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Margherita Rimi, traduite de l’italien par Irène Dubœuf

mercredi 15 juillet 2020, par Cécile Guivarch

Engagée professionnellement et poétiquement dans la lutte contre les agressions faites aux enfants, Margherita Rimi publie des recueils d’une profonde intensité, adoptant un registre particulier, au plus près de la réalité, notant le vécu sous forme de fragments, veillant à retranscrire avec simplicité les mots des enfants dont elle se fait le porte-parole.
Ainsi nous livre-t-elle une poésie insolite qui, ancrée dans la violence de la réalité, réussit à dire l’indicible. Une œuvre qui, sans porter de jugement, résonne en nous comme un cri.

Margherita Rimi – Photo Dino Ignani

Nel gioco il bambino manipola i fenomeni
esterni al servizio del sogno, e investe i fenomeni esterni
prescelti con significato e sentimento di sogno.
 

Donald W. Winnicott, Gioco e realtà

Il bambino dice :

Oggi la luna ha
gli occhi
il naso
la bocca

Giro la pagina

Tutti mi dicono che non è vero
anche mio padre

Ma la maestra mi ha dato un compito :

NON CANCELLARE

En jouant, l’enfant manipule les phénomènes
extérieurs, Il les met au service du rêve et il investit les
phénomènes extérieurs choisis en leur conférant la signification et le sentiment du rêve.

Donald W. Winnicott, Jeu et réalité

L’enfant dit :

Aujourd’hui la lune a
ses yeux
son nez
sa bouche

Je tourne la page

Ils me disent tous que ce n’est pas vrai
même mon père

Mais la maîtresse m’a donné un devoir :

NE PAS EFFACER

Come si cresce

Mia madre portava la salvia nella borsa
le preghiere del Rosario
– Non lasciate troppo liberi i bambini
si possono fare male –

Come si cresce par diventare grandi ?

La misura si segna sul muro
le ferite sulle ginocchia
la storia su questo quaderno

Comment on grandit

Ma mère mettait dans son sac la sauge
les prières du chapelet
– Ne laissez pas les enfants trop libres
ils peuvent se faire mal –

Comment faire pour devenir grand ?

La taille se marque sur le mur
les blessures sur les genoux
l’histoire sur ce cahier.

Sulle origini del mondo
nessuno sa niente :

la matematica fa calcoli per approssimazione

la parola fa lo sforzo del pensiero
la filosofia prende tempo

Solo i bambini indovinano :
“dentro la pancia della mamma”

Sur les origines du monde
personne ne sait rien :

les mathématiques font des calculs approximatifs

le mot fait l’effort de la pensée
la philosophie prends du temps

Seuls les enfants devinent :
« dans le ventre des mamans »

Epigrafe psicoterapica

Io non voglio essere
perfetta

voglio essere
un imperfetto

un futuro semplice
un participio passato.

Épigraphe de psychothérapie

Je ne veux pas être
parfaite

je veux être
un imparfait

un futur simple
un participe passé.

Poèmes extraits de Nomi di cosa-Nomi di persona Marsilio Editori 2015

Hanno rotto la porta avevano i fucili e le pistole
hanno rubato tutto

Davanti a me
hanno ucciso mio nonno e mio fratello

Ils ont défoncé la porte ils avaient des fusils et des pistolets
Ils ont tout volé

Devant moi
ils ont tué mon grand-père et mon frère

Qui arrivano gli aerei, bombardano

Non andiamo più a scuola. Siamo chiusi in casa
Siamo in pericolo. Abbiamo bisogno di tutto

Aiutateci.
Non voglio morire.

Les avions arrivent, ils bombardent

Nous n’allons plus à l’école. Nous sommes enfermés à la maison
Nous sommes en péril. Nous avons besoin de tout

Aidez-nous.
Je ne veux pas mourir.

