Terre à ciel
Poésie d’aujourd’hui

Accueil > Terre à ciel des poètes > François Rannou

François Rannou

mercredi 30 décembre 2015, par Cécile Guivarch

François Rannou est né à Nice. Il codirige désormais (avec Pierre-Yves Soucy) une collection de poésie à La Lettre volée et travaille à la diffusion de livres électroniques de poésie sur Publie.net. Il participe à la revue l’étrangère. Il a réalisé des livres d’artistes avec Hung Rannou, Maya Mémin, André Jolivet et Thierry Le Saëc, Caroline François-Rubino et Yves Picquet (Un corps plongé remonte à la surface). Il travaille également les images. Il invente des projets de lectures collectives à voix haute organisées comme des polyphonies en partie improvisées. De nombreux livres de poésie parmi lesquels, récemment : le livre s’est ouvert (La Nerthe, Toulon, 2014) et rapt (La Nerthe, Toulon, 2013). Prolongeant la pensée de Celan qui chuchotait « [l]e poème est un serrement de mains », François Rannou écrit ainsi : « les mots toujours sont / cette main / étrangère / découverte sienne / hors de soi ». « Par altérité du corps, laquelle est ontologiquement « fuite » (ce-qui-résiste-à-l’emprise), il faut entendre toute altérité » (Matthieu Gosztola).

Le livre s’est ouvert, blog de Franois Rannou


Extrait de Cale pavée

Finistère
(3 naissances)

I

___

le noir s’en est allé

— les pères Jésuites remontant
Rosmadec jusqu’au croisement
des vents : dialogues vifs
sur la grâce, le libre arbitre
et la manière de manger
de la viande rouge un
vendredi en plein carême —

dans mon rêve le
même toujours
il scinde le bleu des
yeux de ma mère
sur la rivière
l’abri profond de ses yeux

___
___
___

l’eau devient une voix
les arbres disparaissent je
les sens quand
je traverse le
pont ouvrant ___ ___ ___ le fleuve
en tombe une pièce
s’échappe de ma poche
jusqu’à un corps flottant
dont je reconnais le visage
— ciel au ventre échevelé
le courant m’étire

___
___
___

cale pavée
pente douce
la brume traverse
ma poitrine
entre les lèvres
le jour dilué
n’a plus d’attache
j’avalerais son
nom jusque
dans mes os

___
___
___

les couleurs d’origine
sillonnent le
vent trop
haut
___ ___ sous le bruit
flou des avions les
berges se fragmentent
mes pieds devenus friables
créent des empreintes
syncopées

___
___
___

le vent soudain
coupe la rive
l’eau nette est à
côté les
ombellifères ont 1 odeur
de nuit que
j’emporte collée à
moi
___ fluide
toucher où se
termine le
fleuve

___
___
___

les orties brûleraient
tes mots
où je marche

l’articulation de ton
cou est un
jour sans
suture

pas claudiquant
ponctuel
et la lumière
dense
entre nos riens

___

II

___

la grille verte
fraîchement repeinte était
ouverte le fin gravier
blanc mêlé de sable
(cristaux micaschistes
rappelant l’estran
— côte découpée
durcit les nuages)
m’amène à respirer
par pauses comme en
apnée
______ enfin je suis
devant cet homme
allongé par force sous
le granit
(mort naturelle ?)
___ plus jeune
pour toujours que le
fils naturel debout droit
une si vive
ressemblance nous fait
différer dans le
temps
la cloche du gardien
se mêle
à la radio par la
fenêtre qu’1
main referme
presque

___

III

___

le vent est-il visible ?
(bras levés s’apprête
à diriger selon
l’image que je m’en
fais) dans le
silence qui semble tombé
sommeil mat en plein
jour rêve suspen
du en roulant

