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Marie Evkine

samedi 15 juillet 2017, par Cécile Guivarch

Extraits de j’envie d’asie

je suis une femme de tous les jours
c’est mon premier automne bassin de la Villette
sur le canal aimer sans y mettre du poids
les filles c’est pas si loin
cette haine de moi à moi
et cet entre nous-là
je peux aller sur les plages sous le soleil breton
mais je suis à Paris sur ses quais et sa Seine
Paris la nuit me tord le cœur d’amour
Paris de ses pauvres se vide tous les jours
je suis en suspension
en attente d’émois

j’attends main dans la poche
et le cœur au couteau
elles un soir d’été
dans le bruit la poussière des peaux qui s’égarent
des toi au hasard
feuille ouverte sur le départ

j’envie d’asie
où les palmiers sont à la lune comme une lucarne taquine
vivre d’asie si loin d’ici jouer avec les libellules
à carré bleu les geckos les grenouilles en caresses trop froides
les pieds droits dans le sable ce qui nous sort de nous
j’envie d’asie une vie ici

elle court elle ne veut pas que le soleil se couche
je touche aux chaos impossibles
pas s’y faire aux corps sur les bancs des métros
non pas m’y faire à ceux couchés par terre
qui n’ont eu aucune chance
on dit le mot fous
on dit le mot nous
et je ne pense qu’à moi

ce monde ne me va plus je ne vais plus au monde
finir ma mort
dans une boîte pourrie et moi aussi
plutôt partir en fumée une petite âme qui vive
en bas de soi la nuit
vivante se redessine

13 novembre

pourquoi sont-ils sous la terre les beaux les aimés les autres
vous aviez des amis vous aviez des amours vous aviez des familles
la vie en dessins la mort en cercueils
en larmes, la vie
à quoi servent les regrets si l’on a beaucoup fait
à quoi servent les cris si seule reste la vie
la fin comme refus la fin comme douleur comme pourquoi
sans avoir eu le temps la terre les accueille
si loin déjà est la musique, si loin la nuit

À Erell

trop haute la rivière trop haute l’herbe
la petite fille veut les jupes des coquelicots
la petite fille guérit le feu son rire efface les erreurs
chapeau de paille sur les oreilles elle prend ma main
si pâle dans la sienne vie à visage humain


Petit entretien avec Clara Regy

Vous avez déjà parcouru quelques « chemins » en poésie, pourriez-vous les évoquer pour ouvrir cette « rencontre » ?

Je m’intéresse depuis toujours à la poésie. Mon premier souvenir, c’est Il pleure dans mon cœur de Paul Verlaine en classe de CE2.
Le jour de mon bac, j’apprends que des poèmes que j’ai envoyés à une revue ont obtenu un prix. Je suis tellement émue que ma mère me fait remarquer que j’en semble plus heureuse que de l’obtention de mon examen !
Ensuite, tout va très vite. Premier recueil publié en 1985, Sanglot de mouette effleure, qui interpelle Alex Millon, lequel vient de créer la revue de poésie franco-belge Reg’Art. Une rencontre extrêmement importante dans ma vie. Dès le numéro 2 en 1987, Eric Tremellat et Antonello Palumbo, deux autres membres, me confient des chroniques avant de me suggérer d’envoyer mes textes à des revues. Je suis alors publiée dans Traces, Rétro-Viseur, Parterre verbal, Spered Gouez, Le Guide Céleste, Comme ça et autrement et diverses anthologies. Sans oublier Décharge, qui édite Les banlieues sans limites (Polder) en 1992, avec une présentation de Mimy Kinet. Cette revue m’a publiée à plusieurs reprises depuis.

