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9.3 blondes light, Jean-Luc Despax par France Burghelle Rey

mercredi 30 septembre 2015, par Cécile Guivarch

Le Temps des cerises, 2015, 12 euros

9.3 blondes light : recueil, par définition, d’une poésie engagée. Pour défendre le peuple il faut défiler la cigarette à la bouche, écrire, à l’aide d’une blonde, texte après texte une diatribe inspirée. A chaque bouffée correspond alors une inspiration et une expiration pour 93 textes et un excipit sans tabac qui crache son venin contre ce siècle et celui qui le précède.

Juste à la suite de l’incipit Cigarette 2, « Liberty » est déjà l’annonce des ces paris-inventaires qui, par leur jeux de mots et de sons – rimes et assonances –, instaure la musique ironique nécessaire. Une poétique qui empêche le réalisme de transmuer la poésie en prosaïque et laisse le lecteur interloqué par une culture foisonnante en prise avec le monde moderne où est entraînée façon Apollinaire, pour y danser, une certaine Mary Ann. Surréalisme, également, entaché de Villon, si on veut parler d’influences. Les contrastes de tons sont remarquables : l’humour contrarie le tragique et se fait grinçant : « Marie-Antoinette époque Weight Watchers ». Jean-Luc Despax est encore imprégné de ses 220 slams sur la voie de gauche publiés en 2010.

D’un côté, l’espace avec un cosmopolitisme exprimé au moyen de la musicale langue anglaise. De l’autre, le temps qui s’exprime, de manière récurrente, depuis la guerre d’Algérie aux 30 glorieuses jusque à l’époque facebook.

La cigarette connote la liberté et l’inspiration mais aussi le dandysme nié de celui qui, choqué par les autodafés, veut, par ailleurs, plaire à « la fille aux yeux verts ». Cigarette 40 : hommage encore à la dame dès l’incipit : « Celle-ci je l’allume au feu de ton visage ». Avec une ode à la métaphore, une autre aux bibelots suivie de deux poèmes d’amour que clôt « La danse des pervers narcissiques » en Cigarette 29 s’affirme, comme dans l’ensemble du recueil, l’idée que la poésie est indispensable.

A chaque fois qu’une cigarette s’éteint, une autre s’allume qui nourrit le poète-phénix. Celui-ci se prend pour Ronsard et s’exerce aux sonnets, préfère à l’éloge le blâme, sans oublier ses classiques : « La terre est bleue comme une facture d’Orange ».

C’est un véritable feu d’artifice que le Stand-up final offre au lecteur dont l’art résume l’ensemble du recueil et dit, par exemple, « Avec très peu d’alcool il n’y a pas de hic / Apollinaire ainsi a conquis l’Amérique ». Le texte utilise le « calembour créateur » défini par Jacqueline de Romilly et des expressions comme « Casanova casanier » y côtoient des vérités culturelles qui font choc : « Sartre ne fait pas gagner l’Euromillion ». Des chutes, pour finir, provoquent même une certaine émotion : « Sur la playlist Imagine de John Lennon ».

Petite bible pour les écœurés du système mais branchés-malgré-tout, ce recueil, pour beaucoup, se refermera à regret.

France Burghelle Rey ( août 2015 ) ©


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