Terre à ciel
Poésie d’aujourd’hui

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Yannick Torlini

mercredi 30 décembre 2015, par Cécile Guivarch

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Entretien avec Clara Regy

Comment et à quel moment l’écriture s’est-elle présentée à toi ?

Je ne sais pas vraiment à quel moment l’écriture est venue. Il n’y a pas eu de moment décisif, quelque chose est venu, de manière progressive et insidieuse. J’écrivais des notes, des textes, par mimétisme et résonance avec d’autres textes lus, des situations aussi, sans savoir vraiment pourquoi ni pour qui j’écrivais. Je n’avais pas l’intention « d’être » écrivain. Ce n’est venu que très récemment, cette volonté de structurer une pratique. J’ai commencé à publier vers 2011-2012, peut-être pour donner un objectif et une exigence à l’écriture. Mais, encore aujourd’hui, je ne me considère pas comme un écrivain.

Une « nécessité », un « plaisir » quotidien ?

L’écriture est une nécessité, oui, mais rarement un plaisir. Une nécessité, face aux mouvements discordants du monde, de dire quelque chose de ce monde qui avance souvent sans moi. Il y a une guerre qui se déroule. Il y a le constat initial d’un désastre, un désastre qui se répète chaque jour, mais qui est pourtant accepté. Je ne sais pas comment trouver une voix et une langue dans cet état. Il faudrait pouvoir trouver une langue effondrée, à ce monde qui s’effondre. Oui, il faudrait pouvoir effondrer la langue pour trouver sa place dans le monde.
Il n’y a pas de plaisir là-dedans, non. J’écris sans vrai plaisir, mais parce qu’il le faut. Je ne pense pas qu’écrire change le monde – c’est une illusion – mais aide à trouver une place, ou une absence de place, dans le monde. Écrire est inutile. L’écriture est quelque chose de douloureux, d’épuisant, un acte qui demande énormément de force, tout en s’inscrivant dans une fragilité. Concilier ces deux aspects n’est pas évident, je marche sur un perpétuel déséquilibre. Les lectures publiques m’aident à tenir cet équilibre.
J’écris chaque jour ou presque, oui, mais par fragments, par temps très courts, par manque de temps justement, mais aussi par manque de force.

Est-elle ritualisée ?

Oui. Un rituel, c’est ce qui structure le temps. L’écriture structure malgré tout. Elle propose une structure dans ce qui n’a plus de structure. J’écris peu, il n’y a pas de moment véritablement propice, mais il faut écrire. Rarement en journée, car je n’ai pas le temps. Plutôt en soirée, de manière manuscrite, pour garder un contact concret avec l’acte. Mais régulièrement, tous les jours.

Trois mots pour définir brièvement celui de… « poésie » ?

Je n’aime pas ce mot, « définition »… Je n’aime pas parler de ce qu’est ou n’est pas la poésie. D’ailleurs, je refuse de parler de la poésie. Ce qu’elle est ou n’est pas ne m’intéresse pas. Je refuse même le mot « poésie ». Il y a des textes, des actes d’écriture, des phénomènes qui échappent à la définition. Définir, c’est déjà finir. Je peux parler uniquement de ce que je fais lorsque j’écris. Ce n’est pas une définition générale. Je ne veux pas de définition générale. Alors, juste trois mots pour définir mon travail, et seulement mon travail : silence, angoisse, effondrement.

Quels sont les auteurs essentiels – aujourd’hui – à ton cheminement poétique ?

Il y a beaucoup d’auteurs qui m’accompagnent, de près ou de loin : Beckett, Tarkos, Christophe Manon, Maiakovski, Pizarnik, T.S. Eliot, Lobo Antunes, Franck Doyen, Agamben.
J’en oublie.

Tu participes – actuellement – avec d’autres jeunes auteurs à un chantier poétique : Nous habitons vos ruines. Pourrais-tu nous en parler ?

Ce chantier poétique est en fait un espace qui nous est réservé, à moi et à quatre autres jeunes auteurs (Laura Vazquez, Amandine André, Justin Delareux, A.C. Hello), pour donner à voir la façon dont s’élabore la création poétique aujourd’hui, toujours dans l’idée que l’écriture est une réponse au monde, et a donc une portée politique. Ce projet est initié par Laurent Cauwet, des éditions Al Dante, et en partenariat avec l’agence Ciclic. Nous disposons chacun d’un espace sur le site de l’agence, pour mettre en ligne brouillons, textes, réflexions… bref, tout ce qui fait la matière brute de l’écrire. L’idée est de donner à lire au jour le jour l’élaboration d’un texte poétique long.
Parallèlement à cela, chacun d’entre nous invitera un auteur qui compte pour l’écriture de ces textes. Nous serons accueillis par l’ENSA et la médiathèque de Bourges pour donner une soirée lecture avec ces auteurs, puis participer à une conférence ou un entretien.

Quel auteur inviteras-tu alors ? Si ne n’est pas « un secret »...

Non, ce n’est pas un secret. Cette rencontre aura lieu le 21 janvier à l’ENSA de Bourges. J’y participerai avec Laura Vazquez : Laura invitera Eugène Savitzkaya, et quant à moi, j’inviterai Christophe Manon. La forme que prendra cette rencontre est encore à définir, mais il s’y passera des choses intéressantes.


Né en 1988 à Nancy. Poète et explorateur de la malangue. Ecrit des textes avant tout. Travaille la langue autant qu’elle le travaille. Ne sait pas où il se trouve. Travaille. Travaille souvent. Écrit contre l’angoisse et le désastre. Écrit parfois pour. Ne sait pas où il se trouve. Ne sait pas. Travaille à ne pas savoir. Imagine quelque chose de lyrique. Ne sait pas où il se trouve. N’y travaille pas.
Publie : Rien(s) (Al Dante), Tu voudrais ton corps avancer (éditions Derrière la salle de bains), Nous avons marché (Al Dante), Camar(a)de (éditions Isabelle Sauvage), Tandis que (éditions Derrière la salle de bains).
Participe à des revues : Doc(k)s, Ouste, ATI, Contre-allées, Art matin, Boxon, Phoenix, Place de la Sorbonne, Dissonances...
A encore beaucoup à écrire.

http://yannicktorlini.wix.com/yannick-torlini

http://al-dante.org

https://editionsisabellesauvage.wordpress.com

http://leseditionsderrierelasalledebains.bigcartel.com

A lire, des textes de Yannick Torlini ici : chantiers poétiques / Labo de création


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