Terre à ciel
Poésie d’aujourd’hui

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Jean Palomba

vendredi 17 mai 2013, par Jean-Marc Undriener

L’Amour Peint

Tableau 1 :
Une porte dérobée

____Regarde mon amour. Ce que tu prends sur l’étagère n’est pas ce quelque chose auquel tu t’attends. Non. En le touchant, nul ne peut penser à de la peau de nouveau-né. Ce n’est pas doux comme cette lézarde que tu as. Ce n’est pas non plus le velours contrasté du chat sous l’orage. Ce n’est pas le bec jaune du merle, et pas non plus le battement ténu du cœur du mulot, qu’on traque sans y songer.
____Alors, qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce que c’est que ce truc dont nous ne parlons pas – présence révélée au seul instant de mon regard sur ton geste

lovyou
lovyou
 
le bel été sur ta bouche
pop wizzz fraise écrasée
nous dorloter guili douce
joues puis aux lèvres un baiser
 
à la nuit cuisse et fruit, source
bruissant tes cils en brassées
sein, buisson, fesse, esprit, course
jeu, soie, frisson nous bercer
 
ton corps à langue au point mousse
framboise amour me cousait
gerboise en clown j’étais rousse
de là l’histoire embrasée
 
sont ces poussins que je touche
dans tes cheveux nuit lovés
lovyou lovyou guili douce
à la ton cœur me sauvait

La mort du petit moine Satrape

Les Ouaouarons

Les Ouaouarons
rêvent
de karakuls couci-couça
j’ai un ana
j’ai un ara
tout un buisson d’amour en cage
et un ahan
bop houp hop
han !
Les Ouaouarons
rêvent
de quinquina, de quinoa
en quichoa
et de pourquoi
d’amour herbeux et d’alkékenge
et d’un quidam
bop houp hop
quoi ?

Les Ouaouarons
rêvent
les potorous
rêvent
les tangaras, les nanzouks, les négondos, les rossolis et les aghas...
tous rêvent
de karakuls couci-couça
j’ai une obi
un abaca
je n’ai pas de ratafia de roses
et pas d’amant
bop houp hop
couic !

Les Ouaouarons
rêvent
de dodos aptères et d’oings
j’ai une houri
une bora
une ouche avec de l’alpaga
agar-agar
bop houp hop
couac !

Les Ouaouarons
rêvent
plus de rien du tout, de rien, quoi !
J’ai pas d’or
pas de paon
pas de pou-de-soie, pas de quoi
au vent d’autan
bop houp hop
pan !

Parcs et Parques

Entre nous les vents

Entre nous, les vents avec diamants,
Extrêmes et si proches de moi-
Même, au moment de filer au jardin mélodieux, au fil, aux fleurs, au bleu.
Jeunes filles au parc,
Entre nous, traversant nos corps, avec une paresse, liant, déliant nos ombres, nos yeux clos, de Leurs danses,
Entre nous, au moindre mouvement de nos secrets, à mots si doux,
Entre nous, femmes, filles flexibles et fermes, semblent nous enclore, frémir leurs noms Aériens, nos corps mourants,
Forêts flottantes, cachées sous les herbes, l’air brisé, les cœurs battus d’oiseaux percés
De cris d’enfants,
Visages clairs et naissants,
Fantômes,
De regards en regards en regards,
D’arcs brusques en liens de fleurs,
Nos morts légères, ignorées, transparentes, mais rauques, si voilées, d’arrière douceur
Et de poudre de danses.

Entre nous les vents avec extrêmement

Qu’est-ce que vous ?

Qu’est-ce que vous ?

Oui vous ? (- z’êtes en train d’ faire ?)

Etes-vous compris, inclus dans ce vous ?
Vous, V.O.U.S, parvenez-vous à tenir là d’dans, vraiment du V au S,
Des bords internes du V, passer au travers du O, après la glissade et la remontée
vvvvvvvvvv

Sans peine

Cependant, si vous prenez bien votre élan
Ah le vertige du V
Et puis le haut ou le bas, à moto, à l’intérieur du O
A toute vitesse tourner
S’expulser vers le moelleux
La moelleuse courbe du U
Le O de la surprise imprimé au cercle de vos lèvres
L’O de là

Prendre du bon temps dans ce U si singulier
Dont on ne sait si souvent comment le prononcer…
Mais vous, affalés dans ce U
Comme en sofa coincés
Poules devant la résille du grillage derrière vous ouvert
Levez les yeux
Le ciel de la lettre vous attire déjà vers les sinuosités du S

Ah quel parc d’attraction que ce VOUS dans lequel vous êtes
Qui, bord à bord,
De l’interne à l’interne
Toujours me sera inconnu…
Alors que vous, ce VOUS dans mon texte,
Est-ce votre parc naturel ?