Grâce à tout ça, j’ai de magnifiques correspondances : Clod’Aria, Michel Valprémy, Christine Delcourt, Catrine Mafaraud, Sophie Masson, Jean Chatard, Jacques Josse… Sans oublier la belle rencontre à la fin des années 1980 avec Valérie Rouzeau et ses mots magiques. Je l’ai d’ailleurs publiée dans un numéro « Spécial Femmes » de Reg’Art.
Bref, cette revue est l’élément marquant de mon parcours poétique. Mais Alex Millon la quitte en 1991 pour des raisons personnelles, Hélène Dorion et Eric Tremellat peu après, et ma grande amie Mimy Kinet reprend les rênes. Avec une vision plus sérieuse des choses et en s’entourant parfois de gens qui me laissent perplexe. Mais qu’importe, je reviens toujours. Hélas, Antonello meurt en 1994 et Mimy en 1996. La revue s’arrête.

Eclairez-nous sur votre pseudo... Ses raisons d’être ? Son rôle ? Son importance pour vous ?

Au début des années 1980, je signais « Marie ». Un jour, j’ai demandé à un ami de me trouver un pseudonyme. Il s’est inspiré de termes grecs et russes, et ça a donné Marie Evkine. Il paraît que ça signifie approximativement « noblesse d’âme ». Ça me plaît bien !
Je n’ai pas voulu de « A » à la fin de Evkine, mais un « E », pour le côté androgyne, ambigu.

Vous me dites par ailleurs n’avoir plus désiré être publiée dans les années 2000. Pouvez-vous préciser quelles en étaient les raisons ?

En 1996, la mort de Mimy Kinet m’a anéantie. Notre relation amicale, faite de tendresse, de partage et de confiance, était très forte. Après Antonello… C’était trop de douleur.
De surcroît, j’ai vu pas mal de gens récupérer mon amie, ça m’a choquée et je me suis éloignée du milieu de la poésie. J’avais aussi énormément de travail et peu de temps pour écrire. Toutefois, en 2005, j’ai envoyé un manuscrit à Jean-Louis Massot, que je connaissais depuis longtemps. Et la nuit est paru en 2006 aux Carnets du Dessert de lune, avec une présentation de Jacques Morin.

Quels liens faites-vous (ou pas ?) entre vos diverses activités : poésie, roman, journalisme ?

Je n’en fais pas, ce sont des choses très différentes. Les articles et les guides pratiques demandent une écriture précise, rapide et concrète. Les poèmes comme les romans relèvent d’une écriture personnelle, qui exige du temps et beaucoup de travail.

Vos projets à ce jour ? Et ce que vous voudrez bien nous en dire...

Je termine mon quatrième recueil de poèmes, j’envie d’asie, mon deuxième roman (pour lequel j’ai obtenu une bourse du CNL), et un recueil de nouvelles. L’une d’entre elles, Nikki, est parue en avril dernier dans la revue Cabaret d’Alain Crozier.

La poésie en 3 mots pour vous :

Sensualité
Apaisement
Beauté.


Marie Léon (alias Marie EVKINE) est née en 1965 en Bretagne. Journaliste, elle vit à Paris depuis vingt ans.

Bibliographie

Poésie

  • Sanglot de mouette effleure, prix des Jeunes Poètes bretons, 1984
  • Les banlieues sans limites, polder, revue « Décharge », 1992
  • Et la nuit, Les Carnets du Dessert de Lune, 2006

Roman

  • Jours de mûres et de papillons, éd. Moires, mars 2014

Autres

  • La Bretagne des châteaux, co-édition Le Télégramme-Comité
    régional du tourisme, 1991
  • Contribution rédactionnelle guide Kenya, éd. Mondéos, 2008, 2009, 2010
  • Osez… les conseils d’une lesbienne pour faire l’amour à une femme, éd. La Musardine, février 2009
  • Besoin d’aide à domicile ? Tout savoir sur les services à la personne, éd. Vigot, mai 2009
  • Bien dans son corps avec les médecines douces, éd. Vigot, septembre 2010
  • Notre enfance en Bretagne, années 40-50, éd. Wartberg, octobre 2014
  • Brest hier et aujourd’hui, éd.Wartberg, octobre 2015
  • Comment faire face au harcèlement scolaire, éd. Lemaitre (e-book)

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