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L’espère-lurette, chronique po&ique, par Jean Palomba (avril 2016)

mardi 5 avril 2016, par Roselyne Sibille

On ne connaît jamais la distance exacte entre soi et la rive / Hélène Dassavray - Editions la Boucherie littéraire ; collection Sur le billot - 2015

C’est l’histoire à la source d’elle... qui un jour en de courts poèmes... au fil de l’eau, la sienne... au fil d’Hélène, draine ses mots (Dassavray)... et l’émotion : celle d’une qui suit son libre cours, aussi celui... (à sensations)... de sa libre pensée.

A lire On ne connaît jamais la distance exacte entre soi et la rive, vous en viendrez à vouloir devenir source et sourcier, ondoyer dans leur lit de fleuve... apprendre ou distinguer pourquoi elle se meurt ou à rebours naît... comment il se noie dans l’eau diseuse en gémissements... et comme ils nagent à leur plaisir dedans l’amoureuse onde... vouloir connaître leur soif, les faveurs que leurs esprits se donnent émergeant des marées, la tête pleine d’algues et d’étoiles... c’est la promesse dans le livre d’Hélène (Dassavray)... c’est le pli des eaux vives dans lequel vous vous surprendrez à aimer goûter l’engloutissement.. un livre comme une petite cathédrale d’eau vouée au culte de la légèreté d’amour et le sens de la vie... une vie éclaboussée d’eau claire et parcourue des rêves entrevus dans le puits des abysses... connaître les galets sur l’eau d’elle, la trace de leurs ricochets et comme il but son âme en parcourant ses jambes remontant à la source... comme il accourut pour prendre sa salive.... à sa claire fontaine, au milieu du jeu d’eaux.

Le texte d’Hélène vous fait la part belle, celle où divaguer Dassavray.

Enfin, il (...lui), ...toujours son texte... celui d’Hélène... (non pas le vôtre, malgré la tentation)... s’ouvre sur les confins, frémit au cercle de ses lèvres (Dassavray)... ici divulgant : « il faut avoir une raison pour se perdre dans le désert »... et puis là vous altère (encore désir...) et désaltère en vin de soif, en toute altérité.

iench / Béatrice Mauri - Editions Moires ; collection Clotho - 2016

iench est une friction d’oralité. Un proème voisé de 145 pages qui commence par « bundle en truffe inapte à reluquer à perpet l’odeur de La mère » et s’achève sur « on est bien en droit de repos à la fin ». Un mot fin qui voudrait qu’enfin commence la bonne vie pour bundle, le garçon iench à la maturité déréglée par une histoire qu’il convient de ne pas divulguer. iench pourrait être roman s’il n’était tout entier contenu dans une langue rentrée à l’intérieur de la bouche d’un bègue, enfant-homme divulgueur de l’affolant poème qui s’écrit en lui par manque d’élocution. iench est aussi le rôle que s’est donné bundle auprès de sa mère, maîtresse roussie au feu lent de ses désirs inassouvis. Traité comme un chien, bundle parle la langue du iench qu’il avale en monologue intérieur déponctué au fil du texte à lire. Une langue en partage avec son frère aîné munch, fugueur éclopé de naissance dont le cri sur la mère en dit mystérieusement long. Les spectres d’Albert Simonin, de Céline, de Salinger, d’Andréas Becker ou du Bavard de Louis-René des Forêts hantent parfois la texture qui pourtant ne leur emprunte rien. Edith Azam, dans sa préface débusque l’ombrette d’un Faulkner rasant les colonnades du patio, lieu emblématique dans le livre. Fantasia chez les ploucs, roman noir de Charles Williams, pourrait être cité, mais une fantasia négative et contrariée, où les cavalcades seraient d’un jeune homme au pied bot, d’une veuve nymphomane et surtout celles des phrases en colère, des rêves en loucedé, des douloureuses pensées du iench.
Enfin, il faut évoquer les rousseurs. La toxique de la mère et la douce de la rivière, toutes deux si chères au cœur d’un comme bundle. Comme lui, si vous ouvrez iench, c’est à l’heure rousse que vous serez.

Glôôsse : réponse à la tentative d’assassinat du peuple grec par l’union européenne et ses bailleurs de fonds / Stéphane Nowak Papantoniou (Al Dante - 2014)

Glôôsse est un poème de luttes en forme de cri, dazibao, placards, slogans, de râles qui s’écrit place du Syntagme (!) à Athènes. C’est aussi un reportage qui se télécharge directement sur la rétine en corps 3, 15, 25 ou 7 – une texture irradiée, un témoignage des moignons, un journal de nuits in situ, visions énucléées, viscères rêveuses, pris quasi mort sur le vif. Il y a avec Stéphane Nowak Papantoniou, dans sa verve, l’heureuse force, la rage et la jouissance, bref, l’impérieux soutien des fantômes de Tarkos et Gherasim Luca à peine vêtus de l’absurde bure ineffable d’un comme Becket. Spectre vocal exfolié depuis l’ultra réel de la trame textuelle, Glôôsse est une pâte-mots à peine fibreuse où l’imaginaire se consume dans un atroce dévoiement du symbolique, entre par les yeux dans les oreilles. C’est dire la puissance de la langue qui naît à la lecture terrifiante, terrorisée de ce libelle-tribune-exutoire écrit en glôôsse, là sous l’œil expectant du lecteur arraché au chevet, au sofa des assis ! « Ça s’appellle avec 3 L / la glôôssse avec trois SSS / la terrrreur avec quatre R ». C’est transcrit, le mur sous la gorge, dans l’irréparable de la langue, en glôôsse : un enragement-désossement du corps de celle-ci, la-sa langue à Stéphane Nowak Papantoniou, qui sourd, suinte sur-depuis la glotte malgré engluage, en glôôsse : langage naïf-natif, zig-zag entre naissance et nation, quand l’Europe la quitte, le coupe de sa racine, dans l’impossibilité de la pensée réflexive – section-aphonie : « commentaire sans le comment » : Glôôsse, le très beau poème, parle ça.

(Page établie avec la complicité de Roselyne Sibille)


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