Fresqàdir : 17 PWEM

1 Pwem Truc

Truc

Pas le genre de truc qui s’ouvre en bouquet, où le vent se met, pourrait comme la mer basculer, monter puis descendre, beau, de légers degrés. Un truc à jacinthes florissant la tempe, brumisant la plaie ? Non, vraiment pas ce genre de truc, dont on vêtirait. Pas de hanche à ceindre, ni de corps à peindre avec teint d’œufs frais...Mais, un de ces trucs peut-être à jamais, c’est-à-dire à l’Ouest d’Est, autrement tout près, un, soupçon de rien, d’être à peine, où, loin, aux iris ouvrés, absinthes sans verres, respirées d’air très ; cerne de l’espèce si peu marquée, léchant la rive, frôlant l’aile du nez, paupières en amande au soleil de mai. Ni poisson ni chair, ni souvent perdu, où bercé d’averses et nulle part séché. Un de ces, pas vraiment de plage, ni d’un mont frisquet ; mais un de l’été, trucs où ne vont jamais..., même par temps beau, parce que non, le truc, le genre qu’on attend, d’avant, et pourtant après, cravate en creux vaste, et bruyère flanquée…de ce truc en reste, coincé, d’ombre de jambes, de mots animés, au-delà du truc, et lui, tout craché du dire, étendu sans nom, le truc, et encore caché

Légèr’ment l’être
Légèr’ment l’être

L’être, oh, légèr’ment, puisque
l’être, oh, légèr’ment, oui, c’ que
ce s’rait frisquet, odalisque et brusque !
Oui quoi, mais fluide, frustre, avec et sans frusques.

L’être, oh, légèr’ment, puisque
l’être, oh, légèr’ment whisk-
y, tequila, vitesse à fleur, mesc-
al de peau, mais squales traversés de fresques.

L’être, oh, légèr’ment, presque
l’être, oh, légèr’ment, où est-c’ que
ce s’rait ?... Si lointain mais presque jusqu’
ah, tout près, là, frais, où c’ que naissent les muscs.

L’être, oh, étonnamment, parc’ que
lettre muette et sans masque,
loin trouvée, pressentie amulette,
qui des livres le sceau crée : l’espère-lurettes.

Ecouter Jean Palomba :

Avertissement

Ailement




Mini-entretien avec Jean PALOMBA par Roselyne SIBILLE

D’où vient l’écriture pour toi ?

Je me souviens des petites boucles qu’il fallait faire en graphisme en dernière année de maternelle. Tout d’un coup en plein milieu de la ligne, mes boucles grandissent, s’agrandissent sans que je puisse savoir pourquoi, puis elles reviennent à leur taille normale jusqu’à la fin de la ligne. Plus tard, le maître me dit, ton texte sur les flocons-lutins, il est bien, on va le travailler avec toute la classe. Ca, c’est un peu la classe, déjà. Après, encore plus tard, je me retrouve à avoir des notes faramineuses parce que je raconte mes vacances à Palavas avec des bouts rimés. Et puis bientôt, j’ai une prof loufoque qui utilise comme méthode sur nous autres les ateliers d’écriture... elle me fait lire Vian, Salinger, Ionesco !!! Alors là, là, c’est cuit, ce sera ça, la-ma vie d’écriture.

Comment travailles-tu tes écrits ?

Avec des contraintes. Un réseau de contraintes qui tournoie comme un escalier spiralé. Avec des mots que j’attrape ici ou là. Et je fais sonner tout ça. Dans l’idée que j’ai un mystère qui frétille, à divulguer. Une zone secrète dans laquelle tout ça se malaxe. Les contraintes me font écrire d’un coup. Puis ça repose. Et puis je réécris, réécris sans cesse pour voir où ça va, jusqu’à ce que ça lève vraiment et prenne. Prenne ma voix. Pour que ça sorte par la bouche. Le texte comme un fil sortant de là. (J’ai lu ce genre de choses chez Pey - le tissu du texte qui sort de la langue par la bouche en fils de voix, c’est vrai pour moi).

Que t’apporte l’écriture ?

Rien. Plein d’embrouilles. Qu’il faut que je débrouille. Les mots rentrent par les oreilles, passent par la main, puis la voix. Entre temps, ce sont le cerveau et les yeux qui se fatiguent. Une vraie fatigue qui les pique et l’embrume. Et des proches, des éloignés et des lointains qui se demandent ce que je peux bien foutre, à pas bricoler, (picoler ?), si peu bouger, et écrire autant de trucs... à peine lisibles, qui n’existent pas, ou si peu.

Quel lien fais-tu entre poésie et mise en voix ?