Quando finisce la guerra

voglio studiare
voglio fare il dottore

se mi appoggio l’orecchio

Penso alle conchiglie del mare

che si sente il mare

dentro

Quand la guerre finira

je veux étudier
je veux faire docteur

si j’approche mon oreille

je pense aux coquillages

où l’on entend la mer

à l’intérieur

Poèmes extraits de Le voci dei bambini-Mursia 2019


Margherita Rimi vit en Sicile, à Agrigente. Neuropsychiatre pour enfant, elle mène une activité de premier plan contre les violences et les abus perpétrés sur les mineurs et les enfants porteurs de handicap. Elle fait partie de la rédaction de Quaderni di Arenaria et de FuoriAsse et collabore avec d’autres revues italiennes.
Parmi ses recueils de poèmes, Per non inventarmi, (Pour ne pas m’inventer) préface de Mailena Renda (Kepos 2002), La cura degli assenti, (Les soins aux absents), préface de Maurizio Cucchi (LiettoColle 2007), Era farsi, autoanthologie 1974-2011 (C’était se faire, auto-anthologie 1974-2011) préface de Daniela Marcheschi (Marsilio, 2012), Nomi di cosa – Nomi di persona, (Noms de chose – noms de personne), volet de couverture de Amedeo Anelli (Marsilio, 2015), Le voci dei bambini, poesie 2007-2017 (Les voix des enfants, poèmes 2007-2017), volet de couverture de Guido Oldani (Mursia, 2019).
Elle a publié également La civiltà dei bambini. Undici poesie inedite,e una intervista (La civilisation des enfants, onze poèmes inédits et une interview) aux éditions Libreria Ticinum Editore – CISESG, 2015 et Una lingua non basta. Contributi su poesia e infanzia (Une langue ne suffit pas. Contributions sur la poésie et l’enfance) aux éditions People&Humanities, 2018.
Elle est présente dans des anthologies italiennes et étrangères : Antologia di poeti contemporanei, Tradizioni e innovazione in Italia (Antologie de poètes contemporains, traditions et innovation en Italie) collection dirigée par Daniela Marcheschi (Mursia, 2016), În corp de val (Roumanie) collection dirigée par Eliza Macadan (Eikon, 2017), Mille anni di poesia religiosa italiana, (Mille ans de poésie religieuse italienne) collection dirigée par Daniela Marcheschi (EDB, 2017).
Ses poèmes ont en outre été publiés séparément dans des revues italiennes et étrangères parmi lesquelles « Poesia », « Il segnale », « Poezia. Revistă de cultură poetică », « Terres de femmes », « Exit ».
Parmi les prix reçus, on peut citer le Piersanti Mattarella (2017) et le Dilloinsintesi (2017) avec l’artiste Letizia Battaglia. Son travail poétique sur l’enfance a été reconnu par l’Unicef Italie en 2016.

Irène Dubœuf est une poète française née à Saint-Etienne où elle a été enseignante puis chargée de communication dans l’enseignement supérieur.

Elle est l’auteure des recueils Le pas de l’ombre, Encres vives 2008, La trace silencieuse, Voix d’encre 2010, prix Marie Noël, Georges Riguet et Amélie Murat, Triptyque de l’aube, Voix d’encre 2013, grand prix de poésie de la ville de Béziers. Roma, Encres vives 2015, Cendre lissée de vent, Unicité 2017, finaliste du prix des Trouvères, Effacement des seuils, Unicité 2019 et des livres pauvres Bords de Loire (avec Véronique Arnault) et Volcan (tous deux dans la Collection Daniel Leuwers)

Ses nouvelles et poèmes paraissent en anthologies, parmi lesquelles : Vibrations en partage, La porte des poètes 2014, Il n’y a pas de meilleur ami qu’un livre, Voix d’encre 2015, Rivages, Maison de la poésie de la Drôme 2016, Le mystère du clavecin stéphanois, AAMAI Saint-Etienne 2017, Ailleurs, éditions de l’Aigrette 2018, Tisserands du monde, Maison de la poésie et des lyrismes du Velay-Forez 2018, Un rêve, éditions de l’Aigrette 2019, Amours ancestrales, éditions SeLaProd 2019, Traversées, éditions de l’Aigrette 2020 ainsi que dans de nombreuses revues françaises. À l’étranger, ses poèmes ont été publiés dans l’anthologie Italian Contemporary Art, Lord Thomas Italy 2017, la revue Sipay (Seychelles) et dans Il Notiziario de l’Académie internationale d’Art Moderne de Rome.

Elle est intervenue à plusieurs reprises à l’Université Jean Monnet (Université pour tous) pour donner des conférences sur la poésie. Actuellement engagée dans la traduction de poètes italiens, (elle est la traductrice d’Amedeo Anelli dont Neige pensée vient de paraître aux éditions Ticinum), elle collabore également avec des revues tant françaises qu’italiennes en tant que critique littéraire.

http://irene-dubœuf.jimdofree.com


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