Edito de Cécile Guivarch
« Chaque fois il faut extraire les mots de là où ils sont. Puis les mettre en langue. Et peut-être alors, quelquefois... » Tant de réponses peuvent être apportées à la suite de ces mots de Thierry Metz (L’homme qui penche) car ce numéro de Terre à ciel n’échappe pas au pouvoir des mots et de la langue. Il ne se dérobe pas non plus à la manière dont le poète questionne le monde et la place qu’il y occupe. Les mots n’existent pas uniquement pour faire joli. Puisés au cœur, ils sont prompts à un réel pouvoir sur la langue. A tel point que nous, lecteurs, nous nous les approprions, nous réagissons, nous les éprouvons. La poésie serait-elle cette langue de l’universel ? Cela amène d’autres questions. Entre autres, la poésie peut-elle changer le monde, ou change-t-elle notre monde ? La poésie doit-elle être engagée ? Cet engagement doit-il passer par de nouvelles façons de lire la poésie ? Cela, Florence Saint-Roch, dans ce nouvel Autour du feu, le questionne et y répond : « J’écoute et regarde tels poètes lire leurs textes : des poèmes polémiques, engagés, comme on dit. Et en effet, les auteurs sont engagés pleinement dans leur lecture, souffle, voix, poumons, ventre, chemise mouillée, tout le corps engagé, sans ménagements, dans cette aventure de la parole faite colère, révolte, lutte, résistance, cris parfois. Rythmes et scansions sont au rendez-vous, choc des mots, levée des images, résonances, tambours et cymbales. La performance fait son effet (…) Qu’est-ce qui a changé, qu’est-ce qui va changer ? Le rapport de certains à la poésie »
Les mots… Les mettre en langue. Est-ce une affaire de féminité ou de masculinité ? Dans son hommage au poète Frédéric Tison, Claire Boitel décrit ses poèmes comme « creusant le lit de la féminité et du masculin dans toute l’ampleur de leurs tessitures, le poème de Tison est rivière, torrent, sang, où s’entendent couler parfois plusieurs voix, dans une constante maîtrise de l’émotion qui sans ce gant de fer jaillirait à tout va. » Le hasard fait que ce numéro de Terre à ciel interroge largement la question de l’écriture des femmes. Plusieurs articles, poètes, maisons d’éditions ou chroniqueurs se penchent sur cette question. La place des femmes dans la poésie est-elle encore à conquérir ? Nous, équipe de Terre à ciel, pensons que « les femmes et les hommes écrivent aussi bien » (Table ronde sur la poésie des femmes) et c’est ce qui fait la richesse de nos sommaires. D’ailleurs la poésie est-elle une affaire de sexe ou de genre ? Faut-il en faire une question politique ou poétique ? « J’ai été poète avant d’être femme - et je le serai après… - Alors - » écrivait Marina Tsvetaeva (Les carnets, éditions des Syrthes). « Extraire les mots de là où ils sont », n’est-ce pas cela l’essentiel ? « Parfois on se perd longtemps, mais c’est pour chercher » éclaire Françoise Delorme autour du feu.
Une chose est sûre, la poésie ne fait pas genre. La poésie prend mots et fait langue. La poésie, d’ailleurs, qu’est-ce que c’est ? Les anges invités à notre table ont quelques réponses ou pas : « C’est murmurer avec fracas » (Amélie Bonnin), c’est : « Rythme. Invention. Exigence. Liberté. » (Ornel Colomb), c’est encore : « le vide entre les mots » (Pascal Nordmann). « J’aime surtout l’idée qu’elle échappe aux définitions » (Thomas Pourchayre). « Je ne sais pas trop ce que c’est, la poésie… » (Rémi Froger). « Je ne saurais pas définir la poésie (mais d’évidence il y aurait musique). » (Isabelle Sancy). Une chose est sûre, après avoir mis les mots en langue : « peut-être alors, quelque fois » c’est la poésie...
Cécile Guivarch pour l’équipe de Terre à ciel
Un ange à notre table
Terre à ciel des poètes
Voix du monde
- La chanson de la beauté du temps / Zhai Yongming, par Françoise Delorme
- Poésie Native American - présentation et traductions de Béatrice Machet
- Dimitris Pérodaskalakis, traduit par Anne Barbusse
- Reha Yünlüel, traduit du turc par Belkis Sonia Philonenko, Pascale Gisselbrecht et Reha Yünlüel
L’arbre à paroles
- Hommage Frédéric Tison
- La parole mise à nu : Christine Durif-Bruckert et Cédric Laplace , par Marc-Henri Arfeux
- 12 poètes contemporaines de Bretagne par Marie-Hélène Prouteau, dans la sororité des mots, par Denis Heudré
- Billet de Christophe Stolowicki
- Chevalier ! Montre-moi tes seins ! Par Bruno Normand
A l’écoute
- Autour du feu, Françoise Delorme, Florence Saint-Roch
- Anthologie audiovisuelle des poètes vivants par Reha Yunluel
- Premières à éclairer la nuit : Entretien avec Cécile A. Holdban, par Cécile Guivarch
- TABLE RONDE sur la poésie des femmes Marie-Hélène Prouteau, Cécile Guivarch, Nicole Laurent-Catrice
- A l’écoute de Cédric Bonfils, Reprises - ou comment reprendre et reprendre encore le fil des mots, les gestes du corps. Par F. Saint-Roch
Paysages
- « Tenir, retenir », un entretien avec Laurent Thinès, par Florence Saint-Roch
- La ferveur des rivières, Poèmes de Sabine Dewulf, d’après les encres de Florence Saint-Roch
- Filer les jours - une fable de fil, voyage dans « Je n’ai jamais su coudre », de Anne-Sophie Oury-Haquette, par F. Saint-Roch
Bonnes maisons
- Editions des femmes - Antoinette Fouque
- Editions Louise Bottu
- revue animal
- Les Amis de Pierre Dhainaut
- Les Lieux Dits Éditions, collection 2Rives
- Encres vives
Bonnes feuilles
- Hep ! Lectures fraîches ! par Cécile Guivarch
- Lus et approuvés, par Valérie Canat de Chizy
- Repaires, repères, par Françoise Delorme
- Instantanés de Clara Regy
- Lignes d’écoute par Sabine Dewulf
- L’espère-lurette, chronique po&ique, par Jean Palomba
- Itinéraires non-balisés N°14, par Georges Cathalo
- Lectures de Véronique Elfakir
- Lectures de Mathias Lair
- Le Bel âge de Raphaël Laiguillée, lu par Guillaume Decourt
- Une poétique de la présence - Deux livres d’Anne-Emmanuelle Fournier lus par Miguel Coelho
- Lectures François Thiéry-Mourelet