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Lus et approuvés

samedi 14 décembre 2013, par Valérie Canat de Chizy

Frédérick Houdaer, Fire notice
Éditions Le Pont du Change, 2013

Frédérick Houdaer, poète lyonnais, livre ici son quatrième opus en poésie. Fire notice a pour thème la magie, cette étincelle dans l’œil du poète qui lui permet de recourir à la dérision pour raconter, dans ces chroniques du quotidien, les travers petits et grands d’une société où la frontière entre le réel et l’imaginaire est ténue, où les repères sont bousculés. Frédérick Houdaer part de sa sphère personnelle pour évoquer son époque : son voisin du dessous qui regarde des clips vidéos à la télé, internet, l’ordinateur portable, l’argent, les livres de spi... Son livre ressemble à un recueil d’anecdotes. Sur le monde –

la fin du monde / a bel et bien eu lieu / une fois / deux fois / dix fois / on a fini par ne plus y prêter attention. –,

ou sur lui-même :

ma dernière cuite remonte au mois dernier / c’était avec une amie enceinte / bien meilleure buveuse que moi.

Il y a quelque chose d’attendrissant dans ces chroniques qui révèlent une touchante humanité, au-delà du masque de l’apparence.


Christian Degoutte, Sous les feuilles
p.i. sage intérieur, 2013

Sous les feuilles, c’est l’automne, les phares des voitures passent dans la nuit. Devant un abri d’autobus, une jeune femme regarde sa montre. Qu’y a-t-il derrière ce visage, cette silhouette, anonymes dans la nuit ?

on est sous nos noms écrits / quel dessin de fumée danse / notre corps quand on traverse / l’écran de la vie des autres.

Christian Degoutte croise des gens dans la foule, son écriture ici s’apparente à de la photographie humaniste.

sur la percale de la / nuit ricochets des visages / la pluie en talons aiguille.

Et pourtant, sous les feuilles, il y a autre chose. Il y a la peau, palpitante. Il y a le désir, qui donne la vie. Il y a le besoin d’amour. Comme une supplique. Celle de ces laissés-pour-compte, sac au sol, gueule tombée au bas / du trottoir auxquels Christian Degoutte donne une voix.

je tombe au bas du trottoir / entre les oubliés des caresses / ose ma peau s’il te plaît / à chaque seconde ose / ma peau ose-moi.

« Sous les feuilles » est le recueil d’un amoureux de la vie, qui compare les passantes à des danseuses qu’il voudrait toucher de ses mains, un qui voudrait traverser la foule pour retrouver la femme aimée, se lover tout contre elle.

qui t’appellera fruit / pour arrêter sur toi / la course de ses mains / copule de soleil / pour rafraîchir par toi / les chansons dans sa bouche / qui se dira feuillage / dansant phrase feuillue / pour balayer les ombres / courant sous tes pieds nus.


Philippe Fumery, Berbère
L’arbre à paroles, 2013

Voyage dans l’Atlas marocain. Des textes comme des graines semées le long du chemin. On suit les étapes. Bribes de vie. Hommes et animaux.

Berger perdu / sans mouton / au milieu de nulle part / ne sait ou donner de la tête / troupeau évanoui / il enverra les chiens.

On est dans le mouvement. Ce qui est vu, décrit, l’est à partir du point de vue du voyageur, qui marche sur une piste. Les haltes se font chez l’habitant. Dans les demeures, il n’y a pas d’électricité : ici / on te donne une bougie.

On croise des femmes qui ne se dévoilent qu’à la tombée de la nuit. C’est un paysage de pierres et de terre, les hommes passent avec leurs chèvres, c’est le pays du peu, ici s’arrête le peu que tu possèdes.

Pierres, bêtes, bergers, montagnes, et la présence énigmatique de la femme.

Une chouette perchée sur le cactus / c’est elle qui te regarde / tu l’as juste aperçue / elle ne te quitte pas / de ses yeux de femme.

Ici, pas de paroles, le regard prédomine. Ce n’est pas le désert, mais le lieu est propice à la contemplation. Le regard semble lavé, l’agitation intérieure cesse, se dépose.

Valérie Canat de Chizy


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