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Renaissance et je me dis ce mot sera bien le dernier, inédit, extrait, de Fabien Marquet

vendredi 4 janvier 2019, par Cécile Guivarch

Seul ce geste nous délivre
mais nous ne savons rien de son chemin
vers le plus bel éclat du jour

et nous nous contentons de mordre l’ombre
comme un revers de main

et d’avaler notre salive pris de remords
pour tout le temps perdu

 
 

*
 
 

Et je me demandais
comment dire toutes ces choses
je sentais au fond de moi se conjuguer
leur ombre à mes racines

je marchais comme un somnambule
que le secret travaille

et lorsque je m’éveillais
je voulais que tout autour de moi me soit facile

je prenais les choses dans ma main
comme aurait fait un étranger

et je me demandais
comment dire toutes ces choses

si proche était le monde
si loin

 
 

et dans ma convoitise
les choses avaient le goût de l’eau

je n’allais pas au-delà de leur écorce

 

mes lèvres étaient un arc
pour mieux me perdre dans la nuit

et revenaient au jour pleines d’hésitation
n’ayant jamais trouvé d’aubier

 
 
*

 
 
Et nous espérons dessiner sur nos visages
une promesse d’île

le sourire de la bête
au large des naufrages

et ce miroir secret de l’âge
où tout viendrait finir

 

nous saurions alors
quel est notre bien le plus précieux
celui que nous avons gardé intact

pour l’avoir trop souvent fui
sans le nommer

et la fatigue a de beaux yeux
l’après-midi respire

un vent léger un bruit d’oiseau

les ailes font la dentelière
hésitent un air ou deux

 
 

un chien grogne peut-être
dans son sommeil

 
 

*

 
 

Les temps étaient si incertains
mais les jours plus denses se ramassaient
autour du feu toujours sacré

et j’étais si économe
qui étais-je dis-moi pour demander si peu

oser manger mes cris dans le silence
sans me briser

j’avais la force des chimères
qu’on roule dans la poussière

 

les coups qu’on me donnait
étaient ceux de minuit

 

et ils croyaient m’abolir
mais me livraient sans le savoir
le secret du temps

 
 

*
 
 

Et voici mon taudis
pour une crémaillère

je sais le cœur des villes
il n’y manque que les rues
où l’on croise un ami

 
 

Ma main criait famine
et pauvre n’avait plus que paille sur les eaux

 

O que ma vérité la plus sèche
se déroule à présent comme un rouleau de soie

la pâte du silence crépitant sous les doigts
et les yeux en amande
que l’on se fait en temps de paix

 

et ta cruauté Ô poésie devient pastelle

ta voix se perd dans le cristal
mais elle ne rêve que d’une eau pure

 
 

L’avenir grondait sous l’écorce
à l’appel foudroyant des grandes villes

et des matins nouveaux claironnaient
sur le versant d’une colline

 
 
*

 
 

Mais maintenant... comment dire...

la fenêtre est fermée la lampe brûle

je veux parler sans m’étourdir
je veux parler de ce qui vient sans me presser
puisqu’on m’a donné
d’accoucher dans la pierre

le vent qui grince...

 

je parlerai sans préambule je sais quoi dire
je vais parler je parlerai

 
 

Au quotidien je parlerai
et puis la mort viendra je la verrai venir je lui dirai :

-Je dois rester je dois partir
je ne veux pas mourir dans mon sommeil

-Comment veux-tu mourir
-Comme dans un livre
où l’on peut lire la première page
ou la dernière le reste qu’on le devine
j’irai dormir sous la colline

 

un homme s’est arrêté dans le jardin
de son sac sort une corde

 

j’ai maintenant huit pieds de long
j’irai jusqu’à dix et puis quatorze
à vingt je me perdrai dans la forêt
je me reposerai quand je serai dans la clairière

 
 

j’aurai un cœur de pierre
je monterai sur la colline

je poserai ce cœur de pierre
sur le chemin des cathédrales

j’aurai un trou dans la poitrine
pour y loger les escargots

 

un oiseau se niche au creux des arbres
et puis s’envole...

 
 

*
 
 

La mort aura le dernier mot qui ne le sait
j’aurai le mien que vais-je dire

je parlerai de l’avenir
c’est une règle précautionneuse
si le présent est plus craintif
qu’un oiseau

et si la voix veut se graver
mieux vaut se taire
l’abeille fera son miel

des enfants crient

 
 

mais le présent est un grand trou
tout tombe à l’eau
les cloches de midi
les volets claquent contre le mur
très loin de moi le coucou chante c’est un oiseau
un chien aboie...

 
 

Renaissance et je me dis ce mot sera bien le dernier, inédit
(Extrait)


Biographie :

Né en 1974 en Isère, Fabien Marquet vit actuellement à Perpignan. Il a étudié les lettres et la philosophie. A exercé divers petits boulots. Touché à l’enseignement avant de se consacrer au théâtre et à l’écriture.

Bibliographie :

En revue :
Europe, A l’Index, Les Cahiers du Sens, Les Cahiers de l’Université de Perpignan (PUP)

Chez un éditeur :

  • Par la fenêtre je me suis fait feuillage, Editions Unicité (2017)
  • La Main sur l’essieu, Encres Vives collection Encres blanches (2017)
  • Cent noms d’oiseaux que je n’ai pas appris, Encres Vives (2015)
  • Chemin n’est que poussière (suivi de La rose Crayonnée), inédit
  • Renaissance et je me dis ce mot sera bien le dernier, inédit

Son travail (Par la fenêtre je me suis fait feuillage, Chemin n’est que poussière) interroge la proximité et le rapport de dépendance de l’homme (des villes) à la nature. Le motif du jardin, limite de l’espace urbain, y occupe dans son ambiguïté une place centrale, à la fois comme miroir et comme moyen d’émancipation (par le biais notamment des images dont il est le creuset). Son œuvre, très soucieuse de continuité et de cohérence, n’hésite pas à convoquer d’autres genres (narratif et dramatique).
Vous pouvez retrouver l’ensemble du travail de l’auteur sur son site Le temps de l’amadou consacré à la poésie moderne et contemporaine.

(Par la fenêtre je me suis fait feuillage a fait l’objet d’une note de lecture par Cécile Guivarch dans la rubrique Bonnes feuilles sur le site terre à ciel en novembre 2018)


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