sur les salons, les relations des uns et des autres, etc.
Avant de terminer cet entretien, quels sont vos souhaits, vos projets pour le Réalgar ? N’hésitez pas à nous en dire plus !
Pour 2021, un projet avance bien, c’est celui de la diffusion puisqu’à compter du 1er mai le Réalgar sera diffusé et donc, je l’espère, plus visible. Et mon souhait le plus cher est que les rencontres puissent au plus tôt , de nouveau avoir lieu, les salons, le marché de la poésie, etc.
« En réalgar, en arsenic rocher,
En orpiment, en salpêtre et chaux vive,
En plomb bouillant »
…François Villon
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