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FMP et Editions TARMAC - entretien avec Jean-Claude Goiri par Cécile Guivarch

samedi 30 mars 2019, par Cécile Guivarch

Cher Jean-Claude, nous avions déjà évoqué il y a plusieurs années la revue FPM dans Terre à ciel, elle en est aujourd’hui au numéro 21, est-ce que tu peux nous en parler un peu, sa naissance, son évolution, les projets ?

Pendant des années j’ai animé des ateliers d’écritures. Je trouvais que certains textes méritaient une diffusion au moins dans l’établissement dans lequel j’exerçais. Alors, j’ai créé un petit fanzine, Matulu, pour le diffuser dans la ville en partenariat avec un libraire. Et le fanzine, un peu mystérieusement, a pris de l’ampleur. J’ai donc créé le FPM pour répondre aux besoins en ouvrant cette fois-ci l’accueil à tout écrivain et poète hors atelier. Et, cela a marché. J’ai commencé à vendre la revue à un cercle d’abonnés qui s’agrandissait.
Une première grande étape fut le Salon de la revue 2015 où nombre d’auteurs sont venus à ma rencontre ainsi que des chroniqueurs et collègues. Le cercle était formé.
Le projet, pour l’instant, comme nombre de revues, est de perdurer, de résister à l’extinction provoquée par les grosses machines éditoriales.

Que cachent ces trois lettres : FPM ? Pourquoi ce nom pour une revue ?

FPM signifie Festival Permanent des Mots. J’ai voulu un nom banal voire neutre, sans référence littéraire, un nom qui ne provoque pas d’imaginaire poétique, et ceci, afin que le lecteur ne soit pas dirigé par un esprit ou une ligne qu’il cherchera forcément chez les auteurs à travers la revue. Je voulais que chaque auteur soit distinct, reconnaissable en dehors d’une figure d’ensemble ou d’un esprit commun. Chaque texte a sa chance sans être plombé par un titre contaminant.
La cohésion d’ensemble qui en ressort malgré tout est d’autant plus forte et fascinante.

Quelles sont tes plus grandes fiertés, tes plus belles rencontres avec FPM ?

Mes plus grandes fiertés sont les rencontres avec certains auteurs comme Jacques Jean Sicard, Serge Pey, Murielle Compère-Demarcy et tant d’autres. Mais aussi de publier des auteurs inconnus et d’avoir des retours positifs sur leurs textes de la part de chroniqueurs ou de lecteurs.

On sait que ton activité éditoriale a débuté par la revue, et donc quand et pour quelle(s) raison(s) a-tu eu envie d’éditer des livres et de créer la maison d’édition Tarmac ?

Nombre d’auteurs que je trouvais excellents me disaient ne pas trouver d’éditeur et qu’ils allaient abandonner leurs recherches. Alors je me suis dit pourquoi ne pas les publier et leur donner une chance à travers une maison d’édition puisque j’avais déjà formé un réseau avec la revue.

Comment choisis-tu les auteurs, les textes que tu publies ? Ont-ils un lien avec la revue FPM ?

Aujourd’hui encore, je donne la priorité aux auteurs qui ont publiés dans le FPM. Mais je lis tous les manuscrits que je reçois. Quoi qu’il en soit, je choisirai un texte qui pose des questions, qui me propose un chemin de traverse, un sentier que je n’ai jamais pris. J’aime les textes ancrés dans les problématiques contemporaines autant philosophiques que sociétales. Je pense que la poésie peut apporter beaucoup avec son regard singulier en soulevant les préjugés et les tabous.

Quelle idée de la poésie souhaites-tu défendre ?

Je défends une poésie qui dévoile une face cachée de notre pensée, une poésie qui raconte pour comprendre, pour comprendre que l’Autre est indispensable pour se construire. J’aime les écritures ciselées, économes, sans concessions qui laissent la part belle à l’imaginaire du lecteur créant ainsi un lien avec l’auteur.