Tout lien. La poésie est un chant. Elle passe sûrement par la voix. Il y a un lien entre la texture, le bout de la langue, et le filet de la voix. Les premiers poètes que j’ai vraiment pris en moi sont des chanteurs musiciens : Gainsbourg, Nougaro, Ferré... Ferré a connu Breton qui a vu passer Verlaine. Nougaro a connu Audiberti. Gainsbourg avait pour projet de travailler avec Vian, qui a tout fait, et aussi connu Queneau qui a écrit pour Gréco, etc. La poésie : les pensées poussent dans la langue qui tourne dans la bouche, alors la poésie passe dans la voix. Qui est un fantôme en nous. (J’ai dû entendre Novarina dire ça. C’est très juste aujourd’hui pour moi, cette sorte de prodige spectral en nous).

Quelle serait ta bibliothèque idéale ?

Je suis bibliothécaire, et pourtant la bibliothèque m’impressionne terriblement, toutes ces voix cachées dans ces milliers de pages. C’est pourquoi j’ai préféré sans doute être bibliothécaire musical. Un livre pour moi est une énigme à patiemment absorber par le corps, rendu poreux sous l’action des cinq sens, pour la résoudre. Je n’arrive plus à lire serein, en silence. Je lis de plus en plus avec les oreilles et la bouche, avec cette impression que mes yeux sont griffés par les lettres.
Godard dit qu’il ne finit aucun livre. C’est ce qui m’arrive. Mais lui, c’est parce qu’il comprend le truc au bout de quelques pages. Moi, c’est parce que je n’ai ni l’intellect de Godard, ni le coffre de ces gros types, genre les cadors des lettres françaises. Il y a trop à manger dans un livre. Je n’arrive plus à être ce lecteur passager dans le wagon de première dont parlait Céline, cheminant au vent d’aventure, au gré des villégiatures. Il faut tout de suite que je me mette aux machines, pour voir comment c’est fait et comment ça tourne. Si le livre me plaît, au bout d’une page ou deux, il m’en fait écrire trois ou quatre. C’est épuisant. C’est pour ça qu’un livre, par exemple, comme Billy The Kid de Jack Spicer, ou Caisses de Tarkos me conviennent très bien. Je peux en goûter chaque lettre, chaque son, chaque mot, chaque rêve de phrase.
Enfin, s’il fallait dire quoi sur une île, et tout : L’attrape cœurs de Salinger, L’écume des jours de Vian, La Maison d’haleine de William Goyen (ce titre !), La Liberté et l’amour de Desnos, Bureau de Tabac de Pessoa, Paroles de Prévert, et des morceaux choisis de Verlaine, Apollinaire, Rimbaudelaire, et Queneau. Mais ce ne sont pas des livres, ce sont des fétiches.


Repères bio-bibliographiques

Jean Palomba est né le 17 mars 1964.
Il est bibliothécaire musical et animateur d’atelier d’écriture à Arles où il vit.

Collaborations avec le photographe plasticien Manuel Salvat :

L’Apéritif Stimule L’Appétit : création à la galerie Dortindeguey-Regal, Arles, en juillet 2001.

2005, Une Année de Rêve : résidences, lectures, performances, ateliers d’écriture, début de la collection de l’amateur de rêves, adhérent au RêveClub (http://www.reveclub.org/), Médiathèque d’Arles, 2005.

Manuel Salvat : Au Travers
, catalogue d’exposition, musée-museum départemental de Gap, 2007.
http://www.librairiedialogues.fr/personne/jean-palomba/1237080/

Collaboration avec la psychanalyste et poète Simone Molina :

Spectacle au Chapiteau Théâtre Fou : l’Indien au-delà des miroirs, lecture performance, Festival off d’Avignon 2011.

Collaboration avec l’Association Magma (Louis Hautefort)

Lectures performances, Festival Assauts Poétiques, Arles, 2009, 2010, 2011

Croire Au Jaguar, une émulsion d’écrits à sons, chuchotée fort et criée doux - Emission radiophonique sur Radio 3DFM, 2012-2013
(http://www.radio3dfm.com/content/croire-au-jaguar-2)

Chroniqueur sur Terre à Ciel, site de poésie contemporaine, depuis 2013.


Présentation de Rage Mue

Poésie en prose, l’univers doucement halluciné, touchant et magique, de Jean Palomba
Publication aux éditions Moires, en librairie septembre 2013.
140 pages environ, Poésie, coll. Clotho

Jean Palomba écrit pour les yeux et les oreilles. Rage Mue, bréviaire du poète mort conte la vie textuelle d’un graphomane illuminé. Quelqu’un (je), une voix (Muihr), traversés d’amours et de haines, cheminent par erreurs hallucinées vers la mort.
Quelques dérèglements à l’œuvre dans les fibres du texte : la narcolepsie, l’alexie, la jargonaphasie, l’écho de la pensée, la télépathie, l’ubiquité.

(Page réalisée grâce à la complicité de Roselyne Sibille)


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