« Arrêtons-nous un peu, causons », proposait Rilke dans un poème des Vergers : oui, avec lui arrêtons-nous un instant, car au bout des branches les fruits inévitablement pèsent - donnent matière à réflexion. Ne sont-ils pas actuels et potentiels à la fois : pour l’arbre, un aboutissement, pour nous, une promesse de saveurs parfumées ? En cette saison d’abondante cueillette (l’épaisseur toute virtuelle de ce numéro l’atteste), réfléchissons donc mûrement. Et posons-nous les bonnes questions – de celles qui font bouger nos lignes intérieures et nous réorientent puissamment. À l’écoute de voix nouvelles, qu’elles soient d’ici ou d’ailleurs, découvrons de nouveaux territoires, traversons les frontières, donnons-nous la chance, comme l’écrivait Marie-Claire Bancquart, d’« explorer l’incertain ». Cette exploration requiert un immense courage, tant il nous faut parfois faire face à de vertigineuses béances : celles qui nous laissent sans mots. Dans cette perspective, l’anthologie Pourquoi, avec ses 53 contributions, creuse l’étonnement, active la spéculation. Pour le poète, aucune question qui soit anodine : suspensive, elle prend le risque d’interrompre l’enchantement, et l’on peut s’en mordre les doigts, les lèvres ou la joue. Puisse-t-elle, en nous menant plus loin, nous y mener debout.
Florence Saint-Roch, pour toute l’équipe de Terre à ciel.