Tarmac est une association, quelques mots sur son fonctionnement et le système d’abonnement ?

Tarmac est donc une association à but non lucratif. Cela veut dire que tout l’argent perçu ne sort pas de l’association est sert à la publication, la diffusion, les salons, et bien sûr, les droits d’auteur.
Il y a plusieurs types d’abonnements :
40 € pour 4 livres ; 50 € pour 5 etc., et l’intégrale : 110 € pour 8 livres + un abonnement de un an à la revue. L’abonnement à la revue FPM seule coûte 40 €.
Ces abonnements sont avantageux puisqu’un livre revient à 10 euros quelque soit son prix public.

Et les prochaines parutions, peux-tu en parler ?

Dans les prochaines parutions, il y aura beaucoup de premiers livres parsemés de quelques auteurs confirmés.
Toujours des poèmes, mais aussi des Nouvelles et, un premier recueil de philosophie sous formes d’aphorismes et de pensées, le tout trempé dans une belle dose de poésie.
Un extrait du recueil « Salle d’attente » de Stéphane Bernard (à paraître en septembre) pour conclure :

Matière — Je fabrique tellement de matière autour de tout ce que je ne dis pas, que cette matière finit par former une bouche. Une bouche autour de l’attente d’un cri.

https://www.tarmaceditions.com/

Extrait Babel Tango, Nolwenn Euzen

Ce qui entre dans la phrase. On ne sait pas bien d’où.
Il faudrait que je connaisse par cœur. Que j’enfile comme un gant. Mais non. Depuis le temps que je l’utilise, pourtant. Depuis le temps que j’ai commencé ce récit-qui-n’en-est-pas- un.

Si j’emmène cette phrase scruter, enquêter, si je la blesse. Si je la penche dehors, la charge de guerre. Car enfin cette phrase est responsable, elle ne peut pas parler pour rien.

Extrait de Combe , Sophie Brassart

Je n’attends pas de nouveau pays

Devant moi se dresse
une montagne de feuilles sèches

Elles s’enchevêtrent autour de mes veines
Je ressemble à l’exil

Au milieu du silence

Je ressemble au bois qui ruisselle
Il contient
la route vide

Est-ce au dessus du vide

J’attends ce qui jaillit

Extrait de Les gens, Christophe Sanchez, Chroniques ordinaires

SOUS LE FICHU Jeudi 25 août

C’est un petit bout de femme au visage bardé d’un fichu gris, été comme hiver, une cape d’invisibilité pour dissimuler une expression assurément mystique. Je la croise tous les jours. Elle sort de sa grotte, vieille cahute coincée entre deux immeubles rénovés, claque sa porte récalcitrante d’un geste lourd, puis la verrouille avec trois tours d’une grande clef qu’elle pend par une corde à sa robe de bure.[...] Personne ne connaît son nom, on la dit sourde et muette. Certains la croient aveugle...

Extrait de Décomposition du verbe être, Rodrigue Lavallé

juillet 2018
ni visage ni mots le corps est dépecé
l’horizon dépassé par ces quatre murs là
poussière et planches rien tables buffet
bois mort comme lèvres et dents

l’oeil torve dedans le bol
scrute

à cet instant l’heure
dérobe le sol je ne sais
rien d’autre

Extrait de Ce n’est rien, Yannick Torlini

ce qui tient toute cette terrible ambiguïté de la langue, dans la langue et les os. on savait pourtant. l’ambiguïté. l’angoisse. la respiration.
chaque instant chaque douleur derrière les côtes. chaque pression sur les poumons. chaque contraction des muscles et du cœur. on savait.
comme une voix. et derrière la voix plus loin que la voix j’entendais murmurer. plus loin que ma voix j’entendais tout ce qui murmurait, dans la voix, derrière la voix.
il y a quelque chose dans les arbres. il y a comme une ombre dans les arbres. j’entendais murmurer.


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