___
___
___

d’un coup c’est sans
origine aucune déchirure
sur la peau de l’air
— je la touche comme avec
la pulpe des doigts ta
tempe bruissant de cheveux
fins — ça expire
violemment longtemps les
hautes feuillées se bousculent
fouettent l’air le plissent
le froncent le délogeant de sa
propre vie je suis devant
un fauve surgissant là
je ne peux plus rien croire
— tout est retombé
distinct
soudain

___
___
___

(j’en aurais, du vent, un
visage, ses traits
abstraits, ses lignes
de vie : derme innervé
j’en pourrais saisir
la trame d’écran
en écran traverser
quel miroir pour en
tirer la langue croyant
la tenir
ou bien ?
le vent est autre chose que le vent
les hommes ne savent pas ce qu’ils connaissent)

___
___
___

sensation d’une naissance : je
suis à l’intérieur du
courant là-haut porté
pour qu’à minuit je puisse
comprendre ce qu’est
l’heure indiscernable
de l’interdit
(père & mère ont faim d’eux-mêmes
baisers sans bruit
bris nocturne après le détachement)
le raclement des branches
contre les volets
fléchit l’ombre
mes genoux se déplient

___
___
extrait de rapt (éds. La Nerthe) : vidéo-lecture de François Rannou

Bibliographie

Livres

  • Next station, Approches, Uzay-le-Venon, 2014
  • le livre s’est ouvert, La Nerthe, Toulon, 2014
  • …Déviés par le vent, Le Cadran ligné, Saint-Clément, 2014.
  • rapt, La Nerthe, Toulon, 2013
  • la chèvre noire, suite, Publie.net, St-Cyr-sur-Loire, 2012.
  • contretemps paradist, La Rivière échappée, Rennes, 2010.
  • là-contre, Le Cormier, Bruxelles, 2008.
  • l’inadvertance, avec des peintures de Hung Rannou, Publie.net, St-Cyr-sur-Loire, 2008.
  • cou cueilli, avec des œuvres de Thierry Le Saëc, La Canopée, Languidic, 2007.
  • les éléments, traduction d’un chant breton, avec une préface de Paol Keineg, Wigwam, Rennes, 2005.
  • un corps plongé remonte à la surface…, livre-installation avec Yves Picquet, Doublecloche, Plouedern, 2004.
  • l’éclat de l’étrangère, avec des gravures de Thierry Le Saëc, tirage limité, La Canopée, Languidic, 2004.
  • le monde tandis que, La Lettre volée, Bruxelles, 2003.
  • l’intervalle, La Lettre volée, Bruxelles, 2000.
  • tisse la ressemblance, avec des encres de Hung Rannou, Dana, La Chapelle Chaussée,1996.
  • l’autre versant de l’ombre, Wigwam, Rennes, 1994.
  • sculpte la mort, avec des encres de Hung Rannou, Calligrammes, Quimper, 1991.

Collectifs

  • « Locus amoenus », poème dans l’anthologie Saxifrage, Terre à ciel, janvier 2016.
  • Anthologie (Dir.) Quels infinis paysages ?, Publie.net, 2011.
  • Cahier André Du Bouchet (Dir.), revue L’étrangère, n° 14-15 et 16-17-18 (700 pages), La Lettre volée, mai 2007.
  • Littérature de Bretagne (Dir.), revue Europe, Paris, mai 2005.
  • Cahier spécial André Du Bouchet (Dir.), revue la Rivière échappée, n°8-9, Rennes, 1998.

CD-DVD

  • contretemps paradist, cd, lecture à plusieurs voix avec une musique d’Aurélien Dumont, studio électroacoustique de Lille, 2007.
  • un corps plongé remonte à la surface…, dvd, réalisé par Gilbert Louet, Poitiers, 2006.

Partition

  • Tempus fugit, toucher d’ombre…, livret pour pièce chantée à 40 voix mixtes, composition d’Aurélien Dumont, éditions musicales Artchipel, Paris, 2014.

Bookmark and Share


1 Message

Réagir | Commenter

spip 3 inside | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0 Terre à ciel 2005-2013 | Textes & photos © Tous droits réservés